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jeudi 2 août 2018

Pétrole : la tension entre les Etats-Unis et l'Iran fait monter le prix du baril


1er août 2018

Pétrole : la tension entre les Etats-Unis et l'Iran fait monter le prix du baril

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 Washington entend étouffer l'économie iranienne en la privant de ses revenus pétroliers et en pu--ni-ssant les pays acheteurs
 Les sanctions s'appliqueraient en novembre, et le prix du pétrole devrait bondir, dans un marché déjà très tendu
 Téhéran menace à nouveau de bloquer le détroit d'Ormuz, où passe plus de 30 % du commerce mondial de pétrole
 Donald Trump se dit prêt à rencontrer les Iraniens, qui ont sèchement refusé toute discussion
Pages 3 et 10
© Le Monde


1er août 2018

Après les menaces, Trump se dit prêt au dialogue avec l'Iran

Téhéran exclut de discuter avec une administration américaine hostile

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PYONGYANG CONTINUERAIT D'ASSEMBLER DES MISSILES INTERCONTINENTAUX
Les agences américaines de renseignement pensent que la Corée du Nord assemble de nouveaux missiles, en se fondant notamment sur de récentes images satellites de l'usine de Sanumdong, près de Pyongyang, où a été fabriqué le premier missile capable d'atteindre la Côte est américaine, a rapporté, lundi, le Washington Post. " Ces nouveaux renseignements ne suggèrent pas une augmentation des capacités de la Corée du Nord, mais montrent que le travail sur des armements avancés se poursuit plusieurs semaines après que le président Trump a déclaré sur Twitter que Pyongyang n'est plus une menace nucléaire ", écrit le quotidien.
Après les menaces, la main tendue. Huit jours après avoir infligé un Tweet véhément au président iranien Hassan Rohani, Donald Trump s'est proposé de le rencontrer " sans préconditions "" Je rencontre tout le monde. S'ils veulent que je les rencontre, je les rencontre. Quand ils veulent ", a déclaré, lundi 30  juillet, le locataire de la Maison Blanche, en marge d'une rencontre avec le chef du conseil italien, Giuseppe Conte. Ce serait " bon pour nous, bon pour eux, bon pour le monde ".
Cette stratégie s'inscrit explicitement dans la ligne de celle menée avec la Corée du Nord – menaces verbales de M. Trump pendant l'été 2017, surenchères militaires de Kim Jong-un, puis rencontre spectaculaire des deux dirigeants à Singapour en juin  2018. " Ne menacez jamais, jamais plus les Etats-Unis ou vous en subirez des conséquences dont peu ont eu à souffrir dans l'Histoire ", avait écrit M. Trump sur Twitter le 23  juillet, répliquant à une menace de M. Rohani : " Ne jouez pas avec la queue du lion, ou vous allez le regretter. "
" Conditions pas remplies "Mais la comparaison s'arrête là : les Iraniens ne veulent pas entendre parler d'une telle rencontre après des mois de politique agressive de l'administration Trump à leur encontre. " Le respect de la grande nation iranienne, la réduction des hostilités, le retour des Etats-Unis dans l'accord nucléaire… Cela permettra de paver la voie chaotique des pourparlers ", a rétorqué mardi, sur Twitter, Hamid Aboutalebi, un conseiller du président Rohani.
Les Américains ont dénoncé en mai l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien, qui avait été négocié pendant des années sous l'administration Obama, alors que l'Iran, selon les experts, se tenait à cet accord ; ils ont imposé des sanctions à Téhéran et exigent de leurs partenaires qu'ils n'achètent plus de brut iranien d'ici au 4  novembre. " Je pense que les conditions ne sont pas du tout remplies pour une telle discussion ", a écarté lundi Bahram Qassemi, porte-parole du ministère des affaires étrangères iranien.
