Après les avoir reçus pour un dîner à l'Elysée, mercredi 1er août, Emmanuel Macron devait revoir les membres du gouvernement, vendredi, pour le dernier conseil des ministres avant les vacances. L'occasion pour le chef de l'Etat de clore une année dense, au cours de laquelle 41loi ont été votées et des réformes lourdes engagées (SNCF, code du travail, sélection à l'université avec Parcoursup…). Mais aussi d'esquisser le programme de la rentrée, qui s'annonce chargé. " Le président devrait dresser les grandes étapes de l'an II, dans le prolongement de son discours au Congrès ", précise l'un de ses conseillers. Il leur donnerarendez-vous pour un séminaire qu'il présidera " dans la foulée du premier ou du deuxième -conseil des ministres de rentrée, le 22 ou le 29 août ", ajoute-t-il.
Après un début d'été marqué par l'affaire Benalla, un épisode qui a montré les fragilités du dispositif macronien et contraint l'exécutif à subir l'actualité, l'Elysée veut reprendre la main dès la fin de la trêve. Le séminaire gouvernemental sera l'occasion de remobiliser les troupes et de leur donner un cap pour les mois à venir.
" A la rentrée, nous ne ralentirons pas, nous ne lâcherons rien. Nous irons jusqu'au bout de notre projet ", avait déjà réaffirmé le premier ministre, Edouard Philippe, mardi 31 juillet, alors qu'il répondait aux deux motions de censure déposées par la droite et la gauche à l'Assemblée.
A la rentrée, l'exécutif devra d'abord mettre de l'ordre dans un agenda perturbé par la crise. L'Elysée doit décider au plus vite de l'avenir de la révision consti-tutionnelle, à laquelle l'affaire Benalla a mis un coup d'arrêt brutal. S'il la fait revenir devant les députés au plus tôt, il prend le risque de voir les oppositions remonter au créneau. Dans ce cas, il lui faudra repousser la loi Pacte pour faire de la place dans le calendrier parlementaire. Un dilemme, car cette loi
" est attendue par les entreprises et les Français, sur le volet -actionnariat salarié, intéressement et participation ", commente Marc Fesneau, président du groupe -MoDem à l'Assemblée.
Si, à l'inverse, l'exécutif privilégie le texte de Bruno Le Maire, déjà plusieurs fois repoussé, il s'expose à des critiques sur son incapacité à mener à bien la révision constitutionnelle, un acte politique important puisqu'il touche au texte fondateur de la Ve République. Pour le moment, les macronistes minimisent cet éventuel report. Les projets de loi organique et ordinaire permettent de tenir les promesses principales de M. Macron (baisse du nombre de parlementaires, non-cumul des mandats dans le temps, introduction d'une dose de proportionnelle).
" C'est une question d'agencement, relativise Matignon.
A la fin, on fera les deux. "
Mais l'essentiel pour l'exécutif sera surtout de réenclencher la machine à réformer pour redorer l'image du président de la République. "
Il nous faut garder le cap. Ce qui a perdu Nicolas Sarkozy ou François Hollande, c'est l'impression qu'ils ont donnée de naviguer à vue ", renchérit Aurore Bergé, -députée La République en marche (LRM) des Yvelines.
" Notre marque de fabrique, c'est l'action. Il faut maintenir la tension pour repartir de l'avant ", poursuit un conseiller.
Attendu sur le socialLa semaine qui a suivi les révélations sur l'ex-chargé de mission d'Emmanuel Macron a montré un exécutif affaibli, flottant, un président très seul pour se défendre. Mais cette crise est en fait intervenue après quelques couacs moins visibles notamment, début juillet, lorsque la ministre de la santé, Agnès Buzyn, avait annoncé le report du plan pauvreté pour cause de Coupe du monde de football…
L'affaire Benalla pourrait ainsi atténuer ou même effacer les effets bénéfiques qu'Emmanuel Macron espérait tirer de son discours au Congrès, le 9 juillet, ou de la victoire des Bleus, le 15 juillet. Pour l'heure, les sondages soufflent le chaud et le froid. Dans l'enquête YouGov, publiée jeudi 2 août par
Le HuffPost et
CNews, sa popularité plonge de cinq points. Avec 27 % de jugements positifs sur son action, le chef de l'Etat est à son plus bas niveau. Comme le faisaient déjà apparaître d'autres enquêtes d'opinion, c'est auprès des sym-pathi-sants du parti Les Républicains que la chute est la plus marquée.
