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vendredi 30 novembre 2018

Macron mise sur les commémorations de la Grande Guerre pour se relancer - le 5.11.2018

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Macron mise sur les commémorations de la Grande Guerre pour se relancer
 A l’occasion du centenaire de l’armistice de 1918, le président entame, dimanche 4 novembre, un périple de sept jours dans l’est et le nord du pays
 Ce déplacement dans onze départements a été conçu comme une vitrine de sa politique. L’Elysée tente ainsi de renouer le fil avec les Français
 Au plus bas dans les sondages, M. Macron compte multiplier les gestes symboliques pour effacer son image de président des riches ou des villes
 Les cérémonies du 11 novembre rassembleront 70 chefs d’Etat et de gouvernement, dont Angela Merkel et Donald Trump

Emmanuel Macron sur les traces de la Grande Guerre
Emmanuel Macron, lors du défilé du 14-Juillet, à Paris. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/ FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE »
Pour le centenaire de l’armistice de 1918, le président entame dimanche une « itinérance mémorielle » très politique. Lors d’un long déplacement dans le Nord-Est, il essaiera de renouer avec les territoires et les Français
Deux régions, onze départements, dix-sept villes. Emmanuel Macron entame, dimanche 4 novembre à Strasbourg (Bas-Rhin), le plus long déplacement hexagonal depuis son élection à la présidence de la République. Durant une semaine, jusqu’au samedi 10 novembre, le chef de l’Etat va sillonner l’est et le nord de la France, loin de Paris, où il ne rentrera pas même dormir.
Une « itinérance mémorielle » au « format inédit », selon les termes de l’Elysée, destinée à commémorer le centenaire de la première guerre mondiale. Mais aussi, espèrent les stratèges de l’exécutif, à renouer les mille fils perdus avec les Français, qui n’en finissent plus de se détourner du jeune président dans les sondages.
En gestation depuis près d’un an, ce périple emmènera sans surprise le chef de l’Etat sur quelques-uns des lieux emblématiques de la Grande Guerre. Emmanuel Macron se rendra mardi à Verdun (Meuse), où il se recueillera à l’ossuaire de Douaumont et visitera avec des lycéens le village de Fleury-devant-Douaumont, totalement détruit en 1916 et jamais reconstruit depuis. Jeudi, il visitera également l’Anneau de la mémoire de Notre-Dame-de-Lorette (Pas-de-Calais), inauguré en 2014 par François Hollande et où sont inscrits les noms de près de 600 000 soldats morts au cours du conflit, sans distinction de nationalité. Une visite de l’Historial de la Grande Guerre de Péronne (Somme) est aussi prévue vendredi.

