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vendredi 3 août 2018

La croissance européenne fléchit


2 août 2018

La croissance européenne fléchit

Le PIB de la zone euro n'a crû que de 0,3 % au deuxième trimestre, sur fond de tensions commerciales

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LES CHIFFRES
1,9 %
Selon les prévisions publiées par la Commission européenne le 12 juillet, c'est la croissance que la zone euro devrait connaître cette année.
1,7 %
C'est le niveau, en rythme annuel, auquel l'inflation devrait s'établir en 2018, d'après la Banque centrale européenne (BCE). En juillet, l'indice des prix a bondi à 2,1 %, tiré par les tarifs de l'énergie (+ 9,4 %).
2,3 %
C'est la progression que les rémunérations par tête devraient suivre cette année dans la zone euro, à en croire la BCE. Sous l'effet de la baisse du chômage, tombé à 8,3 % en juin, les salaires commencent à frémir.
23,1 %
C'est le taux d'investissement des entreprises de l'union monétaire au premier trimestre, selon Eurostat, en hausse de 0,2 point par rapport au trimestre précédent. Au plus fort de la crise financière, fin 2009, il était tombé à 20,6 %.
Plutôt décevant, sans être pour autant catastrophique. Au deuxième trimestre, le produit intérieur brut (PIB) de la zone euro a progressé de 0,3  %, selon l'estimation préliminaire publiée mardi 31  juillet par Eurostat. C'est moins que les 0,4  % des trois premiers mois de 2018 – un coup de mou qui avait soulevé une vague d'inquiétude, voire d'incompréhension, parmi les économistes. En  2017, la croissance avait en effet caracolé à 0,7  % par trimestre, soit 2,4  % sur l'ensemble de l'année. La page de la crise se refermait enfin, et l'espoir d'une reprise solide soufflait sur les carnets de commandes.
Depuis, l'optimisme a pris du plomb dans l'aile. Le chiffre du deuxième trimestre est d'autant plus frustrant que la croissance américaine, elle, a bondi de 4,1  % en rythme annuel entre avril et juin, au plus haut depuis quatre ans, contre un timide 2,2  % dans l'Union européenne (UE), où les premiers effets des tensions commerciales se font sentir.
Dans le détail, la croissance française a traversé un trou d'air avec un PIB en progression de 0,2  %, comme en Italie, tandis que celui de l'Espagne augmentait de 0,6  %, plutôt robuste, même s'il s'agit de sa plus faible hausse en six ans. La croissance allemande, très attendue, sera dévoilée le 14  août. " Nous pensons qu'elle sera plutôt bonne ", confie Jack -Allen, de Capital Economics.
En attendant, les chiffres en demi-teinte de la zone euro confirment l'essoufflement enregistré au premier trimestre. " Après la très bonne année 2017, ce ralentissement cyclique n'a rien de surprenant : passé l'effet de rattrapage, l'activité se rapproche de son rythme de croisière ", rappelle l'économiste indépendante Véronique Riches-Flores.
Le pic de la croissance européenne est désormais derrière nous. Mais les conjoncturistes ne sont pas tous d'accord sur le niveau de ce rythme de croisière : sera-t-il à 1,6  % par an ou plutôt à 1,9  % ? Bien sûr, les conséquences pour les finances publiques ne seront pas les mêmes.
Les plus optimistes soulignent que les facteurs temporaires qui ont pesé sur la croissance en début d'année – mauvaise météo, arrêts maladie liés à l'épidémie de grippe en Allemagne, grèves – sont dissipés. Les salaires frémissent, les entreprises vont bien et l'emploi tient bon : le taux de chômage était de 8,3  % en juin, au plus bas depuis décembre  2008. Si les indicateurs laissent penser que la demande domestique a été le principal moteur de l'économie européenne ces dernières semaines, la reprise de l'inflation a néanmoins grevé le pouvoir d'achat. En outre, le commerce extérieur a fléchi : après leur rebond de 4,7  % en  2017, les importations mondiales ont ralenti sur la première moitié de l'année.