Ces propositions sont faites alors que Donald Trump et une partie de l'establishment à Washington sont convaincus que la stratégie du président des Etats-Unis – appliquée vis-à-vis de Pyongyang, mais aussi de l'Europe et de la Corée du Sud sur le plan commercial – fonctionne. La sortie de l'accord et l'application de sanctions contre Téhéran ont " un impact majeur sur l'Iran. Cela a affaibli substantiellement l'Iran, avait estimé le président américain, le 17 juillet.  L'Iran n'est plus le même pays qu'il était il y a cinq mois, je peux vous le dire. Ils ne regardent plus tant que cela vers la Méditerranée ou tout le Moyen-Orient. Ils ont des gros problèmes, qu'ils peuvent résoudre, probablement plus facilement s'ils discutent avec nous. "
Les sanctions économiques seraient efficaces sur ce pays de 80  millions d'habitants : le rial, la devise iranienne, s'est déprécié de moitié cette année. Le manque de devises a conduit, selon le Financial Times, les Iraniens à se ruer sur l'or, les voitures et l'immobilier pour protéger leur épargne, tandis que M. Rohani a limogé fin juillet le gouverneur de la banque centrale pour sa mauvaise gestion de la crise. Les entreprises européennes, en dépit de leurs protestations, se retrouvent forcées de choisir entre commercer avec Téhéran ou avec les Etats-Unis : le choix est rapidement fait.
" Nous sommes lucides "Cette stratégie de la " pression maximale ", pour reprendre une expression du secrétaire d'Etat, Mike Pompeo, a-t-elle été menée suffisamment loin pour tendre la main ? La rebuffade iranienne en fait douter. Dans un long article publié par Slate il y a quelques jours, le journaliste essayiste Fred Kaplan rappelait à M. Trump que " l'Iran n'est pas la Corée du Nord " et que la partie ne sera pas aussi facile.
D'abord, à la différence de M.  Kim, qui a tout pouvoir pour faire des volte-face chez lui, M.  Rohani, promoteur de l'accord nucléaire, est sous la pression du Guide suprême, Ali Khamenei, de l'armée et des gardiens de la révolution, beaucoup plus durs que lui. Il n'a pas la force politique pour engager un rapprochement spectaculaire avec Washington. Mike Pompeo l'a reconnu en creux, estimant que trouver un modéré au sein du régime était aussi difficile qu'apercevoir une licorne. Pis, en cas de changement de régime, souhaité, par exemple, par le conseiller diplomatique John Bolton, aucune opposition " pro-occidentale " n'est prête à prendre le pouvoir.
Ensuite, le rapprochement entre la Corée du Nord et Washington avait un médiateur, la Corée du Sud, et un parrain, la Chine. Rien d'aussi évident avec Téhéran : les Européens ont été humiliés par la sortie unilatérale de M. Trump de l'accord. Reste à savoir si le dirigeant russe Vladimir Poutine peut avoir une influence, le locataire de la Maison Blanche assurant avoir parlé du sujet avec l'homme fort du Kremlin.
Dès le 21 mai, Mike Pompeo avait présenté douze exigences majeures au pouvoir iranien (fin de tout enrichissement nucléaire, retrait de ses milices de Syrie, fin du soutien au Hamas et au Hezbollah…) pour un nouvel accord. " Nous sommes lucides sur la nature de ce régime, mais nos yeux sont ouverts sur ce qui est possible, avait déclaré le secrétaire d'Etat. Si quiconque, en particulier les dirigeants iraniens, doute de la sincérité ou de la vision du président, qu'il regarde notre diplomatie avec la Corée du Nord. "
C'est la dernière question : savoir si le sommet avec la Corée du Nord a porté ses fruits : les uns estiment que M. Kim s'est vu octroyer par le président américain son statut de puissance nucléaire, sans prendre d'engagement contraignant en retour. Le camp Trump veut croire que la menace a reculé de manière substantielle. Sur l'Iran, on n'en est, au mieux, qu'aux prémices.
Arnaud Leparmentier




