La phrase barre la page d'accueil du site de l'organe officiel du Vatican, L'Osservatore Romano, façon de célébrer l'importance de l'instant : " La peine de mort est inadmissible. " Jeudi 2 août, le Vatican a annoncé que le pape François avait fait insérer en mai, par un " rescrit ", ces quelques mots lourds de sens dans l'article 2267 du Catéchisme de l'Eglise catholique : " C'est pourquoi l'Eglise enseigne, à la lumière de l'Evangile, que la peine de mort est une mesure inhumaine qui blesse la dignité personnelle et elle s'engage de façon déterminée en vue de son abolition partout dans le monde. "
Long texte d'instruction se substituant au Catéchisme édité au sortir du concile de Trente, le Catéchisme de l'Eglise catholique, voulu par le pape Jean Paul II, avait été promulgué et publié en 1992, dans le but d'exposer aux fidèles les conclusions du concile de Vatican II (1962-1965). Au sein de l'Eglise, il fait office d'ouvrage de référence.
" Contraire à l'Eglise "La nouvelle est tout sauf une révolution copernicienne, tant l'Eglise catholique a œuvré, depuis des décennies, dans le sens d'un abandon du recours à la peine capitale. Le pape François avait annoncé cette évolution à venir le 11 octobre 2017, dans un discours au cours duquel il l'avait qualifiée de " mesure inhumaine qui humilie ", qui " porte atteinte à l'inviolabilité de la personne humaine " et, à ce titre, est " contraire à l'Eglise ". Restait à faire inscrire dans les textes cette évolution de doctrine. Pour cela, il aura fallu près d'un an. Une durée plutôt minime au regard des habitudes d'une institution, qui n'évolue, sur les sujets de ce type, qu'avec prudence et lenteur.
" Que le pape soit absolument opposé à la peine de mort et qu'il en demande l'abolition partout dans le monde, on le savait déjà ", note d'ailleurs le Corriere della Sera. En cela, il s'inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs Jean Paul II et Benoît XVI, dont la parole ne souffrait, sur ce sujet, d'aucune ambiguïté. Cependant, le Catéchisme, lui, était nettement plus mesuré.
C'est qu'il fallait faire avec les positions exprimées par les papes précédents. En effet, pendant des siècles, l'Eglise a suivi l'enseignement des " pères de l'Eglise ", -notamment saint Augustin, qui justifiaient l'usage de la peine capitale. Elle considérait les mouvements abolitionnistes avec méfiance et scepticisme, comme de dangereuses émanations d'un esprit des Lumières hostile à la tradition chrétienne. L'Etat du Vatican, lui, n'a aboli la peine capitale qu'en 1969, qui restait prévue par les accords du Latran.
La précédente version du Catéchisme, corrigée en 1998, était le lointain écho de ces réserves. Elle prévoyait la peine de mort, " si celle-ci est l'unique moyen praticable pour protéger efficacement de l'injuste agresseur la vie d'êtres humains ", tout en ajoutant que ces cas sont " désormais assez rares, sinon pratiquement inexistants ".
En France, l'évolution de l'opinion publique est tout aussi lente : en 2013, une étude publiée dans l'hebdomadaire
La Vie assurait que les 45 % de catholiques français étaient pour le rétablissement de la peine de mort (contre 53 % pour l'ensemble des Français).
Jérôme Gautheret
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