Il est peu probable qu'elles se redressent de manière significative d'ici à décembre, au regard des crispations commerciales sino-américaines. Aujourd'hui, celles-ci représentent le principal risque pesant sur la croissance mondiale. Dans une étude publiée mardi 31  juillet, l'agence de notation Moody's estime que d'autres mesures tarifaires entre Washington et Pékin sont à craindre d'ici à la fin de l'année.
Prise en étauAu total, elles pourraient amputer la croissance américaine de 0,25 point de PIB en  2019, annulant une partie des effets de relance liés aux cadeaux fiscaux dispensés par Donald Trump, tandis que l'économie chinoise perdrait de 0,3 à 0,5 point de PIB.
La zone euro, elle, se trouve prise en étau, la Chine et les Etats-Unis comptant pour 20  % de ses exportations. L'accord préliminaire conclu le 25  juillet entre Donald Trump et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, laisse espérer une désescalade et la fin des hostilités douanières. Cependant, l'issue des négociations reste incertaine. " Les tensions commerciales ont un impact direct pour l'instant limité sur la zone euro, mais elles pourraient peser sur les décisions d'investissement des entreprises si elles se prolongent ", analyse Nadia Gharbi, chez Pictet. " Les risques sont conséquents pour les économies les plus ouvertes : Allemagne, Pays-Bas et Suisse ", ajoutent les experts de Capital Economics.
Dit autrement : la seconde partie de l'année sera placée sous le signe des incertitudes politiques. Car au commerce s'ajoutent les tensions liées au Brexit. En théorie, un compromis sur les modalités de sortie du Royaume-Uni de l'UE doit être conclu d'ici à octobre avec Bruxelles, mais les discussions patinent. Si bien que le scénario d'un " no deal " – une sortie sans accord aux conséquences imprévisibles – n'est désormais plus exclu.
A la rentrée, la présentation du premier budget du gouvernement italien fera aussi figure de test pour la zone euro. La coalition entre la Ligue (extrême droite) et le Mouvement Cinq étoiles (antisystème) remettra-t-elle en cause les règles budgétaires communes ? Ira-t-elle à la confrontation avec Bruxelles, quitte à ce que cela se traduise par une flambée des taux d'emprunt italiens, ou cherchera-t-elle l'apaisement ?
Dans ce contexte, nombre d'institutions ont revu leurs prévisions de croissance à la baisse. La Commission européenne mise désormais sur un PIB en hausse de 1,9  % dans la zone euro en  2018, au lieu de 2,3  %. Et il n'y a plus de doute sur le fait que la France fera moins bien que prévu. " Nous réviserons les perspectives de croissance pour 2018 ", a admis le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, mardi sur BFMTV. L'objectif de 2  % fixé par le gouvernement pour cette année n'est plus crédible : la Commission table sur 1,7  %.
Reste à savoir comment la Banque centrale européenne interprétera ces chiffres. L'institut monétaire prévoit de cesser ses rachats de dettes publiques fin 2018, et de ne pas relever ses taux directeurs avant l'été 2019. " Elle se retrouve dans une situation délicate, avec qui plus est, peu de marges de manœuvre dans le cas où le ralentissement s'aggraverait encore ", conclut Mme Riches-Flores.
Marie Charrel
© Le Monde