Hommage aux sans-grade

Mais le président, qui n’aime rien faire comme tout le monde, a également prévu des détours par des sentiers moins empruntés. Lundi, il s’arrêtera à Morhange (Moselle), lieu en 1914 de l’une des pires défaites françaises de la Grande Guerre, avec jusqu’à 20 000 tués par jour au cours de ce qu’on a appelé la « bataille des Frontières ». « Aucune autorité de l’Etat ne s’y est rendue depuis un sous-préfet en 1964 », vante-t-on à l’Elysée. Mardi, c’est sur la colline des Eparges (Meuse), autre lieu de furieux combats en 1915, que M. Macron s’arrêtera, notamment pour rendre hommage à l’écrivain Maurice Genevoix, l’un de ses auteurs fétiches, qui avait été blessé au cours de la bataille.
Comme ses prédécesseurs, le chef de l’Etat va profiter de ses différents arrêts pour vanter la figure toujours populaire du poilu, dont le dernier survivant, Lazare Ponticelli, fut enterré par Nicolas Sarkozy lors d’un hommage national aux Invalides en 2008. « Il s’agit de donner du sens aux combats des poilus, ouvriers, paysans, artisans, instituteurs, tombés au champ d’honneur, comme on disait à l’époque », souligne-t-on à l’Elysée. Une volonté du président de la République de rendre hommage aux petits, aux sans-grade, qui fait écho à celle d’incarner un visage plus social, après une première année de quinquennat marquée par une politique de l’offre assumée.
Mais pas question pour Emmanuel Macron de se cantonner à du « tourisme mémoriel ». Il a également conçu son périple comme une vitrine à ciel ouvert de sa politique, avec l’objectif affiché de démontrer qu’il n’est pas qu’un « président des riches » ou « des villes ». L’ancien ministre de l’économie se rendra ainsi dans plusieurs entreprises, pour y vanter l’attractivité retrouvée de la France. Lundi, il visitera l’usine en plein développement du chimiste Novasep à Pompey (Meurthe-et-Moselle). Jeudi, le PDG de Renault, Carlos Ghosn, l’accueillera aussi à Maubeuge, où sont assemblées les Kangoo. Selon l’Elysée, des investissements pourraient y être annoncés.
« Le redressement [de la France] sera au cœur de cette itinérance. Ce sera l’occasion de rappeler, de souligner que les territoires traversés, ces villes, ces villages dévastés, ces champs ravagés par les combats, les femmes et les hommes qui vivaient là, leurs enfants, leurs petits-enfants, ont su se redresser, reconstruire », vante l’ex-porte-parole de l’Elysée, Bruno Roger-Petit, devenu conseiller mémoire du chef de l’Etat.

Aucune métropole

Emmanuel Macron pourrait d’ailleurs croiser la route de salariés d’Ascoval, cette aciérie située à Saint-Saulve (Nord) menacée de fermeture. Mercredi 31 octobre, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a annoncé disposer d’un projet de reprise « solide » et « crédible », même s’il doit être encore travaillé. « S’il y a une rencontre, elle sera impromptue », assure néanmoins l’entourage du président.
Désireux de vanter ses réformes, Emmanuel Macron a prévu, mercredi 7 novembre, de délocaliser le conseil des ministres à Charleville-Mézières (Ardennes). Le choix du lieu ne doit rien au hasard. Avec sa centaine de milliers d’habitants, la préfecture qui a vu naître Rimbaud est emblématique de ces villes moyennes frappées par la crise industrielle et que le chef de l’Etat veut mettre au cœur de sa politique. « Ce sera l’occasion de rappeler tous les efforts menés en faveur des territoires, en matière de numérique, de santé et d’éducation », note un conseiller. La visite d’un Ehpad à Rozoy-sur-Serre (Aisne), prévue le même jour, doit permettre d’illustrer ce volontarisme présidentiel.
Autre signe de l’attention portée à la ruralité, alors que les relations entre l’exécutif et les collectivités locales restent ombrageuses, Emmanuel Macron ne se rendra dans aucune métropole, mis à part Strasbourg, au début de son périple.« Un choix délibéré », affirme-t-on à l’Elysée. A chaque étape, M. Macron a au contraire prévu de déjeuner ou de dîner avec les élus locaux, loin des caméras. Pour préparer son « itinérance », il les avait déjà reçus, les 29 et 30 octobre, pour un déjeuner organisé dans la salle des fêtes de l’Elysée.

« Hautement symbolique »