" Après l'affaire Benalla, de plus en plus de Français doutent de l'honnêteté du président, de sa sincérité. Son “je fais ce que je dis et je dis ce que je fais” ne convainc plus autant ", explique Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l'IFOP. Dans le baromètre Elabe de juillet pour
Les Echos et Radio Classique, la cote de confiance d'Emmanuel Macron gagne en revanche deux points, à 36 %.
A la rentrée, il faudra occuper le terrain. Et vite. Le volet social, sur lequel l'exécutif est très attendu, ouvrira la saison. Le plan pauvreté, au cœur du projet macronien de lutte contre le " déterminisme social ", et le plan hôpital, avec la fin de la tarification à l'acte, trouveront leur traduction législative dans les projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale pour 2019, qui, eux, seront présentés fin septembre.
Avec, pour le budget, une question cruciale sur les dépenses publiques. L'an dernier, le gouvernement s'en était plutôt remis à la conjoncture pour assurer la baisse des déficits. Aujourd'hui,
" le ralentissement conjoncturel nous oblige à accélérer sur le plan structurel ", juge Marc Fesneau. Alors que -l'activité donne des signes de faiblesse, que le chômage a du mal à reculer et que l'inflation repart à la hausse, l'équation budgétaire s'annonce compliquée.
" Chaque euro dépensé doit désormais être le fruit d'une décision politique ", explique Amélie de Montchalin, députée LRM de l'Essonne.
" Ce que décidera Macron sera déterminant pour une partie de la droite que LRM espère rallier au moment des élections européennes, juge Jérôme Fourquet.
Cette droite juppéiste, centriste dont l'ADN est l'équilibre des comptes publics mais aussi – et, là, l'affaire Benalla a pu la refroidir – l'équilibre des pouvoirs et le respect des corps intermédiaires. "
Autre réforme sensible, sur lequel le gouvernement devra avancer d'ici à la fin de l'année : les retraites, sur lesquelles il compte présenter un projet de loi au premier trimestre 2019. Contrairement à la réforme de la SNCF, le gouvernement privilégie le dialogue avec les partenaires sociaux, par l'intermédiaire de Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire chargé de ce dossier.
Au-delà des thématiques économiques et sociales, le gouvernement est attendu sur le sociétal. Et si la réforme des retraites est un sujet à hauts risques, car il peut remobiliser l'opposition de gauche, le projet de loi bioéthique est lui aussi politiquement inflammable. En campagne, M. Macron avait promis l'ouverture à toutes les femmes de la procréation médi-calement assistée, aujourd'hui réservée aux couples hétérosexuels. Un engagement que lui rappelle régulièrement une partie de sa majorité. Soucieux de ne pas
" humilier une partie du pays ", comme il avait jugé l'action de son prédécesseur lors de sa campagne au sujet du mariage pour tous, le président a beaucoup consulté et a multiplié les gestes envers les catholiques. Par ailleurs, la réforme de l'islam de France, promise depuis des mois, est désormais prévue pour la fin 2018.
La rentrée sera aussi le moment, comme l'a dit le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, de tirer
" toutes les leçons " des
" dysfonctionnements " qu'a révélés l'affaire Benalla. De quoi occuper l'été d'Alexis Kohler, le secrétaire général de l'Elysée, chargé de réorganiser les services du palais, dont la sécurité et la communication. Mais aussi, plus largement, de repenser le rôle de la haute administration, pour qu'elle assiste mieux le gouvernement. Un autre vaste chantier…
Virginie Malingre
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