1er août 2018

Entre Trump et l'Iran, l'arme du pétrole

La ligne très dure de Donald Trump contre Téhéran pourrait avoir un impact durable sur le marché pétrolier

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LES PROFITS DES PÉTROLIERS S'ENVOLENT
L'augmentation quasi continue du baril depuis un an fait le bonheur des majors du pétrole. Le groupe français Total a vu son bénéfice bondir de 83  %, à 3,72  milliards de dollars (3,2  milliards d'euros) au deuxième trimestre. L'anglo-néerlandais Shell a multiplié par quatre son bénéfice net au deuxième trimestre, à 4,7  milliards de dollars. Les géants américains ExxonMobil et Chevron enregistrent également des revenus en forte hausse. Le premier a dégagé un bénéfice net de 3,95  milliards de dollars au deuxième trimestre, en hausse de 18  % sur un an. Le second a vu son bénéfice doubler à 3,41  milliards de dollars. Selon la banque suisse UBS, les bénéfices des sociétés pétrolières sont en augmentation depuis sept trimestres consécutifs.
Il y a une multitude de facteurs à surveiller en ce moment sur les marchés pétroliers. Mais, d'une manière ou d'une autre, on arrive toujours à la même conclusion : c'est l'impact des sanctions américaines contre l'Iran qui décidera du prix du baril. " L'estimation de Tamas Varga, analyste chez PVM Oil, est assez partagée dans les milieux pétroliers : l'attitude de Donald Trump face à Téhéran sera décisive pour le marché pétrolier dans les prochaines semaines.
Mardi 31  juillet, les cours étaient toujours à un niveau élevé, à 74,70 dollars le baril, poussés par une demande mondiale qui reste forte et par l'incertitude géopolitique au Proche-Orient, d'autant plus forte que le président américain venait de livrer une nouvelle preuve de son imprévisibilité. Lundi soir, dans un surprenant retournement, Donald Trump a proposé de rencontrer sans aucune condition préalable le président iranien Hassan Rohani. Une proposition balayée d'un revers de main par Téhéran, pour qui tout rappro-chement devrait commencer par un retour des Etats-Unis au sein de l'accord nucléaire.
Cette nouvelle rodomontade de M.  Trump ne devrait pas avoir d'impact sur la stratégie américaine face à Téhéran  qui consiste à étouffer l'économie iranienne et la priver de ses revenus pétroliers. En mai, après avoir annoncé sa sortie de l'accord sur le nucléaire iranien, il avait promis de mettre en place les sanctions " les plus dures de l'histoire " contre l'Iran.
Derrière ces menaces se trouve l'enjeu crucial du pétrole : du brut iranien d'abord, visé par les sanctions américaines, mais aussi plus largement du pétrole exporté depuis la région, dont une bonne partie transite au large des côtes iraniennes.
Donald Trump a fait de l'arme pétrolière un élément clé de sa stratégie anti-Téhéran. L'idée est d'encercler l'Iran en faisant passer ses exportations de pétrole à zéro, martèlent les responsables -américains. Une attitude qui tranche avec les -administrations précédentes, qui avaient accordé à certains pays des exemptions spécifiques pour pouvoir continuer à importer du pétrole iranien.
" C'est un nouveau signe que le marché doit s'attendre à une mise en œuvre stricte des sanctions pétrolières ", note Jœ McMonigle, consultant et ancien vice-président de l'Agence internationale de l'énergie.
Comprendre : la Maison Blanche punira sans ménagement les pays qui continueront à acheter du -pétrole iranien. Certains alliés des Etats-Unis, comme le Japon, essaient encore de négocier des exemptions pour leurs raffineries, sans succès pour l'instant. Du côté iranien, on commence déjà à renommer certains bateaux et à les faire passer sous -pavillon tanzanien pour espérer flouer les Américains, note l'agence Bloomberg.
Les sanctions pétrolières doivent s'appliquer à partir du 4  novembre et beaucoup craignent que la chute soit brutale. L'Iran exporte 2,4  millions de barils de pétrole par jour, et pourrait en perdre entre 800 000 et 1,2  million très rapidement. Cela aura forcément des consé-quences sur un marché déjà tendu et devrait pousser les prix à la hausse.
A ces pertes de barils sur le marché s'ajoute le défi du détroit -d'Ormuz. " Si les exportations iraniennes sont bloquées, alors aucun autre pays de la région ne pourra exporter de pétrole ", a ainsi menacé le guide suprême Ali Khamenei, dans une allusion claire à ce passage stratégique.
Large de seulement 40 kilomètres, le détroit a une importance décisive : il voit passer plus de 30  % du commerce mondial de pétrole. " Si on parle du seul pétrole iranien, on parle de 2,5  millions de barils par jour, si on parle d'un blocage du détroit, on parle de 19  millions de barils par jour. C'est un problème bien plus important ", a rappelé le consultant Robert McNally sur CNBC. D'autant que les Etats-Unis ont une activité militaire importante dans la région, avec la présence de la 5e flotte de la marine américaine.
Détermination à riposterPeu d'observateurs croient à un conflit direct : Téhéran a déjà menacé de bloquer ce détroit par le passé, et la mise en œuvre de telles déclarations provoquerait une escalade dangereuse. Mais la tonalité des déclarations des dirigeants iraniens montre leur détermination à riposter. De fait, le régime dispose d'autres outils pour contre-attaquer dans la région. Mercredi, un navire pétrolier saoudien a ainsi été attaqué par des rebelles yéménites pro-iraniens, les houthistes.
Dans la foulée, l'Arabie saoudite a décidé de suspendre temporairement ses exportations de brut par un autre détroit stratégique, celui de Bab Al-Mandab " jusqu'à ce que (…) le trafic maritime dans la zone soit sûr ". Cette zone située entre le Yémen et Djibouti est perturbée par la guerre au Yémen. Si le pétrole saoudien devenait une cible régulière des houthistes, les conséquences de cette situation sur le marché pétrolier pourraient être significatives.
A Téhéran, l'impact de la guerre économique américaine commence déjà à se faire sentir : la monnaie iranienne, le rial, a perdu, en quatre mois, la moitié de sa valeur par rapport au dollar américain.
Nabil Wakim
© Le Monde