Le premier ministre a été aussi mis à contribution dans cette opération de séduction. Le 11 novembre, Edouard Philippe recevra à Matignon quelque 200 élus, dont une moitié de maires de petites communes marquées par la guerre de 14-18, comme Thiepval (Somme), Pozières (Somme) ou Vrigne-Meuse (Ardennes), pour un déjeuner conçu comme le pendant de celui qu’organisera au même moment Emmanuel Macron à l’Elysée, avec plusieurs dizaines de chefs d’Etat, dont Donald Trump et Vladimir Poutine, venus célébrer la fin de la première guerre mondiale.
Car l’« itinérance mémorielle » sera aussi l’occasion de faire de la diplomatie. Mardi, le chef de l’Etat rendra hommage à Reims (Marne) aux soldats de l’Armée noire, venus depuis les colonies défendre le territoire hexagonal. Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, dont le pays est très impliqué dans la lutte contre le djihadisme, sera présent. « C’est une étape symbolique très importante (…) pour honorer la dette que nous avons à l’égard des troupes coloniales et notamment de la force noire de 17 pays d’Afrique subsaharienne », plaide un conseiller de l’exécutif.
Vendredi, après un déjeuner en tête-à-tête, M. Macron accompagnera également la première ministre britannique, Theresa May, à la nécropole de Thiepval (Somme), où sont enterrés 300 soldats du Commonwealth. Avant de rejoindre le lendemain la chancelière allemande, Angela Merkel, à Rethondes (Oise), là où a été signé l’armistice, le 11 novembre 1918, pour une cérémonie « dans les pas de Helmut Kohl et François Mitterrand en 1984 à Verdun »« C’est le premier déplacement du couple franco-allemand dans la clairière de l’armistice (…) c’est hautement symbolique », explique l’Elysée, où l’on se réjouit de mettre en scène la bonne entente de Paris avec Berlin, malgré les avanies électorales de Mme Merkel.
Enfin, Emmanuel Macron devrait clore son périple par la traditionnelle commémoration du 11-Novembre sous l’Arc de triomphe à Paris. Une cérémonie qui devrait être marquée cette année par la présence de quelque 70 chefs d’Etat et de gouvernement, invités à participer le même jour à un Forum pour la paix à la Grande Halle de la Villette. Conçu par le président de la République comme une sorte de « Davos politique », cet événement, prévu pour se dérouler chaque année à Paris, doit permettre « d’échanger sur la façon de s’organiser collectivement pour promouvoir non seulement une paix durable mais aussi (…) un développement juste, les droits et les libertés démocratiques, un environnement et un climat préservé ». Vaste programme, aurait dit le général de Gaulle.

Clemenceau et Genevoix au Panthéon ?

Désireux de clore le centenaire de la guerre de 14-18 par un « geste national symbolique », Emmanuel Macron réfléchit, selon son entourage, à panthéoniser Georges Clemenceau et le romancier Maurice Genevoix. Président du Conseil de 1917 à 1920, le premier est considéré comme l’homme qui a gagné la guerre, ce qui lui valut le surnom de « Père la Victoire ». Le second fut grièvement blessé lors de la bataille des Eparges (Meuse) en 1915 et raconta son expérience du front dans plusieurs textes regroupés dans Ceux de 14, un ouvrage qui a marqué M. Macron. La nature de l’hommage est encore en réflexion, car les sépultures des deux hommes, pour des raisons familiales et historiques, ne peuvent pas être déplacées. Selon nos informations, M. Macron pourrait annoncer sa décision lors de son passage aux Eparges, mardi 6 novembre.



Une réhabilitation de l’usage des symboles en politique
Le chef de l’Etat puise dans l’imaginaire collectif pour tenter de redonner une grandeur à la fonction présidentielle
Depuis son arrivée à l’Elysée, Emmanuel Macron s’attache, par petites touches, à construire un « univers de symboles ». L’« itinérance mémorielle » à laquelle doit se livrer le chef de l’Etat, pour commémorer le centenaire de la fin de la première guerre mondiale, a également été pensée dans cette optique. « Le premier symbole de cette itinérance, c’est le poilu », avance-t-on à l’Elysée.
Pendant sa campagne, le candidat à la présidence avait déjà théorisé cette figure du « héros du quotidien » qu’il conviendrait, juge-t-il, de réhabiliter. « La République, expliquait-il à Challenges le 16 octobre 2016, s’est aussi structurée grâce à des figures comme celles de l’instituteur, du soignant, du chercheur, dont la valeur et la force symbolique ne sont hélas plus guère célébrées. » La figure du soldat de la première guerre mondiale s’inscrit dans cette volonté du chef de l’Etat de voir les Français se réapproprier leur histoire et de retrouver une mémoire commune.
« Emmanuel Macron s’intéresse beaucoup aux symboles. Il a beaucoup réfléchi à la part d’apparence qu’implique le pouvoir. Ce sera à cet égard très intéressant de regarder cette itinérance mémorielle », juge ainsi l’historien Jean-Noël Jeanneney, qui analyse au regard de l’histoire la rupture qu’a constituée l’élection du jeune président en 2017 (Le Moment Macron, Seuil). « La symbolique répond à un besoin d’incarnation, poursuit-il. Elle permet aussi à ce président qui se veut maître des horloges de s’inscrire dans l’histoire et donc dans la durée. Par ailleurs, elle a quelque chose à voir avec la grandeur du pays. »

