POLITIQUE - "Guerre des chefs", "délitement", "UMPopcorn"... En novembre 2012, on ne manquait pas de qualificatifs au Parti socialiste pour railler la crise interne qui sévissait alors à l'UMP, coupée en deux par l'élection catastrophique de son président. Mais ça c'était avant.
Mardi 27 mai, difficile de trouver un cadre ou un élu de la majorité pour commenter la démission de Jean-François Copé ou les rebondissements ubuesques de l'affaire Bygmalion. A Bruxelles pour le conseil européen, François Hollande a peine effleuré l'affaire lors du point presse se déroulant dans la nuit de mardi à mercredi: "Quand il y a une extrême droite qui peut tout se permettre, toute faiblesse devient une faute", a-t-il déclaré à l'issue du sommet, parlant implicitement de l'affaire Bygmalion.
"Si tous les partis ne sont pas intraitables par rapport à ces questions là, c'est la démocratie qui peut s'en trouver affectée, infectée même", a-t-il simplement ajouté. Rien de plus. Et la consigne donnée par le chef de l'Etat de ne pas faire son miel des déboires de l'UMP a été respectée par sa majorité.
Il faut dire qu'entre les deux saisons de l'UMPocalypse, le PS a dû encaisser les affaires Cahuzac et Morelle, puis deux déroutes électorales majeures qui l'ont placé à chaque fois derrière le parti de Nicolas Sarkozy.
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La crise couve aussi au Parti socialiste
Difficiles dans ces conditions de venir donner des leçons de morale. D'autant que la gauche a déjà ses ses propres soucis. "J'ai suffisamment à faire avec le PS si vous le voulez bien", tempête son premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis. Le coup de tonnerre des élections européennes a en effet exacerbé les mécontentements au sein du Parti socialiste.
Tandis que ce matin les cadres de l'UMP réglaient leurs comptes dans une salle de l'Assemblée, Manuel Valls assistait à une réunion du groupe socialiste dans une ambiance glaciale. "Un silence de mort" a accueilli la fin de l'intervention du premier ministre, dont la ligne politique est désormais ouvertement contestée par une centaine de députés venus de l'aile gauche du parti ou de l'entourage de Martine Aubry.
Résultat des courses: pas ou peu de tweets moqueurs, à peine quelques communiqués de presse. A l'Elysée, sans surprise, motus et bouche cousue. La déflagration de la démission de Jean-François Copé n'a même pas fait l'objet d'une allusion lors de la séance des Questions au gouvernement ce mardi à l'Assemblée. Un rendez-vous hebdomadaire où ministres et députés de l'opposition ne se font pourtant pas de cadeaux.
"Le ton qui est le mien, c'est de ne donner aucune leçon à ceux qui siègent ici, dans la majorité ou dans l'opposition, parce que je considère que la situation est grave", a sobrement évoqué Manuel Valls devant les parlementaires.
L'enquête judiciaire en cours (des perquisitions ont été menées toute la nuit au siège du parti conservateur) est un prétexte tout trouvé pour botter en touche. "C'est le problème de l'UMP" et "s'il y a des faits qui relèvent de la justice, que la justice fasse son travail", a esquivé le président de l'Assemblée Claude Bartolone.
Eviter d'alimenter le "tous pourris"
Intervenant juste après les aveux de Jérôme Lavrilleux, ce lundi sur BFMTV, le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis a résumé l'état d'esprit qui prévaut à gauche: "L'UMP est confrontée à des affaires, nous nous sommes aux affaires. Il y a eu des affaires au PS, je ne pense pas qu'il soit raisonnable et responsable d'en rajouter dans la polémique".
Visiblement, des consignes ont été données pour ne pas en rajouter et accréditer la thèse du "tous pourris" sur laquelle surfe allègrement Marine Le Pen. "Je ne ferai pas de commentaire parce que tout ça me désespère. Jour après jour, on découvre des scandales d'importances diverses mais qui continuent à décrédibiliser la politique et de faire en sorte que le rejet massif, au lieu de s'atténuer, continue à s'aggraver", se désole le patron des communistes André Chassaigne.
Les rares qui acceptent de s'exprimer le font d'ailleurs en mode mineur. "C'est un coup terrible pour la République et les institutions. Je ne pense pas que ça profite aux partis républicains", a déploré la porte-parole des députés socialistes Annick Lepetit, qui n'a pu s'empêcher de dénoncer le règne de "la loi de l'argent et des fausses factures" au parti conservateur.
S'il reconnait que l'affaire est un "séisme", le député Carlos da Silva, proche de Manuel Valls, refuse pour autant d'en "faire un objet politique. Au contraire. Parce que tout cela ne peut qu'alimenter la méfiance, la défiance, dont les seuls bénéficiaires sont l'abstention et les populistes".....