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samedi 30 juin 2018

La réforme ferroviaire promulguée par Macron entrouvre la voie à la concurrence


29 juin 2018

La réforme ferroviaire promulguée par Macron entrouvre la voie à la concurrence

Pour les experts, la SNCF aura peu de rivaux sur le TGV après l'ouverture du rail en 2020

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Flanqué de Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, et d'Elisabeth Borne, sa ministre des transports, le président Emmanuel Macron a promulgué, mercredi 27  juin, la loi " pour un nouveau pacte ferroviaire " devant les caméras des chaînes d'info. Au même moment, la grève unitaire des syndicats de cheminots contre cette -réforme connaissait sa 18e et ultime séquence, marquée par un essoufflement du mouvement. Au 37e jour d'une grève historique par sa durée et ses modalités, la direction de la SNCF a annoncé, mercredi, le plus bas taux de grévistes – 8,4  % – depuis le début du conflit.
La mise en scène indique bien que M. Macron entend faire de la réforme de la SNCF l'un des marqueurs de sa capacité à transformer la France en profondeur. Le pacte ferroviaire ainsi promulgué bouleverse la vieille organisation du rail français. Il renverse des institutions qui semblaient immuables, comme le très protecteur statut des cheminots (qui prendra fin pour les nouvelles embauches en  2020) ou l'organisation sociale de la SNCF. Surtout, il met fin au monopole du groupe public dans le transport ferroviaire intérieur de voyageurs et orchestre la venue de sociétés concurrentes de droit privé dans ce qui est, depuis quatre-vingts ans, la chasse gardée de la SNCF.
" Un risque trop élevé "Au fond, la réforme prend sa source dans cette question de l'ouverture à la concurrence ferroviaire, inscrite dans la loi européenne et que la France s'est engagée à transposer dans son droit. De cette obligation – contestée par la CGT-Cheminots – d'ouvrir le rail à la concurrence découle le reste des changements. Cette ouverture, disent les tenants de la réforme, citant les exemples allemands ou italiens, améliorera l'offre de trains. D'après un sondage de l'institut OpinionWay, publié mercredi 27  juin et commandé par Trainline, plate-forme de distribution de billets, 68  % des Français se disent convaincus des bienfaits de la concurrence ferroviaire.
Petit souci, lorsque l'on interroge des sommités du ferroviaire, nombre d'entre elles pensent que cette réforme est loin de garantir que la concurrence, théoriquement effective dès 2020, existera massivement. Sur le TGV d'abord, les experts se montrent quasiment unanimes pour estimer que peu d'opérateurs alternatifs viendront titiller la SNCF. " On l'a vu en Allemagne, dit l'un d'eux, compte tenu du niveau des investissements - il faut acheter les rames - , et de la position dominante de l'opérateur historique, le risque est considéré comme trop élevé par les concurrents potentiels. En plus, en France, les négociations à venir dans la branche vont probablement ajouter des garanties sociales aux travailleurs du rail et rendre plus incertaine la rentabilité de l'opération. "
L'Italie, pourtant, a réussi cette concurrence dans la grande vitesse, avec une baisse des prix à la clé. " Cette réussite a été possible parce que l'autorité de régulation ferroviaire italienne a exigé que le gestionnaire d'infrastructure diminue fortement le prix des péages ferroviaires. Ils ont baissé de 30  % environ entre 2013 et 2016 ", explique Michel Quidort, président de la Fédération européenne des voyageurs. Une option qui n'est pas du tout dans le schéma de trajectoire financière du système ferroviaire français.
Sur la concurrence dans les trains régionaux, les avis sont plus partagés. " Les entreprises ferroviaires vont être nombreuses à postuler aux appels d'offres dans les TER, estime l'un des experts les plus écoutés par le gouvernement. Le risque est minime - pas de matériel à acheter, pas de centre de maintenance à créer - , le revenu est garanti par la région. "
Pourtant, là aussi, les doutes existent. La question du prix des péages – 20  euros du kilomètre en France contre 9 en Allemagne – en est une. Tout dépendra, en fait, de l'appétit des régions. Seuls -Provence-Alpes-Côte d'Azur, les Hauts-de-France, Grand-Est et Pays de la Loire semblent motivés. " Plusieurs élus chargés des transports dans leur région viennent de m'appeler à l'aide pour que j'explique à leurs collègues que la concurrence est une bonne chose, raconte Yves Crozet, économiste des transports. Il ne faut pas s'attendre à un big bang. "
Éric Béziat
© Le Monde

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