Translate

vendredi 30 novembre 2018

HISTOIRE et MÉMOIRE - La Grande Guerre dans un petit carnet - le 5.11.2018

HISTOIRE et MÉMOIRE


https://c.ledauphine.com

La Grande Guerre dans un petit carnet


Les Voironnais Bruno et Béatrice Dugas-Viallis, petite-fille de Charles Samaran, conservent précieusement le carnet, retrouvé il y a tout juste 18 ans, lors d’un déménagement.  Photos B.D.
Les Voironnais Bruno et Béatrice Dugas-Viallis, petite-fille de Charles Samaran, conservent précieusement le carnet, retrouvé il y a tout juste 18 ans, lors d’un déménagement. Photos B.D.

Depuis 2016, François Rose du groupe À portée de voix propose, avec d’autres bénévoles, une lecture publique d’extraits du carnet de ce Poilu au parcours atypique.
Depuis 2016, François Rose du groupe À portée de voix propose, avec d’autres bénévoles, une lecture publique d’extraits du carnet de ce Poilu au parcours atypique.


C’est un petit carnet aux feuilles jaunies, ayant perdu sa reliure, où sont consignés, d’une écriture serrée et soignée, les notes et souvenirs de Charles Samaran, entre 1914 et 1918. Ce “trésor” intime a été découvert lors du déménagement de l’appartement parisien de cet ancien Poilu, au destin hors du commun, qui a vécu centenaire (lire par ailleurs).
Nous sommes en 2000 précisément, 18 ans après son décès : la famille décide de vider les lieux. « Le carnet était rangé dans une vieille enveloppe froissée, sur une étagère. On l’a tout de suite mis de côté, racontent les Voironnais Bruno Dugas-Viallis et sa femme Béatrice, qui n’est autre que la petite-fille du défunt. Nous n’avions pas connaissance de l’existence de ce carnet intime que Charles Samaran destinait à sa femme et ses filles. Il n’a jamais parlé de la guerre avec nous. On l’a lu, mais on ne savait pas trop ce qu’on pouvait en faire. » La famille le laisse un temps de côté, jusqu’à ce que François Rose, une connaissance du couple, évoque l’idée d’en lire des extraits, dans le cadre du centenaire de la Grande Guerre.

Un regard atypique sur la guerre

Membre du groupe de lecteurs À portée de voix, le Voironnais est saisi par l’originalité de ce témoignage : « C’est admirablement bien écrit. Charles Samaran est un intellectuel qui porte un regard différent sur la guerre, tantôt critique ou poétique, bien loin des lettres, souvent dramatiques, des Poilus ». Plutôt que de parler du front, « il préférait faire des descriptions bucoliques de l’arrière », note le Voironnais.
Vingt et un extraits du carnet ont ainsi été sélectionnés par le groupe de lecteurs, entrecoupés de chants de l’époque, parfois accompagnés d’un accordéoniste. Une première lecture a été soumise à la famille, en décembre 2016. « J’ai pleuré », reconnaît Béatrice, alors entourée de ses enfants et petits-enfants.
Depuis cette date, le groupe À portée de voix a déjà organisé 16 lectures publiques, en Isère et jusque dans le Gers, région d’origine du Poilu, à la demande de municipalités, d’associations et d’établissements scolaires. Trois autres dates sont programmées d’ici le 11 novembre. « On ne s’attendait pas à ce que ce carnet intéresse tant de gens, souligne sa petite-fille. À titre personnel, ça m’a guéri. Cette forme de transmission était la meilleure solution. »

LA PHRASE

Quoi de plus déchirant pour ceux dont l’idéal était la fraternité et la paix entre les hommes […] que de voir s’élever tout à coup à l’horizon le nuage le plus opaque d’incompréhension et de haine qui ait jamais obscurci et pour ainsi dire écrasé le monde !
Charles Samaran auteur du carnet.


Cette photo a été prise en 1916, dans les tranchées, au nord du camp de Châlons, près de la route de Reims.  Photo DR
Cette photo a été prise en 1916, dans les tranchées, au nord du camp de Châlons, près de la route de Reims. Photo DR
LE DESTIN HORS DU COMMUN DE CHARLES SAMARAN


Charles Samaran fut directeur général des Archives de France, de 1941 à 1948. À plus de 100 ans, cet intellectuel, auteur de nombreuses publications, a été l’invité de Jacques Chancel, dans l’émission “Radioscopie”. Photo DR
Charles Samaran fut directeur général des Archives de France, de 1941 à 1948. À plus de 100 ans, cet intellectuel, auteur de nombreuses publications, a été l’invité de Jacques Chancel, dans l’émission “Radioscopie”. Photo DR

Charles Samaran qui a vécu jusqu’à 102 ans a un parcours hors du commun. Né dans le Gers en 1879, ce fils de viticulteur échappe à un destin tout tracé, en raison du phylloxera qui décime les vignes. Il est envoyé à Paris pour faire des études : l’école des Chartes et l’école française de Rome. Cet archiviste est aussi paléographe (spécialiste des anciennes écritures). Il épouse Marie-Camille née Taffanel, filleule du compositeur Camille Saint-Saëns, avec laquelle il aura trois filles.
Il est élu à l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1941 et nommé directeur général des Archives de France, la même année. Il est professeur à l’école des Chartes (1964) et directeur d’études à l’École pratique des hautes études.
Il a traversé une grande partie du XXe  siècle, marqué par les deux guerres mondiales. Pour la première, il est mobilisé, alors même qu’il est âgé de 35 ans et déjà père de deux enfants. Pour la seconde, il organise la mise à l’abri des archives nationales. Parmi ses distinctions, figure la Grand-croix de l’ordre national du Mérite.
« Un grand-père extraordinaire »
Il est l’auteur d’un grand nombre de publications savantes. Il a écrit notamment sur Casanova, D’Artagnan, sur ses souvenirs d’enfance, mais « il n’a jamais rien publié sur la guerre », souligne François Rose.
Cet intellectuel a encore été l’invité de Jacques Chancel, dans l’émission “Radioscopie”. « À plus de 100 ans, il avait une élocution incroyable et une grande vivacité d’esprit », relève le Voironnais.
« C’était un grand-père extraordinaire », confirme sa petite-fille. Il s’est éteint en 1982 dans le Gers où il est enterré.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire