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vendredi 10 août 2018

Nicolas Hulot met un mouchoir sur ses états d'âme




9 août 2018

Nicolas Hulot met un mouchoir sur ses états d'âme

Le ministre de la transition écologique reste au gouvernement… pour le moment

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Bien, mais peut mieux faire. Voilà l'appréciation qu'aurait pu accoler Edouard Philippe sur le bulletin de notes annuel de Nicolas Hulot, lors de son " entretien d'évaluation ", qui s'est déroulé mi-juillet, à Matignon. " Nous devons mieux travailler avec certains ministères, notamment avec l'économie, sur les opportunités d'emplois liés à la transition énergétique. Et préparer la loi mobilité qui sera présentée début septembre ", confie un proche du ministre de la transition écologique, qui a assisté à une partie des échanges, avant de laisser les deux hommes en tête à tête, comme le prévoit le rituel annuel institutionnalisé par le premier ministre.
Voilà pour les objectifs du ministre d'Etat, emblématique numéro trois du gouvernement, qui ne fait pas mystère de ses états d'âme quand il en a. Ce qui arrive souvent. Cette année, l'ex-animateur d'" Ushuaïa " a fait plusieurs fois mention de son possible départ du gouvernement, allant jusqu'à se donner " jusqu'à l'été " avant de prendre une décision. " Je reste au gouvernement ", a-t-il annoncé sur France Inter le 6 juin, coupant court à toute rumeur de démission. " Il est en mode “je bosse et je vais jusqu'au bout pour changer les choses” ", confirme, auprès du Monde, son entourage, alors que l'intéressé est parti en vacances – " bien méritées, même s'il est joignable et disponible ".
Il faut dire que l'année n'a pas été facile pour M. Hulot. Dès novembre 2017, il est chargé d'annoncer que l'objectif de réduction de la part du nucléaire à 50 % dans l'électricité en  2025 ne sera pas tenuUn premier désaveu pour le ministre, qui enterre une promesse de campagne d'Emmanuel Macron.
En janvier, il obtient l'annulation du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes,mais ne met pas en scène cette " victoire politique ", selon les mots de son entourage. " C'est la victoire des zadistes, plus que celle du ministre qui n'a pas été sur le devant de la scène ", observe le député Guillaume Garot, vice-président socialiste de la commission du développement durable à l'Assemblée. " Nicolas Hulot n'est pas dans le rapport de force ni dans le chantage permanent. Il n'avait rien dealé avec le président de la République ", expliqueun proche du ministre.
" Sa seule force est sa popularité "Au printemps vient le délicat sujet du glyphosate. Nicolas Hulot plaide pour inscrire l'interdiction du pesticide dans la loi, à l'horizon 2021, quand le ministre de l'agriculture, Stéphane Travert, s'y oppose, préférant négocier directement avec les filières concernées. " Il a été très faible vis-à-vis du ministre de l'agriculture sur la question du glyphosate et sur la question animale ", regrette Olivier Falorni, député non inscrit de Charente-Maritime, qui siège à la commission du développement durable. " Il a les qualités de ses défauts : ce n'est pas un politicien. Mais il faut savoir jouer du rapport de force quand on est au gouvernement. Là, on a atteint les limites ", poursuit le parlementaire.
" Nicolas Hulot est d'un naturel discret. Il y a une forme de loyauté avec le gouvernement. Même si cela ne lui donne pas toujours une image positive, les résultats sont là ", veut-on croire dans l'entourage du ministre, où l'on se dit " satisfait "par la solution retenue par Matignon dans ce dossier délicat : trois ans pour tenter de convaincre les filières d'abandonner le pesticide et une inscription dans la loi si des solutions alternatives n'étaient pas trouvées. " Matignon arbitre et tranche, nous ne sommes pas là pour faire plaisir à tel ou tel ministre, mais pour appliquer la ligne gouvernementale ", résume un conseiller de M. Hulot.
Conscient qu'une démission d'une des personnalités les plus populaires du gouvernement serait perçue comme une défaite politique, l'exécutif cajole le ministre d'Etat. " Nicolas Hulot n'est pas un homme politique, c'est une personnalité forte et très utile à ce gouvernement ", loue-t-on à Matignon, où l'on ne nie pas les difficultés que ses états d'âme répétés et exposés au grand jour peuvent causer. " Quand on a été engagé sur le sujet de l'écologie pendant tant d'années, une fois qu'on est ministre, on peut douter, c'est sain. Ce qui vaut, c'est de respecter la feuille de route, la mise en œuvre et d'aller au bout des ambitions, ce qu'il fait. "
Au cœur de l'été, mardi 7 août sur Europe 1, répondant depuis son lieu de vacances à des questions sur la canicule et la pollution de l'air, M. Hulot a semblé lancer un appel à l'aide. " Un ministre tout seul n'arrivera pas à résoudre la situation. On ne peut y arriver que s'il y a une union sacrée ", a interpellé l'ancien producteur de télévision, qui s'en remet à la responsabilité individuelle : " Chaque citoyen (…) doit se demander ce qu'il peut faire. "
Une " union sacrée " battue en brèche par le député de La France insoumise Eric Coquerel, qui réclame " la planification écologique " et ironise sur Franceinfo : " M. Hulot devrait être ministre de l'environnement, ça se passerait mieux dans le pays. "La pique, cinglante, résume ce que beaucoup pensent du bilan du ministre d'Etat. " Au regard du bilan concret, il n'a pas révolutionné la planète, tacle un conseiller ministériel. Il lance des appels au peuple parce que sa seule force, c'est sa popularité. Il n'a que ça. "
" Il est très clairement isolé au sein du gouvernement et ses secrétaires d'Etat - Brune Poirson et Sébastien Lecornu - n'ont pas le poids politique ni la possibilité de passer au-dessus de lui ",estime M. Falorni, qui, depuis les séances de questions au gouvernement, observe un ministre " parfois désabusé parce que tout le monde se fiche de la biodiversité "Alors M. Hulot reste. Pour " le moyen terme et le long terme ", comme il l'a précisé sur France Inter en juillet. Mais jusqu'à quand ? Le plan mobilité doit consacrer des avancées sur le vélo, mais cela suffira-t-il à combler celui qui " n'est pas un ministre heureux " et qui, " tous les soirs, se demande s'il en a fait assez ", comme l'assure l'un de ses proches ? " Je ne pense pas que quiconque puisse lui imposer de taire ses états d'âme. Nicolas Hulot, c'est Nicolas Hulot, il est comme ça ", conclut le député MoDem des Yvelines Bruno Millienne, qui le connaît bien. Emmanuel Macron et Edouard Philippe n'ont plus qu'à tout faire pour que l'un des seuls représentants de l'écologie soit encore là à l'été 2019, pour la nouvelle salve d'entretiens annuels avec les ministres.
Astrid de Villaines
© Le Monde



