Promesse de campagne d'Emmanuel Macron, la " rénovation " de notre modèle social vient de franchir une deuxième étape. Après la réécriture en 2017 du code du travail, trois dispositifs sont sur le point de connaître des transformations majeures : -l'assurance-chômage, l'apprentissage et la formation continue. Une triple réforme permise par le projet de loi " avenir professionnel ", que l'Assemblée nationale a définitivement adopté, mercredi 1er août, par 137 voix pour et 30 contre. Seuls les députés LRM et MoDem ont approuvé le texte, qui contient également des mesures relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes dans les entreprises, aux travailleurs détachés et à l'emploi des handicapés. Les autres groupes se sont tous exprimés contre, ce qui n'avait pas été le cas, en 2017, pour la -refonte du code du travail puisque une nette majorité d'élus de droite et du centre-droit avaient donné leur imprimatur.
Les votes négatifs sur le projet de loi " avenir professionnel " traduisent, bien évidemment, des désaccords de fond. Le fait, par exemple, de retirer des prérogatives aux régions dans le pilotage de l'apprentissage a été dénoncé, à gauche comme à droite. Mais la méthode employée par l'exécutif a également nourri les critiques :
" improvisation ",
" précipitation ",
" amateurisme "…
A maintes reprises, les députés et les sénateurs de l'opposition se sont indignés que le gouvernement retravaille constamment sa copie à coups d'amendements tombés du ciel. Un peu comme un joueur de Rubik's cube qui serait lancé dans la quête, interminable, des bonnes combinaisons.
Ce reproche a sans doute atteint son point culminant, le 10 juillet, au Palais du Luxembourg. La veille, lors de son discours devant le Congrès, Emmanuel Macron avait, contre toute attente, -exprimé le souhait que les partenaires sociaux ouvrent, à l'automne, des négociations afin de réviser les règles d'indemnisation des demandeurs d'emploi dans une nouvelle
" convention " Unédic. Il avait précisé que son annonce ferait l'objet d'un amendement au projet de loi " avenir professionnel ", alors même que le texte avait déjà été adopté en première lecture à l'Assemblée.
Face à ce brusque changement de cap, qui chamboulait une disposition-clé, la première réaction, parmi les parlementaires, fut d'abord la surprise. Puis la colère. Car lorsque les sénateurs ont débuté l'examen en séance, le 10 juillet, ils n'avaient toujours pas connaissance des détails de la mesure.
" Nous sommes stupéfaits de la méthode de travail ", lança Bruno Retailleau, le patron du groupe LR du Palais du Luxembourg. La démarche de l'exécutif est
" pour le moins maladroite, pour ne pas dire irrespectueuse envers les chambres ", déplora Alain Milon, sénateur LR et président de la commission des affaires sociales. Même des élus favorables à la réforme manifestèrent leur -désappointement.
" Sur ce sujet d'importance majeure, comment assurer un travail législatif de -qualité, alors que tout semble aujourd'hui remis en question ? ", s'interrogea Véronique Guillotin (RDSE). Les parlementaires n'apprécient guère que le gouvernement dépose tardivement un amendement de grande ampleur, car ils ne disposent
" ni d'étude d'impact, ni de l'avis du Conseil d'Etat, ni du temps suffisant pour organiser des auditions complémentaires ", comme l'a rappelé Frédérique Puissat, sénatrice LR et corapporteuse du projet de loi " avenir professionnel ".
Tuyauterie complexeDes griefs identiques ont fusé à l'Assemblée nationale. Le courroux des députés a été vif, en particulier face aux réécritures successives de l'article 17, une disposition centrale qui réorganise de fond en comble le financement de l'apprentissage et de la formation continue.
" Vous vous y êtes reprise à cinq fois pour stabiliser votre dispositif. Cinq fois ! ", s'est exclamé l'élu PS Boris Vallaud, en interpellant la ministre du travail, Muriel Pénicaud.
" Cette manière d'amender le texte au fur et à mesure montre le degré d'impréparation du gouvernement ", a renchéri le député LR Patrick Hetzel. Selon lui, démonstration a été faite que
" le projet initial était très imparfait ".
Au sein de l'exécutif, une source assure que les modifications apportées durant les navettes parlementaires ne sont pas plus substantielles que celles qui sont intervenues pour de précédentes réformes consacrées au monde du travail. Les retouches à l'article 17 relèvent de
" l'ajustement " sur une tuyauterie complexe, mais la philosophie du projet, elle, est inchangée. Quant à " l'amendement Macron " sur l'assurance-chômage, il résulte de la volonté, récente, de proposer un agenda social fourni au patronat et aux syndicats, complète cette même source, qui ajoute : les débats au sein des deux chambres
" servent aussi à améliorer un texte ".
L'argumentaire a peu de chances de convaincre l'opposition. Du reste, des recours contre le projet de loi devraient être déposés devant le Conseil constitutionnel, par la droite et par la gauche. Parmi les motifs retenus dans ces saisines, l'un consisterait à soutenir que le texte remet en cause une convention Unédic en cours d'application, ce qui est susceptible d'être contraire à la Constitution.
Bertrand Bissuel
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