Double héritage

A cet égard, la cérémonie du Louvre, le 7 mai 2017, est emblématique. Seul, d’un pas lent, « comme pour saluer la longue durée de la nation », commente Jean-Noël Jeanneney, Emmanuel Macron, qui vient d’être élu président de la République, avance devant l’ancien palais royal, transformé en musée après la Révolution. Dans une scénographie rappelant l’investiture de François Mitterrand, qui avait choisi de se rendre au Panthéon le 21 mai 1981, il traverse la cour Napoléon, avant de prononcer un discours devant la Pyramide de Pei, autre hommage au premier président socialiste de la Ve République.
L’arc de triomphe du Carrousel, qui évoque la victoire d’Austerlitz, n’est pas loin. L’ancien ministère des finances de la rue de Rivoli non plus. C’est là que Valéry Giscard d’Estaing avait appris sa victoire, comme on le voit dans le documentaire de Raymond Depardon 1974, une partie de campagne ; il avait ensuite regardé l’esplanade depuis le promenoir qui la surplombe. En choisissant le Louvre, Emmanuel Macron entend donner à ses premiers pas présidentiels une profondeur historique, au-delà du symbole immédiat.
« La symbolique d’Emmanuel Macron est très liée aux lieux,commente son conseiller Sylvain Fort. Ces lieux que la République a investis et qui ont un sens inné pour les Français, qui ne nécessitent pas d’explication, qui ne sont pas connotés politiquement. » Le Louvre, donc. Mais aussi le Panthéon, où le chef de l’Etat a célébré, dans une mise en scène millimétrée, le 170anniversaire de l’abolition de l’esclavage, le 27 avril, et où il a fait entrer Simone Veil et son mari, le 1er juillet. Un an auparavant, le 26 septembre 2017, le président avait tenu son discours fondateur sur l’Europe à la Sorbonne, là où, un quart de siècle plus tôt, François Mitterrand avait défendu le traité de Maastricht face au souverainiste Philippe Séguin.
« Pour Emmanuel Macron, la République a pris en charge la totalité de l’histoire de France, explique encore Sylvain Fort. Les Ire et IIe Républiques étaient des républiques de rupture.Depuis, nous sommes dans une république de synthèse, et cette synthèse se donne d’abord à lire dans les lieux. »L’utilisation que le président fait du château de Versailles, où il a reçu Vladimir Poutine le 29 mai 2017, puis le prince héritier du Japon, Naruhito, le 12 septembre, est à cet égard symptomatique.
Emmanuel Macron renoue avec une pratique du général de Gaulle, qui avait remis au goût du jour la résidence du Roi-Soleil, où il accueillit aussi bien le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev, en 1960, que le président américain Richard Nixon, en 1969.
Pour le jeune président, familier de la théorie des deux corps du roi, énoncée par l’historien Ernst Kantorowicz, c’est une manière de revendiquer un double héritage, monarchique et républicain. Comme il l’expliquait à Challenges en 2016, Emmanuel Macron « pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort [du roi] », et, au-delà « des moments napoléonien et gaullien (…), la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la vie politique ». Un vide qu’il convient de réinvestir.
Les Invalides, aussi, se prêtent parfaitement à ce besoin d’incarnation. Ce bâtiment que Louis XIV fit construire pour loger les handicapés de ses armées et qui abrite la cathédrale Saint-Louis et le tombeau de Napoléon porte la multiplicité de nos racines. C’est là qu’Emmanuel Macron, à l’instar de ses prédécesseurs, a rendu plusieurs hommages, à Simone Veil, mais aussi au chanteur Charles Aznavour. Ou encore à Arnaud Beltrame, ce gendarme mort pour s’être substitué à une otage dans un attentat terroriste à Trèbes (Aude) en mars. Un héros ordinaire, comme les poilus.

