Mercredi 1er août, au sous-sol de l'Assemblée nationale, l'ambiance est plutôt bonne pour un jour d'enterrement. La commission des lois se réunit une dernière fois en format commission d'enquête telle qu'elle a été ouverte après l'affaire Benalla. Aux côtés de la présidente Yaël Braun-Pivet (LRM, Yvelines), un fauteuil vide. Le corapporteur de la commission, Guillaume Larrivé (LR, Yonne), s'est assis sur les bancs comme simple député. Il y a une semaine, l'élu de droite a claqué la porte, estimant que les travaux destinés à éclairer les circonstances ayant conduit le chargé de mission de l'Elysée Alexandre Benalla à molester des manifestants le 1er mai, place de la Contrescarpe à Paris, étaient -entravés par la majorité.
Ce matin-là, les députés s'apprêtent à acter leur désaccord. La commission ne produira pas de rapport. L'Assemblée nationale ne formulera donc pas de conclusion ni de recommandation sur cette affaire, qui a empoisonné l'été de la majorité et électrisé le Palais-Bourbon. Un épilogue qui révèle combien la féroce empoignade politique entre opposition et majorité, ayant agité la commission d'enquête, en a éclipsé l'objectif initial : faire le jour sur les faits et la réaction de l'exécutif après les révélations du
Monde portant sur les violences commises par le chargé de mission élyséen le 1er mai.
Pour détendre l'atmosphère, le député LR Eric Diard vient saisir, devant la chaise laissée vide par M. Larrivé, l'écriteau sur lequel figure son nom. Il le dépose devant son collègue à sa place retrouvée parmi les députés et déclenche de larges sourires dans la salle. Les premiers en deux semaines.
" La justice devant les caméras "Les tensions et coups d'éclat ayant entouré les travaux de la commission ont fait réfléchir les élus. Avec du recul, certains s'interrogent sur l'opportunité de lancer une telle instance à chaud, en pleine crise politique. Pour une députée LRM qui souhaite rester anonyme, la création de cette commission, vingt-quatre heures à peine après les révélations du
Monde, et quelques heures seulement après le déclenchement d'une information judiciaire, a été
" une grosse connerie ".
" On a assisté à un spectacle malsain, où des députés étaient là pour de la mise en scène, faire les inspecteurs de seconde zone et faire tomber des têtes ", explique-t-elle, alors que plusieurs auditions ont été retransmises en direct sur les chaînes d'info en continu. " On avait l'impression qu'on mettait la justice devant les caméras, il y a là quelque chose d'un peu dévoyé ", insiste cet autre député de la majorité de premier plan.
" Les commissions d'enquête parlementaires doivent travailler sur de la matière froide et non pas dans la chaleur de l'événement, c'est peut-être une des raisons de son échec ", note de son côté le député -MoDem Erwan Balanant.
Le député La France insoumise Ugo Bernalicis n'est pas de cet avis.
" Ça a été très utile, au contraire, défend-il.
Déclencher les auditions rapidement a empêché que certains protagonistes n'aient le temps de se mettre d'accord sur leurs versions, d'où certaines incohérences dans leurs discours… " Preuve, selon certains, que l'actualité encore brûlante n'est pas responsable de l'échec de la commission à l'Assemblée : les travaux de sa jumelle au Sénat se sont déroulés dans un climat beaucoup plus apaisé et se poursuivra à la rentrée.
" L'erreur a été de vouloir boucler ça en un mois ! Il fallait y passer six mois, comme le Sénat ! ", assène le député centriste Charles de Courson, qui fut président de la commission d'enquête sur l'affaire Cahuzac en 2013. L'élu de la Marne rappelle que l'organisation des travaux lancés six mois après les révélations de
Mediapart sur les pratiques d'évasion fiscale de l'ancien ministre du budget avaient subi les mêmes péripéties que celle sur Alexandre Benalla.
" La majorité d'alors était déjà en service commandé pour protéger Hollande ! ", assure-t-il.
" Si on avait refusé une commission d'enquête, on nous aurait reproché de vouloir cacher la vérité ", défend le député Aurélien Taché (LRM), alors que nombre de ses collègues se livrent à cet exercice d'autocritique.
" On ne peut désormais plus s'y opposer, car le temps politique s'est accéléré ", analyse également le sénateur socialiste André Vallini, qui présida la commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau. L'élu de l'Isère n'était
" pas convaincu " au moment du lancement de la commission d'enquête sur l'affaire Benalla. Mais il voit finalement des vertus à cette réactivité :
" Comme les travaux sont filmés, cela peut être utile pour rassurer sur le rôle des parlementaires. "
Manon Rescan
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