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dimanche 6 juillet 2014

HISTOIRE et MEMOIRE : L’héritier du trône d’Autriche-Hongrie et sa femme ont été assassinés à Sarajevo !

HISTOIRE et MEMOIRE


http://www.memorial-14-18.net
28 juin 1914

L’héritier du trône d’Autriche-Hongrie et sa femme ont été assassinés à Sarajevo !


                             

La tragédie d’un voyage officiel à haut risque

Le 28 juin 1914, l’héritier du trône d’Autriche-Hongrie, l’archiduc François-Ferdinand, et son épouse Sophie, ont été assassinés par un jeune nationaliste serbe de 19 ans, Gavrilo Princip. Le drame s’est produit à Sarajevo, capitale de la Bosnie-Herzégovine, province multi-ethnique des slaves du sud occupée par l’empire austro-hongrois depuis 1878 et annexée par Vienne en 1908. Le couple y était en visite officielle depuis le 25 juin. En sa qualité d’inspecteur général des armées, l’archiduc avait été invité par les autorités bosniaques à assister aux manoeuvres militaires.
Il s’agissait pourtant d’une visite à haut risque. L’archiduc en était parfaitement conscient. En effet, la Serbie voisine, soutenue par la Russie, n’a jamais fait mystère de son désir de conquérir la Bosnie-Herzégovine. Les autorités de Belgrade ont toujours considéré que la Bosnie-Herzégovine était un territoire historique de la nation serbe au même titre que la Dalmatie, la Vojvodine, la Slavonie et le Montenegro. Il semble que l’entourage de l’archiduc ait tenté vainement de le dissuader de se rendre à Sarajevo, considérant que la date du 28 juin serait vécue comme une provocation par les nationalistes serbes. Le 28 juin 1914 (du moins selon le calendrier grégorien) était le 525ème anniversaire de la bataille de Kosovo Polje dite du « champs des merles ». Le souvenir de cette bataille a toujours été pour les Serbes l’occasion d’exprimer la fierté de leur passé et leur espoir de voir un jour l’avènement d’une grande Serbie qui regrouperait sous son drapeau tous les slaves du sud.

Une voyage officiel placé sous le triple sceau du pouvoir impérial, de la continuité dynastique et de la fin des tensions au sein de la famille des Habsbourg

Pourquoi l’archiduc a-t-il souhaité maintenir ce voyage malgré le danger ?
On pense évidemment à son souci de signifier à tous les éléments séditieux que l’héritier du trône est partout chez lui en Autriche-Hongrie et que nul ne saurait le dissuader de se rendre sur n’importe quel territoire de l’empire. Ne pas aller à Sarajevo aurait conforté les nationalistes serbes dans l’idée que l’Autriche-Hongrie exerce illégitimement sa souveraineté sur la Bosnie-Herzégovine. Or, François-Ferdinand avait le souci d’affirmer le pouvoir impérial.
Il y avait également une deuxième raison, plus profonde, qui concernait le projet de l’archiduc de réformer les institutions politiques de l’empire. En 1914, l’Autriche-Hongrie est une mosaïque de peuples et de territoires sur laquelle règne le plus vieux souverain du monde, l’empereur François-Joseph, bientôt 84 ans dont 65 passés à la tête de l’Autriche-Hongrie ! L’empire austro-hongrois est en effet composé de onze nationalités officielles (autrichienne, hongroise, italienne, polonaise, tchèque, slovaque, roumaine, ukrainienne, slovène, croate et serbe). Il y a neuf langues au Parlement de Vienne : allemand, hongrois, italien, polonais, tchèque, slovaque, roumain, ukrainien, et serbo-croate. C’est considérable. François-Ferdinand avait donc pour objectif de réformer l’empire et de mettre fin au vieux dualisme politique entre l’Autriche (sous la tutelle de laquelle étaient placées les minorités italienne, tchèque, slovaque et polonaise) et la Hongrie (sous la tutelle de laquelle étaient placées les minorités ukrainienne et roumaine). Il voulait que les slaves du sud soient enfin représentés politiquement à Vienne et que l’empire devienne un Etat central trialiste, plus équilibré et donc plus apaisé.
Il y avait enfin une troisième raison, plus intime cette fois, qui touchait directement le couple princier. En effet, pour la première fois depuis la célébration de leur mariage morganatique, le 1er juillet 1900, François-Ferdinand et Sophie Chotek de Chotokowa avaient été autorisés par le vieil empereur François-Joseph à effectuer ensemble un voyage officiel. Sophie, bien que d’un rang inférieur, était en quelque sorte officiellement acceptée au sein de la famille impériale. Sa présence dans la capitale bosniaque aux côtés de l’archiduc semblait être le signe attendu de la fin des vexations protocolaires.
La voyage de l’archiduc et de sa femme à Sarajevo devait donc exprimer à la fois le pouvoir impérial, la continuité dynastique et la fin des tensions au sein de la famille des Habsbourg.

