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mercredi 14 novembre 2018

A Gaza, grandes manœuvres pour un cessez-le feu - 27.10.2018

A Gaza, grandes manœuvres pour un cessez-le feu
Un Palestinien se protège des gaz lacry-mogènes tirés par l’armée israélienne, près de Beit Lahiya, le 22 octobre. KHALIL HAMRA/AP
Les négociations entre le Hamas et Israël irritent l’Autorité palestinienne
GAZA - envoyé spécial
On s’agite autour du grand malade qu’est Gaza. Tandis que le rituel des manifestations frontalières se poursuit, un frisson d’optimisme parcourt les dirigeants du Hamas au sujet d’un cessez-le-feu avec Israël, sous l’égide de l’Egypte. Les échanges se sont intensifiés ces derniers jours. Confronté à la détresse de la population, le Hamas est impatient de revendiquer un ersatz de progrès. Mais ni Israël ni le président Mahmoud Abbas ne lui feront de cadeau.
« On est très près de s’entendre, prétend Ghazi Hamad, haut responsable du mouvement pour les relations internationales. Les Egyptiens pourraient formaliser un document, avec un calendrier précis, sur un ou deux ans. Il est difficile de garantir ici une stabilité à plus long terme. »L’Egypte a demandé au Hamas de réduire l’intensité des manifestations et des attaques frontalières en marge de ces rassemblements. C’est fait, en partie. Mais tout se joue sur un fil.
A Gaza, les bonnes nouvelles sont des interludes entre deux mauvaises. Le 9 octobre, en coordination avec l’ONU, le Qatar a débuté des livraisons de fioul vers la seule centrale électrique, pour un montant total de 60 millions de dollars. L’urgence a prévalu sur la bienséance, à la fureur de l’Autorité palestinienne (AP), contournée. Las. En raison de nouvelles violences, le gouvernement israélien a bloqué les livraisons, jusqu’à leur reprise le 24 octobre.
Ce même jour, une délégation des services de sécurité égyptiens a été reçue par la direction du Hamas. Il s’agissait d’avancer sur les modalités d’un cessez-le-feu avec Israël, que l’AP bloque depuis la fin août, redoutant d’être marginalisée. L’accord permettrait de faciliter la circulation des biens et des personnes par le terminal israélien d’Erez, et prévoirait des avancées dans le secteur énergétique ou celui de l’eau. Le Qatar, encore, assumerait le coût des salaires pour une partie des fonctionnaires. Le 10 octobre, l’émirat a annoncé une aide totale de 130 millions d’euros, qui transitera par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

Dissolution du Conseil

Dans l’immédiat, les regards se tournent vers l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), dont le conseil central se réunira les 28 et 29 octobre. Il doit notamment tirer les conséquences de l’impasse de la réconciliation entre factions. M. Abbas exige que le Hamas livre entièrement le territoire palestinien à l’AP, ou bien assume seul sa gestion. Il pourrait obtenir la dissolution du Conseil législatif palestinien (PLC), où le Hamas avait obtenu la majorité en 2006, mais qui ne s’est plus réuni depuis onze ans. Le divorce entre les deux territoires palestiniens serait consommé. Sur une artère centrale de Gaza, un panneau a fait son apparition. On y voit un Abbas aux traits menaçants, le visage taché de sang. « Celui qui nous punit ne nous représente pas », est-il écrit.
L’AP a même envisagé de geler les fonds versés à Gaza, soit 96 millions de dollars par mois. « Elle oublie de dire combien elle collecte ici : 120 millions, souligne Ghazi Hamad, du Hamas. Abbas sera le grand perdant s’il fait ça. » Les messages d’alerte de l’étranger ont été clairs. Le « raïs » est invité à éviter cette escalade, après avoir déjà amputé les salaires des fonctionnaires de moitié depuis dix-huit mois. Selon une source diplomatique, il pourrait réduire les frais opérationnels des ministères, sans toucher aux feuilles de paie.
A la frontière, les escarmouches se poursuivent. Dans la nuit du 24 au 25 octobre, l’armée a visé huit cibles attribuées au Hamas, en réponse au tir d’une roquette. Un autre tir récent sur la ville de Beer-Sheva, le 17 octobre, aurait pu virer au drame si une mère de famille n’avait mis ses enfants à l’abri lorsque le projectile est tombé sur leur maison. Mais ce tir isolé, non revendiqué, reste une exception. « Les rassemblements continueront tant que le blocus sur Gaza existera, mais le Hamas va resserrer la sécurité, selon Ahmad Ioussef, figure modérée du Hamas. Il faudra convaincre les jeunes. Ils savent être disciplinés, même s’ils agissent de leur propre gré. »
L’« Unité pneu » est facilement repérable au bord d’une artère fréquentée, dans le camp de Nuseirat. Des dizaines de pneus sont empilés sur le trottoir. Un groupe de jeunes hommes veille sur leur butin. Deux matelas jetés à terre accueillent l’équipe de nuit. Le vendredi après-midi, une camionnette déglinguée amène les pneus vers le point de rassemblement à l’est de Bourej. Ils sont alors brûlés pour obscurcir la vue des snipers israéliens.

Aucune affiliation revendiquée

Une dizaine de membres de l’Unité pneu se pressent autour de nous. Certains ont fini des études, qui ne mènent nulle part. Aucun n’a de travail. Ils ne revendiquent aucune affiliation à une faction, mais le groupe compte des membres du Jihad islamique. Haïdera, 27 ans, est leur porte-parole. Il ne donne pas son nom par crainte de représailles israéliennes. A ses côtés, l’un de ses camarades tient un portable du bout des doigts, comme une preuve sur une scène de crime : « Tiens, regarde, ce sont nos seules armes ! » L’armée israélienne, elle, signale presque chaque jour des engins explosifs artisanaux à la clôture. « Si on voit des gens tirer par balles sur les Israéliens ou lancer des engins explosifs, on les arrête, assure Ayman Al-Batniji, le porte-parole de la police à Gaza. On en a pris comme ça six ou sept. Mais pas ceux qui découpent la clôture. Sinon, on serait traités de collabos. »
Les membres de l’Unité pneu, eux, se délectent en regardant en boucle les montages vidéo consacrés à leur travail. Camionnette, pneus brûlés, fumée noire, « martyrs » portés à bout de bras, musique entêtante. Ils ont le sentiment de participer à une œuvre de bien public, malgré le coût humain exorbitant, les quelque 180 morts et 5 000 blessés par balles.
Lorsqu’on demande à Haïdera si l’Unité arrêtera ses activités, à la demande éventuelle des factions, il dit : « Si un cessez-le-feu atteint nos objectifs, on soutiendra leur décision. » Mais tout est lent, infiniment lent à Gaza. On a souvent l’impression de tourner en rond dans une impasse.

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