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Brexit : les inquiétudes de la patronne des patrons britanniques

Carolyn Fairbairn redoute les conséquences économiques qu'aurait un éventuel échec des négociations entre Londres et Bruxelles

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En temps normal, Carolyn Fairbairn n'étale pas ses états d'âme sur le Brexit par crainte de nourrir les réflexes " anti-élite ", a fortiori devant des journalistes " continentaux ". La directrice générale de la Confédération de l'industrie britannique (CBI), principale organisation -patronale du Royaume-Uni, a rompu avec sa discrétion coutumière, mardi 31 juillet, en réunissant à Londres des correspondants de la presse étrangère car, dit-elle, " il y a urgence ".
En effet,il ne reste plus que onze semaines avant le Conseil européen du 18 octobre, qui est censé avaliser l'accord sur la sortie des Britanniques de l'Union européenne (UE). Or, " la plus importante des négociations qu'a connues l'Europe depuis la fin de la seconde guerre mondiale ",celle -entre Londres et les Vingt-Sept, piétine et pourrait échouer. " Il y a urgence à avancer, réitère Mme Fairbairn. Nous nous trouvons à un moment-clé : la situation est fragile et les inquiétudes montent sur le risque d'un “no deal” ",autrement dit une absence d'accord qui entraînerait le retour des barrières douanières, désastreuse pour les échanges économiques.
Pour l'heure, la dirigeante patronale affiche " un optimisme prudent ", car elle estime que le Livre blanc, publié le 12 juillet par -Theresa May, " apporte une clarté bienvenue et des propositions pragmatiques ". Ce document, qui prône un alignement sur les règles européennes en matière d'échange de marchandises, mais une " divergence " sur les services, a cependant été accueilli fraîchement à Bruxelles. Mme Fairbairn adresse aussi un avertissement à peine voilé aux Européens : " Le Royaume-Uni ne serait pas le seul touché si les négociations échouaient et s'il n'y avait pas d'accord : 1,2  million d'emplois seraient menacés dans l'UE. " " A Calais, 100  % du trafic se fait avec le Royaume-Uni ", insiste-t-elle pour illustrer son propos ; en cas de " no deal ", la noria de camions et le désordre dans les échanges commerciaux ne paralyseraient pas seulement le port de Douvres.
" Erreur fondamentale "La patronne des patrons britanniques apporte ainsi sa pierre à l'offensive d'été du gouvernement May, laquelle vise à convaincre les gouvernements continentaux qu'ils ont, eux aussi, beaucoup à perdre d'un échec des négociations et qu'ils seraient bien avisés de faire pression sur Michel Barnier, le chef des négociateurs de l'UE, pour qu'il se montre plus souple vis-à-vis de Londres.
Vendredi, Theresa May interrompra ses vacances italiennes sur les rives du lac de Garde pour dîner au fort de Brégançon (Var) avec Emmanuel Macron, considéré comme intransigeant à l'égard des Britanniques. L'invitation du président français à un dîner privé entre le couple Macron et le couple May a été annoncée mardi par l'Elysée. Ce même jour, le nouveau chef du Foreign Office (les affaires étrangères), Jeremy Hunt, est allé porter la bonne parole au Quai d'Orsay. " La Commission européenne doit abandonner l'idée que la Grande-Bretagne finira par flancher. C'est une erreur fondamentale sur notre pays, a-t-il déclaré à l'Evening Standard. La France et l'Allemagne doivent envoyer un signal fort - à Bruxelles - sur la nécessité de trouver un accord pragmatique et raisonnable qui protège les emplois des deux côtés de la Manche. "
Lundi, la principale organisation patronale de l'automobile a jugé qu'un échec des discussions n'était " pas une option ". La majorité des pièces assemblées dans les usines britanniques du secteur vient de l'étranger et la moitié de leur production est exportée vers les Vingt-Sept. Les entreprises tentent de mettre en place des " plans de secours " en construisant de nouveaux hangars et en stockant des pièces. Les espaces proches des ports manquent déjà.
Cependant, a précisé Carolyn Fairbairn, tandis que les grandes firmes ont les moyens de se préparer, y compris aux contraintes d'un retour des contrôles douaniers, ce n'est pas le cas des 180 000 PME qui, n'exportant pas hors de l'UE, ne sont pas équipées pour remplir de telles formalités. Au sein de l'UE, " elles achètent sur catalogue auprès de fournisseurs sans se rendre compte qu'elles importent ". Pourtant, les PME restent muettes sur leur angoisse du " no deal " à Bruxelles. Elles craignent d'effrayer leurs salariés et d'attirer les " prédateurs " en affichant leur vulnérabilité.
Philippe Bernard
© Le Monde

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