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mardi 7 août 2018

Pour l'ONU, Pyongyang n'a pas renoncé au nucléaire


7 août 2018

Pour l'ONU, Pyongyang n'a pas renoncé au nucléaire

Les Etats-Unis ne cachent plus leur irritation de voir les négociations patiner après le sommet de Singapour

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LE CONTEXTE
sommet historique
Donald Trump a rencontré, le 12 juin à Singapour, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, un échange historique à l'issue -duquel le président américain assurait que la dénucléarisation de la Corée du Nord allait débuter " très rapidement " et même qu'elle avait " déjà commencé ". Son optimisme avait été critiqué, M. Kim ne s'étant engagé sur aucun calendrier ni aucune inspection.
Le feuilleton nucléaire nord-coréen est loin d'être fini. Deux mois après le sommet de Singapour marqué par les sourires, les poignées de main entre Kim Jong-un et Donald Trump, et la promesse du dirigeant nord-coréen de s'engager à une "dénucléarisation complète de la péninsule coréenne ", les relations se sont à nouveau tendues ces dernières heures.
Tout est parti d'un document confidentiel remis au Conseil de sécurité des Nations unies, vendredi 3  août, qui assure que la Corée du Nord n'a " pas cessé ses programmes nucléaire et balistique, et continue de défier les résolutions (…) avec une augmentation massive des transferts illicites de produits pétroliers, ainsi qu'avec des transferts de charbon en  2018 ".
Présent à Singapour dans le cadre du sommet régional de l'Asean (Association des nations d'Asie du Sud-Est), le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, a pu s'entretenir directement avec son homologue nord-coréen, Ri Yong-ho, sur ces dernières révélations. Si M. Pompeo lui a serré la main et remis une lettre manuscrite du président américain, il n'a pas pu masquer son irritation et le sentiment que les négociations patinent, au risque de faire dérailler le processus de rapprochement entre Washington et Pyongyang à l'œuvre depuis le mois de juin.
" Impatience de Washington "Le secrétaire d'Etat américain a publiquement insisté sur la nécessité de maintenir "une pression maximale " sur la Corée du Nord, qu'elle soit diplomatique ou économique, pour la forcer à négocier. Un message clairement adressé aux Chinois et aux Russes, accusés par les experts de l'ONU de faciliter les transactions commerciales avec Pyongyang en dépit des sanctions onusiennes.
Le régime de Kim Jong-un a cessé, ces derniers mois, ses essais de missiles balistiques et fait un premier pas en fermant, fin mai, le site d'essais nucléaires de Punggye-ri puis en transférant à la fin du mois de juillet les restes des dépuilles de soldats américains tombés pendant la guerre de Corée. Mais des informations émanant des services de renseignement font aussi état de grands travaux sur le site de Yongbyon, le cœur du dispositif nucléaire de la Corée du Nord, qui nourrissent le doute sur la volonté de Pyongyang d'abandonner son programme nucléaire.
Le chef de la diplomatie nord-coréenne a dénoncé " l'impatience de Washington ", qui, selon lui, " n'aide pas du tout à construire la confiance. Surtout quand on avance des exigences unilatérales ". M.  Pompeo a pu mesurer le chemin qui reste à parcourir pour aboutir à une dénucléarisation " complète, vérifiable et irréversible " de la péninsule coréenne, comme le souhaite Washington.La Corée du Nord veut que les Etats-Unis commencent à lever les sanctions qui pèsent sur son économie. Tant que les Etats-Unis ne montreront pas dans la pratique leur volonté d'éliminer ce qui nous pose problème, il n'y aura aucune possibilité que nous avancions de notre côté ", a répondu à M. Pompeo le chef de la diplomatie nord-coréenne, qui perçoit des tentations américaines de " revenir en arrière, loin des intentions de leur dirigeant - Donald Trump - ".
Ces derniers jours, les médias américains ont fait état d'un relâchement de la pression exercée par la Russie et la Chine, les deux alliés principaux de Pyongyang. Le Wall Street Journal a ainsi publié une enquête très documentée, qui montre que la Russie a violé les sanctions de l'ONU en accueillant sur son territoire environ 10 000 travailleurs nord-coréens en  2018, dont 700 à qui elle a fourni un permis de travail en dépit de l'interdiction d'en délivrer de nouveaux. Le pays accueillerait, en outre, plus de 200 sociétés-écrans qui permettent à la Corée du Nord de se maintenir dans le système bancaire international.
Un rapport des experts indépendants de l'ONU, en charge de vérifier la bonne application des sanctions, assure par ailleurs que la Chine et la Russie aident Pyongyang à les contourner. Le dernier train de sanctions – voté à l'unanimité en décembre dernier – et qui limitait les importations de pétrole et de produits raffinés à 500 000 barils par an contre 2  millions auparavant, a été " sans effet ", selon eux.
Les experts estiment que le régime a déjà dépassé cette limite depuis le mois de mai grâce à un ingénieux processus de transbordement de bateau à bateau qui a lieu dans les eaux internationales. Washington avait proposé, le mois dernier, de hausser le ton et d'interdire toute livraison de produits pétroliers. Moscou et Pékin s'y étaient opposés. Il en va de même avec le charbon et le minerai de fer, principales sources de revenus de Pyongyang, qui continue ses livraisons, principalement à des ports chinois et russes.
Les Américains " sentent le sol de leur campagne de pression maximale se dérobersous eux ", estime un diplomate, qui pense que Washington pourrait renforcer ses sanctions bilatérales. " Toute violation sera prise très au sérieux par les Etats-Unis ", a d'ailleurs insisté M. Pompeo depuis Singapour. La banque russe Agrosoyouz, accusée d'avoir procédé à des transactions financières illégales pour le compte de Nord-Coréens, a été le premier établissement russe à être sanctionné, vendredi, pour ses liens avec Pyongyang.
Marie Bourreau
© Le Monde

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