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mercredi 22 août 2018

Kofi Annan, conscience planétaire


21 août 2018

Kofi Annan, conscience planétaire

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 Le Prix Nobel de la paix et secrétaire général de l'ONU entre 1997 et 2006 est mort, le 18 août, en Suisse
P. 14 et Débats p. 21
© Le Monde



21 août 2018

Kofi Annan

Ancien secrétaire général de l'ONU, Prix Nobel de la paix

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C'était à l'automne 2002. A l'ONU, la bataille faisait rage autour de l'Irak. L'administration américaine, à l'époque celle de George  W.  Bush, était déterminée à désarmer Saddam Hussein ". Le gouvernement britannique de Tony Blair se préparait à s'aligner sur l'allié américain. Les autres membres permanents du Conseil de sécurité, la France, la Russie, suivies de la Chine, refusaient toute idée d'intervention sans avoir la preuve formelle de l'existence des armes de destruction massive du dictateur -irakien. L'affrontement diplo-matique allait déboucher, en mars  2003, sur le premier grand schisme de la communauté internationale post-guerre froide : les Etats-Unis envahissaient un pays sans l'aval de l'ONU.
Je venais de prendre mon poste de correspondante du Monde aux Nations unies, peu au fait des usages de la diplomatie multilatérale. Un après-midi, Kofi Annan, le secrétaire général de l'ONU, m'avait fait appeler dans son bureau au 38e étage. Dans l'ascenseur, Fred Eckhard, son porte-parole et alter ego en courtoisie, avait précisé qu'il ne s'agissait pas d'une interview mais d'une prise de contact.
Kofi Annan m'avait fait asseoir sur un bout de canapé, pressé mais patient. Après les formules de politesse, il m'avait montré un objet en bois, un cadeau de la délégation russe. On y voyait un ours dans un équilibre périlleux, oscillant entre différents pôles marqués par des boules servant de contrepoids.
Fred Eckhard avait décrypté le message. Critiqué par les pacifistes et le monde arabe comme trop proche des Américains, Kofi Annan entendait illustrer la position extraordinairement inconfortable dans laquelle il se trouvait : opposé à une guerre – qu'il jugerait plus tard " illégale " –, il était tenu à une forme de neutralité, de par sa fonction de secrétaire général, nommé par les membres permanents du Conseil, tous également garants de la Charte de 1945.
Ainsi était Kofi Annan, le fils d'une famille aristocratique du Ghana, Prix Nobel de la paix 2001, qui s'est éteint le 18  août à Berne (Suisse), à l'âge de 80  ans. Subtil, soucieux des formes. Champion du multilatéralisme, devenu une sorte de conscience morale planétaire, il était torturé par les -critiques contre l'" impuissance de l'ONU ", voire son " obsolescence ", portées par ceux qui ne voulaient surtout pas donner plus de moyens à l'organisation. " Kofi ", comme l'appelaient les diplomates, n'était pas homme de pouvoir. Il n'en avait aucun, sinon celui de la dignité.
Après le début des bombardements sur Bagdad, une trachéite l'avait littéralement laissé sans voix pendant des semaines. Comme bâillonné par cette fonction qu'il occupait depuis 1997, un poste dont le titulaire est " plus secrétaire que général ", selon la formule consacrée.
" Devoir de protéger "Peut-être est-ce la raison pour laquelle il adorait et collectionnait les caricatures de presse, qui en disent plus long que les discours. L'un de ses dessinateurs favoris était Plantu. Le " cartooniste " du Monde l'avait croqué assis au " Bagdad Café " avec une camomille alors que Bush commande " un cocktail explosif ". Un autre dessin le montre en train de lire son discours, alors que les missiles sont déjà en route vers Badgad (" On aurait peut-être dû le laisser ter-miner sa phrase ", dit Tony Blair). Le secrétaire général était à la recherche des originaux. Plantu était entré en contact avec lui. De ce lien est né Cartooning for Peace, en  2006, un réseau international de dessinateurs engagés du côté de la paix et de la liberté.
Il lui arriva quand même d'élever la voix. Un cri d'alarme au moment du Rwanda, en 1994, de désespoir face aux massacres. " Comme si nous étions devenus insensibles. " Il était alors secrétaire général adjoint chargé des opé-rations de maintien de la paix à l'ONU. Non seulement les -membres du Conseil de sécurité avaient retiré les casques bleus au début du génocide, mais il n'arrivait pas à les convaincre de réunir une force d'interposition pour arrêter les massacres. Après le génocide, il avait engagé une -réflexion sur le " devoir de pro-téger " incombant à l'organisation. " En cette fin de XXe  siècle, une chose est claire, déclara-t-il. Une ONU qui ne se dresse pas pour défendre les droits de l'homme est une ONU incapable de se défendre elle-même. "
L'institution avait failli, au Rwanda. Elle faillit de nouveau, à Srebrenica, en Bosnie, un an plus tard. Le maintien de la paix était à bout de souffle, mais l'idée de devoir d'ingérence s'imposa. " Il est tragique que la diplomatie ait échoué, déclara-t-il après les -premiers bombardements de l'OTAN en Yougoslavie. Mais il y a des -moments où le recours à la force peut être légitime pour poursuivre la paix. "
Et, ajoutait-il quelques semaines plus tard, " nous ne pouvons pas accepter que des gens soient brutalisés derrière les limites nationales ". Sous son impulsion, le nombre de théâtres d'inter-vention des casques bleus ne cessa d'augmenter. Leur nombre passa de 20 000 en  1997 à 90 000 en  2006. Kofi fit approuver la -doctrine de " responsabilité de protéger " par l'Assemblée -générale de l'ONU.
Dix ans plus tard, après la fracture sur l'Irak, il lança ce qui devait être une réforme en profondeur de l'ONU. A l'occasion du soixantième anniversaire des Nations unies, il réunit plus de 170  chefs d'Etat et de gouvernement, qui réaffirmèrent haut et fort leur soutien à l'architecture de sécurité collective dessinée en  1945.
Réforme de l'ONU en demi-teinteMais, quand il quitta ses fonctions, en  2006, à la fin de son -second mandat de cinq ans, pour -aller s'installer à Genève avec Nane Lagergren, l'avocate suédoise – et nièce du diplomate Raoul Wallenberg – qu'il avait épousée en  1984, les Nations unies n'avaient pas été vérita-blement réformées. Kofi et Nane -Annan avaient posé pour Vogue en 2003, lui, le premier Africain à la tête de l'organisation, toujours tiré à quatre épingles, elle, tout en blanc. Ils avaient incarné le charisme dont l'ONU est dépourvue, attiré personnalités et philanthropes dans l'immeuble de verre de l'East River.
Mais l'organisation continuait à refléter le monde d'avant, faute d'accord sur l'élargissement du Conseil de sécurité aux puis-sances émergentes. Le grand -marchandage qu'il préconisait entre riches et pauvres – sécurité pour les premiers, dévelop-pement pour les seconds – achoppait sur les égoïsmes. Quelques années plus tard, le martyre de la Syrie montrerait l'effon-drement du principe de " responsability to protect ".