Un duel entre deux ex-« DSK boys » pour la présidence de La République en marche
Les députés de Paris Pierre Person et Stanislas Guerini sont les favoris pour succéder à M. Castaner
C’est une campagne qui se joue en coulisse, dans les couloirs de l’Assemblée et sur la messagerie cryptée Telegram. Une campagne volontairement reléguée au second plan en Macronie, où l’on ne souhaite pas renvoyer l’image d’une course aux postes permanente, après les deux scrutins internes (présidence de l’Assemblée et du groupe majoritaire au Palais-Bourbon), organisés depuis début septembre
Mais la bataille pour la succession de Christophe Castaner, promu au ministère de l’intérieur, à la tête du mouvement La République en marche (LRM) est bel et bien lancée entre les deux favoris, tous deux députés de Paris, Stanislas Guerini et Pierre Person, dans l’optique de l’élection du nouveau délégué général, fixée au 1er décembre. Un duel entre deux personnalités, faute de véritable clivage idéologique.
Les deux jeunes élus sont des soutiens de la première heure du candidat Macron, et leur loyauté envers le chef de l’Etat est totale. L’un et l’autre sont réputés comme de bons organisateurs, à l’aise dans les relations humaines. Anciens « DSK boys », pro-entreprise, ils ont longtemps été classés à la droite de la gauche. Mais ils pâtissent du même point faible : un manque de notoriété auprès du grand public. Au sein du parti présidentiel, certains s’interrogent d’ailleurs sur leur capacité à tenir tête aux autres patrons de partis, tels Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen.
Agé de 36 ans, M. Guerini a rejoint M. Macron dès 2015, avant de faire partie de la petite équipe qui a fondé En marche ! l’année suivante. Son vaste réseau en Macronie est un héritage de ses années passées dans l’ombre de Dominique Strauss-Kahn. Diplômé de HEC, ce chef d’entreprise avait préparé la candidature de l’ancien ministre de l’économie pour la primaire socialiste de 2006, en compagnie de plusieurs figures désormais au cœur du pouvoir macronien, notamment les conseillers de l’Elysée Ismaël Emelien et Cédric O, ou le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux. Des amitiés solides, forgées en Strauss-Kahnie, au sein du QG de l’ex-candidat, situé rue de la Planche à Paris, qui lui permettent, douze ans plus tard, de disposer de puissants soutiens.
Plus jeune, Pierre Person, 29 ans, a lui aussi milité dans les réseaux strauss-kahniens, avant de rejoindre l’actuel chef de l’Etat. Cofondateur, en 2015, du mouvement Les Jeunes avec Macron, l’élu a fait ses classes à l’UNEF et au Mouvement des jeunes socialistes (MJS). Ce membre de la « bande de Poitiers », proche des députés Sacha Houlié (Vienne) et Guillaume Chiche (Deux-Sèvres), ou encore du conseiller de l’Elysée Stéphane Séjourné, a l’avantage de bien connaître la mécanique du mouvement.