La politique contradictoire de François-Ferdinand en Bosnie-Herzégovine

Il ne faut toutefois pas se méprendre sur les effets de la politique bosniaque de l’héritier du trône d’Autriche-Hongrie. S’il est effectivement exact que l’archiduc François-Ferdinand avait l’intention de réformer l’empire en garantissant aux slaves du sud une meilleure représentation politique et institutionnelle, il convient également de souligner que celui-ci s’est constamment employé à mâter tout esprit d’indépendance. L’archiduc François-Ferdinand n’a ainsi jamais cherché à atténuer l’oppression bureaucratique de Vienne sur la Bosnie annexée. Les nationalistes serbes ont toujours été énergiquement pourchassés. Les opposants politiques trainés devant les tribunaux ont rarement pu bénéficier de procès équitables.
En réalité, l’héritier du trône d’Autriche-Hongrie a soutenu une politique assez contradictoire qui a sans doute précipité sa fin tragique. D’un côté, il a voulu éteindre toute velléité d’indépendance des slaves du sud en ayant le projet d’associer plus étroitement la Bosnie-Herzégovine à la vie politique institutionnelle de l’empire. De l’autre, il a accrédité l’idée, au travers du trialisme institutionnel, que l’élément slave constituait bien une entité distincte et autonome au sein de l’empire. Autrement dit, en voulant donner plus de poids aux slaves de Bosnie-Herzégovine, l’archiduc François-Ferdinand a involontairement conforté les partisans du yougoslavisme.

L’attentat est-il le fait d’un groupe isolé de nationalistes serbes ou bien le résultat d’un complot d’Etat fomenté par le Royaume de Serbie ?

L’archiduc et sa femme ont été assassinés à coups de revolver par le jeune Gavrilo Princip qui n’a pas agi seul. Ce dernier était accompagné de quatre complices : Muhamed Mehmedbašić,Vaso CubrilovicVeljko CabrinovicCvjetko Popovic. Tous sont originaires de Bosnie-Herzégovine. Sur les cinq comparses, quatre sont orthodoxes et un seul est musulman (Mehmedbašić). Tous sont affiliés au mouvement nationaliste Jeune Bosnie qui prône la fondation d’un Etat regroupant tous les slaves du sud : la YougoslavieJeune Bosnie est composée principalement de deux organisations secrètes : La Main Noire créée en 1901 etNarodna constituée en 1908.
Princip et ses comparses ont-ils agi seuls ou bien sur ordre de la Serbie voisine ? Il est difficile de répondre avec certitude. Cependant il semble que tous ou presque ont effectué des séjours prolongés à Belgrade. Princip était d’ailleurs persona non grata en Bosnie et y était entré clandestinement peu de temps avant la venue de l’archiduc.
On n’ose croire cependant que la Serbie ait été directement ou indirectement associée au projet meurtrier de Princip et de ses acolytes. On n’ose croire davantage que le pouvoir civil serbe, le premier ministre Nikola Pašić en tête, ait pu être au courant d’une telle entreprise.

L’Autriche-Hongrie et la Serbie doivent s’entendre pour éviter une nouvelle déstabilisation de la péninsule balkanique

Il va donc falloir maintenant que les autorités austro-hongroises et serbes se montrent responsables et s’entendent très rapidement pour éviter l’escalade verbale et militaire. Il est nécessaire qu’elles parviennent à apaiser la situation tendue qui règne en Bosnie-Herzégovine. En effet, ce conflit local ne doit absolument pas se généraliser à cause des alliances militaires que chaque protagoniste a conclu avec les grandes puissances.  Ce qui s’est donc passé à Sarajevo est d’une extrême gravité pour le maintien de la paix en Europe.

Suite à l’attentat, des manifestations et des actes de violence contre les Serbes ont eu lieu dans la capitale bosniaque. Des milliers de manifestants, croates et musulmans, ont hurlé : « Mort aux assassins serbes ! » De nombreuses vitres de maisons serbes ont été brisées. La loi martiale a été rapidement proclamée à Sarajevo au son du tambour et par voie d’affiches. Toutes les communications téléphoniques avec la Bosnie-Herzégovine ont été coupées. Les journaux locaux ont tous été saisis. Le ville de Sarajevo est désormais coupée du monde.
A Paris, Jean Jaurès est très inquiet. Il est conscient des possibles répercussions de cet événement en Europe qu’il cantonne, pour l’instant, aux seuls Balkans. Sans arbitrage international, sans droit public européen, sans une action énergique et concertée des Etats pour empêcher l’escalade, Jaurès craint que la situation ne dégénère. Il prépare un article sur les violences déchaînées en Europe centrale et orientale pour l’édition du 30 juin de L’Humanité :
« Mais où sera la force de la sagesse ? Depuis des années, il n’y a plus de droit public européen ; et on peut dire qu’il n’y a pas d’Europe. Or, sans l’action morale d’une conscience européenne très forte, tous les problèmes de l’Orient européen sont insolubles (…) Si l’Europe tout entière ne révolutionne pas sa pensée et ses méthodes, si elle ne comprend pas que la force vraie des Etats n’est plus maintenant dans l’orgueil de la conquête et la brutalité de l’oppression, mais dans le respect de la liberté et du droit, dans le souci de la justice et de la paix, l’Orient de l’Europe restera un abattoir où au sang du bétail se mêlera le sang des bouchers, sans que rien d’utile ou de grand germe de tout ce sang répandu et confondu. »

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