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samedi 30 juin 2018

Un projet clés en main pour privatiser la Française des jeux


29 juin 2018

Un projet clés en main pour privatiser la Française des jeux

Avec le gouvernement, la députée (LREM) Olga Givernet veut créer une autorité unique pour réguler tout le secteur

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Privatiser la Française des jeux (FDJ) tout en renforçant le contrôle de l'Etat sur le très sensible secteur des jeux d'argent. Les deux objectifs peuvent paraître antinomiques. Le gouvernement a pourtant promis de les tenir simultanément. Comment ? Le schéma de cet " en même temps " très macronien commence à se dessiner précisément, avec les propositions d'Olga Givernet, députée (LREM) de l'Ain et coauteure en décembre d'un premier rapport sur le sujet. Au cœur du projet, la création d'une autorité unique pour réguler tous les jeux d'argent en France.
Depuis plusieurs mois, Mme Givernet travaille de façon discrète sur le dossier, en liaison avec les cinq ministères qui surveillent les jeux en France, ainsi qu'avec l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) et les entreprises concernées. A l'issue de cette mission, Mme Givernet a inscrit ses préconisations noir sur blanc dans une proposition de loi spécifique, découpée en 9 chapitres et 17 articles, qu'elle envisageait initialement de déposer avec son groupe parlementaire. Le gouvernement, toutefois, préférerait que ces éléments soient intégrés dans la vaste loi Pacte, qui porte notamment sur les futures privatisations. " Nous sommes ouverts à des amendements ", souligne-t-on à Bercy. Telle est désormais l'hypothèse privilégiée, d'autant que Mme Givernet vient d'être nommée à la commission spéciale chargée d'étudier la loi Pacte.
En présentant ce projet de loi, le 18  juin, le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, avait déjà évoqué la mise en place d'une autorité de régulation pour l'ensemble des jeux d'argent. La députée en a affiné les contours. La nouvelle structure aurait pour socle l'Arjel, l'autorité indépendante chargée de surveiller les jeux sur Internet depuis la libéralisation de ce domaine en  2010. L'idée de la députée consiste à élargir d'un coup la mission de l'Arjel à tous les jeux.
Aujourd'hui, l'autorité, présidée par Charles Coppolani, est cantonnée aux paris sportifs et hippiques effectués en ligne, ainsi qu'aux sites de poker. Cela représente environ 10  % des 10  milliards d'euros dépensés par les Français dans des jeux d'argent et de hasard en  2016, selon les dernières statistiques officielles. Demain, l'Arjel, renommée Arjah (Autorité de régulation des jeux d'argent et de hasard), aurait vocation à surveiller 100  % du marché, soit 10 fois plus, en s'intéressant aussi au Loto, au Keno, à l'EuroMillions, au PMU, aux casinos, aux nouveaux clubs de jeu, etc.
" L'Arjel a su gérer un domaine nouveau et foisonnant, estime Mme Givernet. Je la trouve suffisamment solide pour élargir ses compétences, et cela ne nécessite pas forcément dix fois plus de -travail ! " Selon les premiers chiffrages, l'Arjel, qui emploie 55 personnes à temps plein, pourrait même n'en recruter que 5 ou 10 de plus. Tout en assurant une -supervision globale du monde des jeux, la future autorité laisserait une grande partie de la gestion quotidienne aux spécialistes actuels. La police des courses et jeux, en particulier, resterait sous la coupe du ministère de l'intérieur.
" Obsolète ", " archaïque ", " inadaptée " : cela fait plusieurs années déjà que la régulation actuelle des jeux est la cible de critiques récurrentes de la Cour des comptes et des parlementaires. " Chacune des dérogations progressivement concédées à l'interdiction générale du jeu d'argent s'est traduite par la mise en place d'un mode de régulation spécifique ", relevaient Olga Givernet et son collègue (PS) Régis Juanico dans leur rapport commun de décembre  2017. Résultat, " par strates successives, on est parvenu à un empilement matriciel peu intelligible. " Le ministère de l'intérieur surveille spécialement les casinos, Bercy a l'œil sur la FDJ, l'agriculture s'occupe du PMU, l'Arjel des paris en ligne…
Contrôle des mineursLes risques d'incohérence sont nombreux. Par exemple, le taux maximum de redistribution des gains aux joueurs peut varier, pour un même type de jeu, selon que celui-ci est distribué par Internet, dans une boutique ou un casino. " Et puis, les per-sonnes qui ont un problème d'addiction jouent indistinctement dans tous les réseaux ", relève Charles Coppolani, le président de l'Arjel, très favorable à la constitution d'une autorité unique.
A présent, la privatisation en projet de la FDJ incite à passer à l'acte. Pour M. Le Maire, le renforcement de la régulation constitue le facteur-clé " qui ne rend plus -nécessaire la présence majoritaire de l'Etat " au capital de l'exploitant du Loto. L'Etat devrait -néanmoins garder 25  % à 30  %, afin de conserver un " contrôle étroit ", comme l'exigent les règles européennes pour les entreprises en monopole.
Mme Givernet suggère pour sa part de durcir la régulation sur un point précis : le jeu des mineurs. Sur le papier, les moins de 18 ans n'ont pas le droit de par-ticiper à des jeux d'argent. En pratique, plus de trois quarts des bureaux de tabac testés en  2017 par la FDJ vendent des tickets aux adolescents, au mépris de la loi. La députée propose que les buralistes aient l'obligation de demander une pièce d'identité à tout client qui paraît moins de 25 ans, afin de vérifier sa majorité.
Denis Cosnard
© Le Monde

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