« Mains dans le cambouis »

Depuis près d’un an, celui qui se considère comme « un manageur » au sein de LRM a beaucoup œuvré dans l’ombre de M. Castaner, en préparant les prochaines échéances électorales. Plusieurs élus le désignent comme « le mieux placé pour faire tourner la boutique » grâce à sa « connaissance fine » du parti et de ses quelque 120 salariés.« Son atout majeur, c’est d’avoir les mains dans le cambouis depuis un moment », souligne M. Houlié.
Un duel à distance a déjà démarré entre les deux principaux prétendants. La première offensive est venue de M. Guerini, qui a présenté sa candidature le 30 octobre, en revendiquant près de 160 soutiens dans le mouvement, dont une centaine de parlementaires. Parmi eux, figurent des poids lourds du groupe à l’Assemblée, tels le président de la commission des affaires économiques, Roland Lescure, celui de la commission de la défense, Jean-Jacques Bridey, ou la porte-parole, Olivia Grégoire. Une annonce considérée comme « une démonstration de force » dans le camp Guerini, mais perçue chez son rival comme la preuve d’un « retard à rattraper », M. Person étant donné en avance sur le nombre de soutiens dans les comptages internes.
En attendant sa déclaration de candidature, qui devrait intervenir dans les jours à venir, Pierre Person s’active pour gagner cette bataille du nombre de soutiens. Il a jusqu’au 14 novembre, date limite de dépôt des candidatures et des parrainages. Le jeune élu revendique de nombreux appuis chez les référents du mouvement, mais aussi chez les parlementaires, où il rassemble la frange écologiste (Matthieu Orphelin et Barbara Pompili), le pôle social (Brigitte Bourguignon), les « girondins » et des figures comme Cédric Villani. M. Person peut se targuer, en outre, d’être le candidat de la continuité, quasi adoubé par M. Castaner, lors de ses adieux au parti, le 21 octobre.
Conscient du risque d’afficher les divisions internes, le patron par intérim de LRM, Philippe Grangeon, insiste sur le « devoir d’exemplarité » des candidats. Depuis sa désignation à la tête du mouvement, le 19 octobre, ce proche de M. Macron, chargé de veiller à la bonne tenue du scrutin, multiplie les appels à la« vigilance » pour que cette campagne ne vienne pas « abîmer l’image » du parti. Ses mises en garde n’empêchent pas les coups bas et autres manœuvres…
Ces derniers jours, les soutiens de M. Person ont dénoncé des « pressions » de la part de conseillers élyséens et de ministres pour pousser ce dernier à ne pas se présenter. Et pour convaincre certains de ne pas le soutenir. « Il y a beaucoup d’appels et d’envois de SMS » en faveur de M. Guerini, observe un pilier du groupe LRM. De quoi alourdir encore le climat, alors que, dans les deux camps, les couteaux sont tirés. « Person serait bien comme patron du MJS… Mais pour présider le parti présidentiel, c’est délirant ! », assène un partisan de M. Guerini. « Person, au moins, a su rayonner au-delà du périph et de sa commission », rétorque un de ses soutiens.

Une machine en perte de vitesse

Pour l’instant, seul le député des Français de l’étranger, Joachim Son-Forget, entend également participer au scrutin, avec peu de chances d’être désigné. Après avoir marqué leur intérêt pour cette élection, la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, et le député de Paris Sylvain Maillard ont finalement renoncé. La première en raison du potentiel cumul entre son poste au gouvernement et la direction de LRM, alors que la double casquette de M. Castaner avait suscité des critiques. Si leurs noms avaient un temps circulé pour incarner une candidature féminine, les députées Laetitia Avia et Coralie Dubost ont elles aussi jeté l’éponge.
Entre les deux favoris, le vote pourrait être serré. Seule certitude : le prochain patron de LRM aura de nombreux défis à relever pour relancer une machine électorale en perte de vitesse. Il devra notamment renforcer le lien avec les territoires, alors que de nombreux « marcheurs » regrettent un mouvement trop vertical ; mettre le parti en route pour les européennes du 26 mai 2019 et les municipales du printemps 2020. Et, surtout, rendre audible cette jeune organisation, qui peine à se faire entendre face à l’exécutif, depuis le début du quinquennat. « Le mouvement ne doit pas se contenter d’être la dernière roue du carrosse de la Macronie, accrochée à l’Elysée, résume un député LRM. Il doit devenir un moteur autonome. »

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