Le tumulte de l'affaire Benalla gronde depuis déjà six jours, mardi 24 juillet, quand Emmanuel Macron se décide à s'exprimer devant les députés de la majorité réunis à la Maison de l'Amérique latine, à Paris. Une partie du gouvernement et de la brigata -macronienne encadre le chef de l'Etat : Gérard Collomb, Richard Ferrand, François Patriat, Benjamin Griveaux, Christophe Castaner, Marlène Schiappa… Edouard Philippe, lui, se tient en retrait, au second rang. Le premier ministre semble légèrement ail-leurs, -regarde parfois en l'air, souvent par terre, dandine sur ses pieds. Il ne rit pas quand les autres -s'esclaffent.
" Je suis le seul responsable ", lance Emmanuel Macron. Depuis le début de la crise, Edouard Philippe ne semble jamais avoir pensé le contraire. Car même si le premier ministre a dû s'expliquer plusieurs fois devant les parlementaires, il a exercé une riposte en pointillé et n'a jamais vraiment servi de paratonnerre au président. C'est pourtant l'ancien maire du Havre qui devait affronter, mardi 31 juillet, deux motions de censure – l'une déposée par Les Républicains (LR), l'autre par les socialistes, les communistes et les " insoumis " – mettant en cause la responsabilité du gouvernement dans les violences commises par l'ex-collaborateur de l'Elysée lors des manifestations du 1er-Mai.
Le premier ministre, fait savoir son entourage, comptait se servir de l'exercice pour engager une séance de confrontation avec l'opposition. Une manière de se positionner en première ligne.
" Il ne s'est pas planqué ", estime un député La République en marche.
" Il a la bonne distance, et il fait le job. " " Il tient le gouvernement, analyse une source au sein de l'executif.
Il se fait écraser quand le président fait sa sortie à la Maison de l'Amérique latine, mais mine de rien, sans ses réponses au banc face au députés, le président n'aurait pas pu réagir comme il l'a fait derrière. "
Pour autant, le chef du gouvernement ne ressort pas en combattant balafré de cette folle semaine où la Macronie s'est éparpillée. Quand le 19 juillet, au lendemain des révélations sur l'ex-chargé de mission de l'Elysée, Edouard Philippe évoque lors des questions au gouvernement au Sénat des
" images choquantes ", il n'a pas eu de contacts sur le sujet avec le président de la République. Il est seul face à l'opposition. Le lendemain, il n'annule pas sa venue sur le Tour de France –
" C'est un rêve d'enfant… ", s'enthousiasme-t-il – d'où il appelle à
" respecter les procédures légales qui ont été engagées ".
" Clap de fin "Ce n'est que quatre jours plus tard, le 24 juillet, que le transfuge de la droite décide de monter en défense lors des questions au gouvernement, à l'Assemblée nationale et au Sénat, après avoir rencontré Emmanuel Macron à deux reprises durant le week-end. Il n'y a pas d'
" affaire d'Etat ", plaide-t-il, juste
" une dérive individuelle " d'Alexandre Benalla. Cet épisode vient interroger une nouvelle fois le rôle du premier ministre au côté d'un président de la République qui est le véritable chef de sa -majorité puisque presque tous les députés lui doivent leur élection. Une question lancinante depuis le début du quinquennat. L'opposition a certes déposé deux motions de censure pour forcer M. Philippe et son gouvernement, désignés seuls responsables par la Constitution devant le Parlement, à s'expliquer. Mais c'est bien l'Elysée qui est visé.
" Emmanuel Macron sait que les parlementaires ne peuvent pas “venir le chercher”, mais on a des comptes à demander au premier ministre ", insiste Christian Jacob, président du groupe LR à l'Assemblée nationale, qui dénonce un gouvernement
" n'assumant pas ses responsabilités, qui a failli, par connivence ou par lâcheté ". Dans son viseur, notamment, la sécurité défaillante du chef de l'Etat, ou encore le refus initial du locataire de Matignon de répondre aux parlementaires sur le sujet.
" Le premier ministre est premier ministre, pas directeur de cabinet, il n'est pas là pour couvrir les dérives d'un président monarque, dénonce M. Jacob.
A minima, Edouard Philippe s'est planqué, ou alors il a couvert l'Elysée. Mais le courage n'est pas sa première vertu, on l'a vu quand il était avec nous chez LR. "
Guillaume Larrivé, député LR de l'Yonne, qui a claqué la porte de la commission d'enquête dont il était corapporteur, faute d'avoir pu auditionner les personnalités de son choix, l'assure :
" Edouard Philippe n'est que l'homme du président de la République dans cette affaire. C'est une motion contre l'Etat-Macron que nous avons déposée. " " Nous n'aurons pas les voix, il n'y a pas de suspense, mais c'est une alerte que nous entendons donner les uns et les autres ", a défendu de son côté le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, dont les troupes se contenteront de voter leur propre motion, et pas celle de la droite.
L'occasion est belle, en tout cas, veut-on croire du côté de l'exécutif, de clore ce chapitre empoisonné avant de partir en vacances.
" Avec ces motions de censure, qui sont très largement des pré-textes, les oppositions nous offrent une opportunité de mettre fin au feuilleton ", se réjouit un -conseiller de l'exécutif. Le dîner à l'Elysée auquel Emmanuel et Brigitte Macron ont convié, mercredi, tous les membres du gouvernement et leur conjoint, comme en 2017 à la même époque, devrait être détendu.
" Cela risque de représenter le clap de fin de l'histoire alors que nous n'avons pas eu les réponses que nous étions en droit d'attendre ", abonde, de l'autre côté de la barrière, Arnaud Viala, député LR de l'Aveyron. D'autant que passé les effets de tribune, les motions devaient être en toute logique rejetées, rituel immuable de la Ve République depuis plus de cinquante ans. Edouard Philippe ou pas.
Sarah Belouezzane, Olivier Faye, et Virginie Malingre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire