http://ilyaunsiecle.blog.lemonde.fr
Il y a un siècle
28 juillet 1914 : Joffre marque son territoire
Les deux hommes n'ont quasiment aucun point commun mis à part d'avoir un nom commençant par la même initiale – J – et contenant le même nombre lettre : 6.
Je veux parler de Joffre et Jaurès,
Ce matin, j'ai rencontré le premier et je m'apprête à recevoir bientôt le second.
L'heure est grave. Dans la nuit, l’Autriche a mobilisé huit corps d'armée puis déclaré la guerre à la la Serbie. Belgrade est bombardée et sera sans doute prochainement envahie par les troupes du vieil empereur François-Joseph.
Notre chef d'état-major des armées, Joffre, n’est pas surpris : « la question n'était pas de savoir si nous allions avoir une guerre mais quand elle éclaterait…Depuis le temps que toutes les conditions étaient réunies pour qu'un conflit éclate ! » Il sert le poing et ajoute cette fameuse phrase qu’il prononce souvent depuis 1912 : « la guerre, nous l'aurons, je la ferai, je la gagnerai » Je lui réponds qu'il a du mérite d'avoir vu juste depuis deux ans. Il s'écrie alors : « Mais que croyez-vous ? Les Allemands ont peur, les Russes ont la frousse, les Autrichiens ont la pétoche... Chacun est persuadé qu'il doit prendre les devants pour gagner une guerre qu'il imagine courte. Après l'attaque généralisée contre la Serbie, ce serait une illusion d’enfant que de s'imaginer que la Russie – qui se sait lente – ne mobilisera pas ! Vous devriez interroger notre ambassadeur à Saint-Petersbourg, Maurice Paléologue. Je suis sûr qu'il confirmera mes dires. »
Mais ce n'est pas pour cela que Joffre a demandé à me rencontrer. Il souhaite, ni plus ni moins, se plaindre de son ministre, M. Messimy :
« Il n'est pas normal que l'ordre de rappel de tous les officiers permissionnaires ait émané de lui ! Cette directive relève de la sphère militaire et donc de moi. » J’en conviens et ajoute : « C'est vrai que le ministre aurait dû se contenter d'œuvrer à la mise en alerte des responsables civils comme ceux des postes, des télégraphes ou des chemins de fer et vous laisser la responsabilité du corps des officiers. »
Je sens Joffre rassuré de ce soutien. Il m'informe qu’il vient de faire rentrer toutes les troupes en manœuvre dans leur garnison et qu'une division complète de tirailleurs va être rapatriée du Maroc vers la France ainsi que deux autres divisions venant cette fois-ci d’Algérie. Il ajoute, sobrement : « J'applique le plan XVII », le fameux plan qui encadre la défense de la France en cas de guerre. Il ajoute : « le général Berthelot et tout le troisième bureau de mon état-major organisent d'ores et déjà une éventuelle et future mobilisation dans notre célèbre « salle des Maréchaux ». Si le gouvernement en donne l'ordre, nous devons être prêts. »
Sur mon bureau, je lis, sous ses yeux et à haute voix, les rapports des différents ministres. Je constate que tout se met en place pour un conflit que l’Administration essaie d'anticiper : le service des télégraphes vient d'être mis en alerte vingt-quatre heures sur vingt-quatre et les responsables des postes doivent assurer, sur toutes les zones frontalières, une permanence de nuit. Les douaniers sont quant à eux aussi mobilisés, ainsi que les gardes forestiers, pour surveiller nos lignes.
Joffre me quitte. Après avoir fait brièvement claqué ses talons, il me tend une main que je trouve chaleureuse.
Je me fais monter un repas froid et je me prépare, mentalement, à ma prochaine rencontre avec Jaurès.
A suivre...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire