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lundi 18 juin 2018

Ascenseur social en France : l'OCDE sonne l'alarme



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Ascenseur social en France : l'OCDE sonne l'alarme

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Une mobilité sociale limitée peut limiter les bases de la croissance économique explique l'OCDE.
Une mobilité sociale limitée peut limiter les bases de la croissance économique" explique l'OCDE.(Crédits : Reuters/John Schults)
Il faut six générations pour que les enfants nés dans une famille au bas de l'échelle sociale atteignent le revenu moyen selon l'OCDE. Cette très faible mobilité entre les générations a un impact économique considérable selon l'institution internationale.
L'ascenseur social en France connaît quelques ratés. Selon un rapport de l'organisation de coopération et de développement économique (OCDE) publié ce vendredi, les personnes qui se situent en bas de l'échelle des revenus ont peu de chances de gravir les échelons.
A l'inverse, celles qui se trouvent au sommet y restent. Pour l'ensemble des pays développés, "nos résultats présentent des conclusions inquiétantes surtout pour le bas de l'échelle [...] Les inégalités de revenus, d'opportunités sont liées à la montée des populismes et du protectionnisme" a expliqué Gabriela Ramos, directrice de cabinet à l'OCDE et sherpa de l'organisation auprès du G20. A l'heure où Emmanuel Macron explique que "les aides sociales coûtent un pognon de dingue", cette publication devrait alimenter les débats sur le rôle de ces dispositifs et la réduction des inégalités dans un pays qui prône l'égalité des chances et la méritocratie depuis des décennies.

Six générations pour atteindre le revenu moyen

Le principal enseignement pour la France est que la mobilité intergénérationnelle est clairement en panne. D'après les résultats diffusés par l'institution internationale, il faut six générations pour que les descendants de familles modestes atteignent le revenu moyen.
Pour parvenir à ce type de conclusion, les économistes ont comparé le statut des personnes avec celui de leur parents en termes de revenus, de profession, de santé ou d'éducation. A titre d'exemple, 35% des hommes dont le père a de faibles revenus d'activités ont eux mêmes de faibles revenus (la moyenne de l'OCDE se situe à 31%). Seulement 15% d'entre eux réussissent à atteindre le groupe des revenus d'activité les plus élevés. A l'inverse, 40% des personnes dont le père a des hauts revenus ont eux même des revenus élevés.
Du côté des catégories socioprofessionnelles, les résultats soulignent un véritable blocage également.
"Les enfants de cadres sont deux fois plus susceptibles de devenir cadres eux-mêmes que les enfants de travailleurs manuels".
Enfin, la reproduction sociale est également à l'oeuvre dans le système éducatif.
"Plus de deux tiers (68%) des enfants dont les parents sont diplômés du supérieur obtiennent un diplôme de l'enseignement supérieur en France".
A l'inverse, seulement 17% des enfants issus de familles n'ayant pas fait d'études supérieures, accèdent à l'université.

Un système éducatif en cause

Pour tenter d'expliquer cette faible mobilité entre les générations, les experts pointent notamment les lacunes de l'enseignement.
"Le système éducatif français joue certainement un rôle pour expliquer le manque de mobilité sociale en bas de l'échelle. La mobilité en matière d'éducation est loin de celle observée dans les pays les plus performants (Corée, Canada, Japon) et demeure inférieure à la moyenne de l'OCDE."
L'OCDE est loin d'être le seul organisme à mettre en évidence les défaillances de l'école pour favoriser la mobilité des personnes.Dans la revue Economie et statistique publiée mercredi 13 juin,plusieurs chercheurs soulignent également les conséquences des mauvaises performances éducatives sur la mobilité sociale de la France au regard des autres pays développés.
"La mobilité sociale d'un système scolaire est étroitement liée à l'inégalité scolaire entre élèves et entre écoles. Les pays comme la Belgique ou la France avec une forte inégalité scolaire sont aussi caractérisés par une faible mobilité sociale à l'école."
Selon Gabriela Ramos, "les pays qui ont le plus investi en matière d'éducation ont permis plus de mobilité sociale" mais les orientations budgétaires sont primordiales pour assurer un système plus efficient. Outre le système éducatif, d'autres paramètres sont pris en compte par l'organisme international.
"Malgré l'accès généralisé à l'éducation de la petite enfance et la gratuité du système d'éducation, les chances de réussite professionnelle des jeunes dépendent fortement du quartier dans lequel ils grandissent et du niveau de capital humain et social de leurs parents."

Une mobilité sociale limitée au cours de la vie

Outre la mobilité entre les générations, l'OCDE a également étudié la mobilité intra générationnelle, qui s'intéresse à l'évolution des revenus d'une personne au cours de sa vie. Et leur conclusion est préoccupante. Au niveau des revenus, l'immobilité est particulièrement visible lorsque les auteurs s'intéressent aux catégories de population. Les personnes du quintile inférieur de revenu (les 20% des personnes ayant les revenus les plus faibles) ont peu de chance de s'élever en termes de revenus. Selon les résultats de l'OCDE, 64% des personnes de ce groupe restent bloqués en bas de l'échelle. Cette situation aurait même empiré depuis les années 1990. Au sommet, l'immobilité est encore plus marquée. 67% des personnes faisant partie des revenus les plus élevés y restent sur une période de quatre ans.

Le chômage de longue durée pèse sur la mobilité

La faible mobilité des revenus au cours d'une vie est étroitement liée au chômage de longue durée selon les économistes. En France, ce phénomène concerne un nombre toujours plus important de personnes. Selon les dernières données de Pôle emploi, ils étaient 2,56 millions comptabilisés en chômeurs de longue durée (durée supérieure à un an) sur un total de 5,6 millions d'inscrits toutes catégories confondues.
Les contrats courts peuvent également freiner la mobilité des revenus. "Les personnes sans emploi qui acceptent un emploi sont également moins susceptibles de gravir l'échelle des revenus, notamment parce qu'un certain nombre d'entre elles se retrouvent dans des contrats de courte durée." Et le phénomène ne risque pas de s'améliorer. Selon de récents chiffres du ministère du Travail, les recrutements en contrat à durée déterminée (CDD) représentaient 87 % des intentions d'embauche fin 2015, en hausse de 12 points depuis le début des années 2000.
Par contre, les experts de l'organisation soulignent que la France réussit à mieux amortir les événements tels que l'arrivée d'un enfant ou un divorce. "Le taux élevé de participation des femmes au marché du travail et leur inscription dans les structures d'accueil institutionnalisées jouent un rôle majeur dans l'atténuation de ces effets."

Réduire les écarts scolaires

Pour parvenir à améliorer la mobilité sociale, Gabriela Ramos recommande "de mettre la priorité sur ceux qui sont les plus faibles.
"Ces efforts doivent passer par une réduction "des écarts scolaires entre les enfants issus des milieux socio-économiques différents en apportant un soutien sur mesure aux écoles accueillant des enfants issu des milieux défavorisés ; poursuivre les efforts pour réduire le taux de décrochage scolaire au collège et au lycée".
L'OCDE préconise également de s'attaquer au chômage de longue durée et aux inégalités territoriales. Sur tous ces sujets, l'actuel gouvernement risque d'avoir de sérieuses difficultés pour trouver des solutions rapides.
 

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