1er août 2018

La hausse du brut, une bouffée d'oxygène pour les biocarburants

La remontée du prix du pétrole relance l'intérêt pour les énergies concurrentes, estime le patron de Global Biœnergies

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La hausse du pétrole ne fait pas que des malheureux. Pour les industriels qui mettent au point des substituts aux hydrocarbures, elle constitue même une excellente nouvelle, attendue depuis longtemps. Une bouffée d'oxygène et d'espoir après trois années terribles.
Témoin, Marc Delcourt. Avec la remontée du brut, " on va enfin sortir de l'orage ",veut croire le -patron et cofondateur de Global Biœnergies. Depuis trois ans, ce biologiste reconverti en entrepreneur vit comme nombre de ses collègues une période extrêmement difficile. Son entreprise a plongé de 80  % à la Bourse de -Paris par rapport à son sommet du printemps 2015. Elle n'y vaut plus que 57  millions d'euros, et les réticences des investisseurs ont freiné son essor. Le prix du baril était tombé si bas que les financiers hésitaient : était-ce bien le moment d'investir dans la production, fatalement coûteuse, d'équivalents verts à l'or noir ? " De 2015 à 2017, à chaque fois que j'allais voir des inves-tisseurs aux Etats-Unis, je n'obtenais aucun rendez-vous, zéro ! ", -reconnaît le patron français.
Le vent est en train de tourner, assure M. Delcourt : " Maintenant que le baril est à 75  dollars plutôt qu'à 27  dollars comme à son creux de 2015, il y a de nouveau du monde au téléphone, et plusieurs grands investisseurs ont entamé des discussions approfondies avec nous. " D'ici quelques mois, il espère signer un accord avec l'un ou l'autre, de manière à pouvoir lancer enfin la construction dans l'Aube ou la Marne de l'usine promise depuis quelques années.
Retournement de tendanceGlobal Biœnergies et son partenaire Cristal Union, le sucrier plus connu sous la marque Daddy, entendent y fabriquer de l'isobutène, un produit chimique utilisé dans les plastiques, le caoutchouc, l'essence, etc. En général, cette brique élémentaire de la chimie est tirée du pétrole. Ici, elle doit provenir du sucre contenu dans des plantes comme la betterave ou la canne à sucre. L'investissement est évalué à 115  millions d'euros, pour un démarrage désormais attendu en  2021.
La start-up française constitue un bon témoin du séisme provoqué dans le monde des biocarburants et de la biologie industrielle par l'arrivée du pétrole de schiste et la chute des prix qu'elle a entraînée. Le canadien BioAmber, qui voulait lui aussi offrir une alternative " bio-sourcée " à un produit généralement issu du pétrole, l'acide succinique, a fait faillite en mai. Cela avait déjà été le cas en août  2017 de Solazyme, une société américaine créée pour développer des biocarburants à partir d'algues. Gevo, ancienne gloire américaine du secteur, a vu son action sombrer dans les profondeurs de Wall Street. Et en France, le groupe Avril (Lesieur, Puget, etc.) perd de l'argent depuis deux ans à cause des difficultés de sa branche spécialisée. " Dire que les biocarburants ne sont pas sexy en ce moment est un énorme euphémisme ", résume Sam Nejame, le patron du cabinet de conseil Promotum, dans une tribune au magazineBiofuels Digest.
A présent, plusieurs facteurs laissent imaginer un retournement de tendance. D'une part, la hausse du pétrole redonne un peu de compétitivité aux produits concurrents, même s'ils nécessitent encore des subventions toujours un peu aléatoires. D'autre part, le dérèglement climatique, chaque jour plus net, " renforce l'appétit du monde pour le bio ", souligne M.  Delcourt. En Europe, un accord conclu en juin prévoit de porter à 14  % la part des énergies renouvelables dans les transports en  2030, tout en réduisant l'usage des agrocarburants de première génération, et même en abandonnant ceux à base d'huile de palme.
En Bourse, quelques " vieilles " sociétés du métier ont déjà commencé à remonter la pente, à l'image des américains Renewable Energy Group, Amyris et Codexis, dont les actions ont pris respectivement 34  %, 64  % et 151  % en un an. Une nouvelle génération d'entreprises telles que -Ginkgo BioWorks ou Zymergen, encore non cotées, lève des fonds. " Tout l'écosystème se remet en marche, et pour nous aussi, l'horizon se dégage ", estime M. Delcourt. Pour Global Biœnergies, le rayon de soleil ne s'est toutefois pas encore traduit par le moindre réveil boursier.
Denis Cosnard

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