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mercredi 14 novembre 2018

Le Parlement européen distingue Oleg Sentsov - le 27.10.2018



Le Parlement européen distingue Oleg Sentsov
Les eurodéputés demandent la « libération immédiate » du cinéaste ukrainien détenu en Russie
MOSCOU - correspondante
Deux prisonniers, deux camouflets. Réuni en session plénière à Strasbourg, jeudi 25 octobre, le Parlement européen a décerné le prix Sakharov, destiné à promouvoir une personnalité ou une organisation dans le domaine des droits de l’homme, au cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, incarcéré en Russie. Trois semaines plus tôt, le 8 octobre, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) avait attribué le prix Vaclav-Havel, sur le même thème, à Oïoub Titiev.
En détention préventive depuis janvier, le représentant de l’ONG russe Memorial à Grozny, en Tchétchénie, fait face à une accusation de « trafic de stupéfiants » qu’il réfute. L’APCE a retenu le « courageux combat » de cet homme de 60 ans, repris après l’assassinat en 2009 de sa prédécesseure Natalia Estemirova, pour dénoncer les abus commis dans cette région du Caucase russe par son impitoyable dirigeant, Ramzan Kadyrov. Dans les deux cas, l’Europe a voulu dénoncer la violation des droits humains en Russie et reconnaître la situation de ces « prisonniers politiques ».
« Par son courage et sa détermination, en mettant sa vie en danger, le cinéaste Oleg Sentsov est devenu un symbole de la lutte pour la libération des prisonniers politiques détenus en Russie et dans le monde », a déclaré jeudi Antonio Tajani, président du Parlement européen, à Strasbourg. « En lui décernant le prix Sakharov, le Parlement européen exprime sa solidarité avec lui et sa cause, a-t-il poursuivi. Nous demandons sa libération immédiate ». L’APCE avait affiché une même fermeté. « Nous sommes pleinement conscients des difficultés auxquelles M. Titiev et ses collaborateurs doivent faire face. Ce prix est une manifestation de reconnaissance par rapport au travail que lui-même et Memorial mènent », soulignait début octobre sa présidente, Liliane Maury Pasquier.

Grève de la faim

En Tchétchénie, Oïoub Titiev encourt jusqu’à dix ans de prison. Oleg Sentsov, lui, est déjà derrière les barreaux dans le grand nord sibérien. Né en Crimée, opposé à l’annexion de la péninsule ukrainienne par la Russie, il avait été condamné en août 2015 à vingt ans de réclusion pour « terrorisme » et « trafic d’armes » à l’issue d’un procès qualifié de parodie de justice par des ONG internationales. Reconnu coupable d’avoir « participé » aux mêmes faits reprochés – tentative d’incendie d’un local de parti et projet de détruire une statue de Lénine – un autre Ukrainien, Alexandre Koltchenko avait été condamné en même temps à dix ans d’emprisonnement.
Le 14 mai, Oleg Sentsov a débuté une grève de la faim pour réclamer la libération de « tous les prisonniers politiques ukrainiens en Russie », dont le nombre est évalué à près de 70 « illégalement arrêtés » selon le Parlement de l’UE. Ce père de famille de 42 ans a tenu 145 jours, moyennant de faibles doses de substituts alimentaires, avant d’arrêter son mouvement le 6 octobre, de peur d’être nourri de force. Alors que sa santé vacillait, tous les appels en sa faveur avaient jusqu’ici échoué. Ni la mobilisation de personnalités dans le monde entier, ni les interventions de chefs d’Etat, dont celle d’Emmanuel Macron, ni la lettre poignante de la mère d’Oleg Sentsov n’ont ébranlé Vladimir Poutine. Le chef du Kremlin est resté inflexible.
Jeudi soir, les réactions à Moscou n’ont pas dérogé à cette ligne. « Je ne vois aucun mérite de Sentsov dans le domaine des droits de l’homme. Le fait qu’il ait été choisi (…) relève de la politicaillerie », a affirmé Alexandre Brod, membre du Conseil des droits de l’homme rattaché au Kremlin. « La seule chose que je puisse dire c’est que cette décision est complètement politisée », abondait Maria Zakharova, porte-parole du ministère des affaires étrangères russe. « Un choix grossier », a complété Piotr Tolstoï, vice-président de la Douma, la Chambre basse du Parlement russe, pour qui « attribuer un prix à une personne reconnue coupable de terrorisme est la dernière étape d’un mépris pour les normes et les lois ».

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