Kofi Annan est né, le 8  avril 1938, à Kumasi (Côte-de-l'Or, devenue depuis Ghana), dans ce qui faisait encore partie de l'Empire britannique, d'un père cadre d'une filiale de la multinationale Unilever. Eduqué dans un pensionnat méthodiste, il avait fait des études d'économie puis obtenu une bourse de la Fondation Ford pour terminer son diplôme au -Macalester College de Saint Paul dans le Minnesota.
Il était entré à l'ONU en  1962, à l'Organisation mondiale de la santé, à Genève, dans les affaires budgétaires – pour deux ans, croyait-il. A New York, il avait gravi les échelons de la bureaucratie onusienne – direction des ressources humaines, du budget –, avant d'être appelé au dépar-tement du maintien de la paix par le secrétaire général égyptien, Boutros Boutros-Ghali. C'est l'Irak, déjà, qui avait donné un tour politique à sa carrière, lorsque, en  1990, il avait été chargé -d'organiser le rapatriement des otages du Koweït.
Kofi Annan était devenu le septième secrétaire général de l'ONU le 1er  janvier 1997, élu grâce à l'appui de l'administration Clinton, reconnaissante du soutien qu'il avait apporté aux bom-bar-dements en Yougoslavie (et malgré quatre veto de la France, qui souhaitait la réélection de M.  Boutros Boutros-Ghali). Jusqu'au conflit sur l'Irak, il était -considéré comme proaméricain : il avait même réussi à soutirer aux ultraconservateurs du Congrès le règlement des arriérés de cotisations des Etats-Unis.
Les néoconservateurs de l'entourage de George Bush lui firent payer son opposition à la guerre. Pendant des mois, ils agitèrentl'affaire " Pétrole contre nourriture ", du nom du programme mis en place pour limiter l'impact des sanctions américano-britanniques contre le régime de Saddam Hussein. L'enquête, dirigée par l'ancien banquier américain Paul Volcker, l'exonéra de malversations mais mit en lumière des pratiques de corruption dans l'organisation et fit apparaître le nom de son fils, Kojo, qui avait été recruté par une société suisse d'inspection bénéficiant de -contrats " oil for food ".
Après avoir cédé la place à New York au Sud-Coréen Ban Ki-moon, Kofi Annan avait créé une fondation philanthropique, axée sur le développement (avec un accent particulier sur la lutte contre l'évasion fiscale). Il était resté engagé sur la scène internationale par l'intermédiaire du groupe des Elders, les" sages " réunis par Nelson Mandela.
Kenya, Syrie, Birmanie…En  2008, il avait mené une mission de réconciliation des factions kényanes au bord de la guerre civile après les élections. En février  2012, il avait été désigné envoyé spécial de la Ligue arabe et de l'ONU pour le conflit syrien, une position dont il n'a pas été dupe très longtemps et qu'il a quittée au bout de six mois. En  2016, il avait pris la tête d'une commission sur le droit des Rohingya, la minorité musulmane victime de persécutions en Birmanie, mais il n'avait pas réussi à mobiliser l'ONU, paralysée par l'hostilité chinoise.
L'histoire retiendra peut-être que Kofi Annan est mort à la veille du quinzième anniversaire du terrible attentat-suicide au camion contre le bâtiment de l'ONU à Bagdad, qui fit 22  morts, le 19  août 2003. Parmi les victimes, son ami Sergio Vieira de Mello. " Kofi " souffrait d'une responsabilité particulière : c'est lui qui avait désigné le diplomate brésilien pour cette mission. Il s'était vu reprocher d'avoir voulu renouer trop vite avec les va-t-en-guerre de George Bush, au risque d'envoyer du personnel civil dans des conditions de sécurité peu satisfaisantes. Le moment " le plus éprouvant " de sa carrière, avait-il confié.
Corine Lesnes
© Le Monde


21 août 2018

Kofi Annan pariait sur le meilleur de l'humanité

Le diplomate Jean-Marie Guéhenno, qui fut l'un de ses proches collaborateurs, rend hommage à l'ancien secrétaire général de l'ONU et Prix Nobel de la paix, mort samedi 18 août

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Sa posture était merveilleusement droite, à faire honte à tous les dos ronds de la Terre. Il marchait d'un pas toujours rapide, au point d'essouffler ses collaborateurs moins sportifs que lui. Il avait l'irrésistible énergie d'un homme tout entier tourné vers l'avenir, un homme qui ne se retourne pas, mais, tel un alpiniste montant à l'assaut d'une falaise, est déjà en train de chercher la prochaine prise.
Kofi Annan avait une fois pour toutes choisi d'aller de l'avant en pariant sur le meilleur de l'humanité. Ce n'était pas, chez cet homme à l'intelligence intuitive, le reflet d'une quelconque naïveté, mais plutôt le pari réfléchi que l'on obtient davantage par la confiance que par la méfiance. Une confiance qu'il témoignait d'abord à son équipe. Celle-ci lui était d'autant plus loyale qu'il lui laissait une extraordinaire -liberté d'action.
Il avait ainsi rassemblé autour de lui un improbable attelage – typiquement onusien –, où un -Pakistanais côtoyait un Indien, tandis que mon collègue britannique et moi-même, vestiges des vieux empires coloniaux, étions fiers de servir un homme dont la jeunesse avait été marquée par la libération de l'Afrique. Il savait que cette libération n'était pas achevée, et je n'ai pas oublié le voyage à Addis-Abeba - en  2004, pour le troisième sommet de l'Union africaine - , où il tança les dirigeants qui s'accrochent à leur pouvoir : les premiers rangs, où étaient assis les chefs d'Etat, applaudirent moins que les derniers…
Nouvel ordre mondialFormé à la pensée libérale dans une université américaine, il s'efforça, tout au long de ses deux mandats de secrétaire général des Nations unies - de 1997 à 2006 - , de poser dans quelques grands discours programmes les principes d'un nouvel ordre mondial où la souveraineté des Etats ne serait pas un obstacle infranchissable à la mise en œuvre de principes universels. Il devint pour beaucoup une sorte de " pape séculier ", un rôle que son lointain prédécesseur Dag Hammarskjöld - secrétaire -général de l'ONU de 1953 à 1961 - , -vivant dans une époque moins médiatisée, avait toujours récusé.
Mais dans les rapports individuels avec les puissants de la Terre, il n'avait rien d'un prêcheur. Je soupçonne qu'il doutait que la force d'un argument ait jamais à elle seule fait changer d'avis un puissant. Sa méthode était plus -intuitive. Avec le président George W. Bush, je l'ai vu tenter d'insinuer le doute par les questions qu'il posait plus que par les arguments qu'il avançait. Ayant réussi à établir des rapports de confiance avec la plupart des dirigeants internationaux, il pouvait ainsi, sans trahir le secret de conversations privées, peser, à la marge, sur le cours des événements.
Il a connu de près les horreurs du monde, d'abord comme secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, avec le génocide rwandais de 1994 et, l'année suivante, avec le massacre de Srebrenica, en Bosnie-Herégovine. Devenu secrétaire général, il eut le courage d'ouvrir les archives de l'ONU, afin que les générations -futures apprennent de deux rapports sans complaisance comment empêcher que de tels drames ne se répètent. Il vécut aussi le désastre de la guerre d'Irak déclenchée en  2003.
Il n'avait pas l'imagination du mal, et il lui est arrivé de sous-estimer la bêtise et la méchanceté -humaines. Quand l'attentat de Bagdad, il y a tout juste quinze ans, tua quelques-uns des meilleurs de l'ONU, y compris son ami Sergio de Mello, aucun de nous n'avait pressenti le danger. On le lui a reproché. On était dans une autre époque, où l'on croyait encore fermement que demain serait meilleur qu'aujourd'hui.
Le monde avait cependant commencé de changer, et la période de confiance de l'immédiat après-guerre froide touchait à sa fin. En  2012, je fus de nouveau à ses côtés, quand il tenta de mettre fin au conflit syrien. Sa démarche était la même que celle qu'il avait eue quand il était secrétaire général : commencer par les grandes puissances, en tentant de trouver entre les Etats-Unis et la Russie un accord qui permettrait de contenir les rivalités régionales entre la Turquie, l'Iran, l'Arabie saoudite. Ce n'était plus possible, et sur le terrain, la violence terroriste compliquait encore les calculs -politiques. Il dut démissionner au bout de six mois. On était entré dans un monde où la géopolitique revenait, plus proche de Metternich que de Kant, et où la violence des passions l'emportait sur les constructions de la raison.
Kofi Annan, fidèle à lui-même, n'abandonna pas, toujours prêt à se faufiler dans les interstices que la géopolitique laissait à l'action d'hommes de bonne volonté, mobilisant les énergies pour l'agriculture africaine, tentant d'arrêter la violence au Myanmar - ex-Birmanie - , aidant au règlement du conflit en Colombie.
Toute sa vie, plutôt que d'élever le ton pour se faire entendre, il a tenté, de sa voix douce, d'obliger les violents et les criards à baisser le leur. Le monde a plus que -jamais besoin de femmes et d'hommes comme lui.
Jean-Marie Guéhenno
© Le Monde


21 août 2018

Kofi Annan, un homme de paix

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Depuis l'annonce de son décès, le 18  août, une pluie d'hommages a salué la mémoire de Kofi Annan. Angela Merkel, Vladimir Poutine, Theresa May, Emmanuel Macron, les anciens présidents américains Bill Clinton et Barack Obama, et bien d'autres responsables, notamment africains, ont rappelé les convictions, le courage et la sagesse de ce croisé de la paix que fut l'ancien secrétaire général de l'ONU – entre 1997 et 2006.
Chacun fera le tri entre les éloges, ceux qui expriment une sincère admiration et ceux qui relèvent davantage des convenances, voire des larmes de crocodile diplomatiques. Mais tous témoignent, sans aucun doute, qu'avec la disparition du Prix Nobel de la paix 2001 s'efface un peu plus un ordre du monde fondé sur les valeurs qui avaient présidé à la création des Nations unies au lendemain de la seconde guerre mondiale.
Certes, la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et l'ambition de régler les conflits internationaux par le droit et la diplomatie internationale ont trop souvent fait figure de vœux pieux. Kofi Annan lui-même en fit l'amère expérience à maintes reprises. Ainsi lorsque, alors chargé des opérations de maintien de la paix de l'ONU, il assista, -impuissant, au génocide rwandais en  1994 ou au massacre de Srebrenica, dans l'ex-Yougoslavie, en  1995.
De même, en dépit de ses efforts inlassables, il ne put dissuader les Etats-Unis de George W.  Bush de déclencher en  2003 une guerre qu'il n'hésita pas à qualifier d'" illégale " contre l'Irak de Saddam Hussein – intervention dont les conséquences restent aujourd'hui encore désastreuses. En  2012 enfin, il avait accepté, à la demande de son successeur, Ban Ki-moon, une mission de la dernière chance pour tenter de circonscrire la guerre civile qui débutait en Syrie ; six mois plus tard, il se résignait à jeter l'éponge, tristement conscient de l'impuissance de la diplomatie face au déchaînement de la violence dans cette région du monde et à l'inaction, pusillanime ou intéressée, des grandes puissances.
Il n'empêche, ce sont ces valeurs humanistes – les droits de l'homme comme fondement de la légitimité internationale – que Kofi Annan n'a cessé de défendre, sans irénisme mais avec abnégation, tout au long d'une vie de diplomate entièrement dévouée à l'ONU. Ce sont ces mêmes valeurs qu'il -promouvait, en  2005, en faisant adopter par l'Assemblée générale de l'ONU le principe, inspiré du droit d'ingérence, de la " responsabilité de protéger " les populations civiles, y compris contre la souveraineté d'un Etat.
Epoque révolue, dira-t-on, où le Conseil de sécurité (sans l'appui duquel le secrétaire général est réduit au ministère de la parole) s'efforçait encore d'agir, où la Russie n'avait pas encore imposé sa stratégie de puissance, où la Chine n'était qu'un géant en devenir, où les Etats-Unis enfin n'avaient pas totalement renoncé à régler de façon multilatérale les défis et les conflits de la planète.
C'est exact. Les dérèglements du monde, les égoïsmes stratégiques des grandes puissances, les protectionnismes économiques ou climatiques, le mépris désormais ouvertement assumé, à Washington ou à Moscou notamment, des règles du droit et de la force des traités ont balayé l'espoir de régulations collectives. " La loi du plus fort, et non plus la force de la loi ", selon la formule de Kofi Annan, s'impose chaque jour davantage.
Cela ne rend que plus indispensable la -poursuite du combat pour la paix du gentleman Annan.
© Le Monde

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