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jeudi 31 juillet 2014

HISTOIRE et MEMOIRE : 31 juillet 1914 : ce soir, on dîne avec Jaurès…

HISTOIRE et MEMOIRE

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Il y a un siècle


31 juillet 1914 : ce soir, on dîne avec Jaurès…

Tout s'accélère et malheureusement pas en bien. De l’Elysée, nous suivons avec  effarement la succession des mauvaises nouvelles : mobilisation autrichienne, bombardement de Belgrade et début d’offensive terrestre à son encontre, probable mobilisation russe ( ces cachottiers de Saint-Pétersbourg n'ont toujours rien annoncé officiellement à notre ambassadeur Maurice Paléologue ), ultimatum du chancelier allemand Bethmann contre nous...
J'assiste à la rencontre au Quai avec Von Schoen, l'ambassadeur allemand, qui nous demande une stricte neutralité en cas de guerre entre la Russie et l’empire allemand. Là où nous nous étranglons, c'est quand il assortit son ultimatum de la remise des places fortes de Toul et de Verdun...  « en Kareuntie, s’il fou plaît » dit-il avec son accent teuton bien reconnaissable. Poincaré éructe : « c'est inacceptable ! Berlin se moque de nous ! »
Pendant ce temps, Joffre ne cesse de m'appeler pour obtenir le feu vert pour la mobilisation générale : « Si nous ne réagissons pas tout de suite, les Allemands seront plus prompts que nous et une partie du territoire national sera irrémédiablement envahi, sans combat. »
Nous mettons alors au point notre discours à la population que nous ne souhaitons pas affoler plus qu'elle n'est déjà : « Mobiliser, c'est la seule façon de préserver la paix mais en gardant notre honneur ! » Voilà ce que nous disons aux journalistes pour leur édition du lendemain matin.
Tous les cheminots ont été rappelés et les trains sont d’ores et déjà réquisitionnés pour le futur transport des troupes vers les frontières, comme le prévoit le plan XVII.
Pendant ce temps, le ministre des affaires étrangères britannique Grey s'évertue encore à proposer une conférence des puissances européennes pour régler les différents en cours. Personne ne croit plus vraiment à cette solution qui était pourtant crédible il y a deux jours.
Tout le monde se fait à l'idée de la guerre. Le moral de l'armée est bon, notre armée d'active, grâce à la loi des trois ans, dépasse les 750 000 hommes sous les drapeaux. Elle demeure donc prête à en découdre rapidement. Joffre nous rappelle que les grandes manœuvres de 1912 et 1913 se sont bien déroulées et incite donc à l'optimisme sur notre  capacité de résistance à l'invasion et nos chances de porter le conflit jusque sur les terres ennemies.
J'envoie un pneumatique à Jaurès pour lui proposer que l'on dîne ensemble ce soir. Je sais qu'il s'est emporté contre le sous-secrétaire d'état  Abel Ferry qui l’a reçu dans l'après-midi. Il accuse le gouvernement de n'avoir rien fait pour empêcher les Russes de répondre à la surenchère autrichienne, alors que Viviani lui avait laisse entendre le contraire avant hier. Autrement dit, nous ne savons pas « tenir » notre allié russe et nous mettons ainsi en danger la paix. Bref, par notre inaction, notre passivité coupable, nous trompons l'opinion publique sur notre désir réel d’éviter la guerre.
Jaurès me répond qu'il mange avec des proches quand il aura avancé pour son article vengeur du lendemain qu'il rédige dans les locaux même de l’Humanité. Il pense faire une pause vers 9 heures du soir et aller au Coq d’Or ou plus probablement au café du Croissant (aussi près et plus calme).
Je demande de ce pas à un cycliste de la préfecture de prévenir ma femme de nous rejoindre, en lui précisant d'emmener une photographie des enfants, pour la montrer au grand homme que nous admirons tant, elle et moi.
À suivre...
Palais de l'Elysee
Poincaré éructe dans le palais de l'Elysée : " Berlin se moque de nous ! "

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