9 août 2018

" Qu'avons-nous fait en un an ? "

François-Michel Lambert, député LRM, se montre critique sur le bilan de Nicolas Hulot

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Député des Bouches-du-Rhône depuis 2012, réélu en  2017 avec l'étiquette LRM, François-Michel Lambert, ex-membre d'EELV, en rupture de ban avec le parti majoritaire, veut créer un groupe parlementaire, plus écologiste.


Vous critiquez le bilan du gouvernement en matière d'écologie, pourquoi ?

Nicolas Hulot répète que nous allons à la catastrophe avec le réchauffement climatique et qu'il faut s'unir. Mais ces mots semblent davantage adressés au gouvernement, dans lequel il espère encore peser, qu'au reste du monde. En fait, il est seul. Il perd de nombreux arbitrages. Les enjeux écologiques sont reportés ou minorés. Ce gouvernement semble plus préoccupé par la dette publique que par la dette écologique !


Nicolas Hulot en appelle à la " responsabilité " de chacun face à l'enjeu climatique. Un aveu d'impuissance ?

C'est terrible ! Le message du ministre, c'est : " On compte sur vous ! " Il faut donner les moyens aux citoyens de lutter contre ce fléau. Mais ils agiront d'autant mieux s'ils sentent qu'il y a un changement au niveau de l'Etat, des collectivités et des entreprises. Les ministres doivent se lever en pensant " transition écologique ", sinon c'est dugreenwashing - qui consiste à orienter ses actions vers un positionnement écologique - !


Il propose ce qu'il appelle une " union sacrée "…

Elle devrait commencer au gouvernement ! Les ministères doivent mettre la transition écologique au cœur de leurs priorités. Il faudrait créer un ministère de l'énergie, un autre de la biodiversité, de l'eau, etc. Nous avons été longtemps tournés vers l'homme : comment l'aider à s'épanouir ? Aujourd'hui, nous devons nous tourner vers la planète, parce que l'urgence est écologique.


M. Hulot n'était-il pas plus utile hors du gouvernement ?

Non, il était arrivé au bout d'une logique. Il lui fallait ouvrir un nouveau cycle. Il a essayé de peser, mais il faut que l'exécutif dans son ensemble le suive. S'il part, ce sera un aveu de faiblesse sur notre capacité à enclencher la transition écologique. Je crois que ce gouvernement, que je soutiens, peut encore avancer. Mais quand les scientifiques, le premier ministre, Edouard Philippe, et Nicolas Hulot disent que, en matière climatique, le pire est à venir, je me dis : qu'avons-nous fait en un an ?


Sur les questions écologiques, LRM se divise parfois à l'Assemblée. D'où l'idée de créer un groupe parlementaire ?

Sous la précédente mandature, le groupe écologiste dont je faisais partie représentait dix-huit députés. Quand nous avons tenté d'interdire les néonicotinoïdes, nous nous sommes fait " blackbouler " une fois, deux fois, trois fois… Mais aujourd'hui, c'est fait, ces produits sont enfin interdits ! Un groupe parlementaire, c'est avant tout un outil pour peser et avancer.
propos recueillis par, Daryl Ramadier
© Le Monde

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