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dimanche 23 septembre 2018

Subtil équilibre européen au PS


23 septembre 2018

Subtil équilibre européen au PS

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Depuis des décennies, l'Europe est un sujet de discorde, voire de fracture, au sein du Parti socialiste. En  1973, François Mitterrand, peu de temps après être devenu premier secrétaire du PS, met son mandat en jeu, au congrès de Bagnolet, pour imposer une ligne pro-européenne. En  1983, il opère le " tournant de la rigueur ", pour maintenir la France dans le système monétaire européen. En  1992, ce président de la République qui proclamait que " laFrance est notre patrie et l'Europe notre avenir " réveille les querelles au sein du PS en faisant adopter par référendum, gagné de justesse, le traité de Maastricht, qui prévoit la mise en place de l'euro. En mars  1996, Lionel Jospin tord le bras de la Gauche socialiste, -menée par Jean-Luc Mélenchon, en faisant voter par une convention un projet de " fédération d'Etats-nations ". En  2004, François Hollande organise une consultation interne sur le projet de Constitution européenne. Le oui l'emporte, mais plusieurs ténors du PS, dont Laurent Fabius et Jean-Luc Mélenchon, font campagne pour le non, qui sort victorieux du référendum national de 2005.
A la tête d'un parti en miettes, Olivier Faure a eu recours à une plate-forme participative, nourrie par un millier de contributions de militants, pour élaborer un programme en vue des élections européennes de mai  2019. Pour le premier secrétaire du PS, qui peine à asseoir son autorité, l'exercice consistait à -satisfaire son aile droite tout en retenant son aile gauche, animée par Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann, tentée de rejoindre les rangs de La France insoumise. Ce document, qui peut encore être amendé avant d'être soumis au vote des militants, puis ratifié par un conseil national, le 13  octobre, a été adopté, mardi 18  septembre, par le bureau national. Mais sur 73 membres, seuls 38 étaient présents, et il y a eu 8  abstentions, venant de l'aile gauche et de Julien Dray.
Ce texte plaide pour " la construction d'une gauche européenne qui assume une rupture avec les politiques libérales et austéritaires, et construise une alternative progressiste et écologiste ". Au diapason du Parti socialiste européen (PSE), il exclut " toute alliance avec les partis dedroite " et prône " la création d'un intergroupe de l'ensemble des gauches et des écologistes pour mener ensemble des combats communs "" L'Europe a besoin d'un chan-gementradical ", lit-on dans le document. Le PS place au centre de son projet " la lutte -contre les inégalités etla transformation écologique ". Plaidant pour le " juste échange " qui " respecte les droits humains, préserve la santé, la biodiversité et les équilibres écologiques, -élimine le dumping fiscal et social ", il prévient qu'il combattra " tous les traités qui ne répondraient pas à cesobjectifs ", dont le CETA. Il se prononce à la fois pour " une révision des -traités ", un " renforcement de la défense de l'Europe ", un " accord de Paris des migrations ", un " budget de la zone euro ", un " plan d'investissement de 500  milliards d'euros sur cinq ans ". Un ensemble de 17 propositions.
S'agit-il d'une rupture avec la ligne traditionnelle du PS ? Pour les élections européennes de 2014 – où, allié au Parti radical de gauche, il avait obtenu 13,98  % et 13 élus –, le PS, dont Jean-Christophe Cambadélis venait de prendre la direction, avait adopté le programme commun du PSE en vue de porter le social-démocrate allemand Martin Schulz à la tête de la Commission européenne. Intitulé " Choisir notre Europe ", ce texte proclamait haut et fort : " Nous voulons rompre avec dix années d'une politique libérale qui a échoué en Europe. Cette Europe des marchés et de l'aus-térité, nous n'en voulons plus. " Il prônait déjà un smic européen, un budget commun, un " juste échange dans la mondialisation ", une révision des traités et voulait " faire de l'Europe le premier éco-continent de la planète "" Face à la montée des extrémismes ", il affichait sa volonté de " sanctionner les Etats de l'Union européenne qui ne respectent pas la Charte des droits fondamentaux "
"  Lettre au Père Noël "La rupture est en trompe-l'œil. " C'est une lettre au Père Noël ", ironise M. Maurel. Pour le député européen sortant, " il faut savoir comment on parvient, dans un contexte difficile, àarracher des victoires ". Le PS, assène-t-il, doit " fixer des conditions au PSE " afin qu'il ne retombe pas dans des combinaisons inacceptables, alors que " la moitié du groupe du PSE prépare une alliance avec les libéraux et les macronistes ". Au Parlement européen, assure M. Maurel, " on dit que les sociaux-démocrates ne sont pas dangereux, ils grognent, mais, à la fin, ils se couchent toujours ".
Après avoir grogné, l'aile gauche acceptera-t-elle un compromis afin de rester, encore un temps, au PS ? M.  Faure exclut de confier la tête de la liste à M. Maurel – qui ne la revendique pas –, ce qui provoquerait un conflit avec l'aile droite, menée par Stéphane Le Foll, l'ancien ministre de M. Hollande. Il a fait tester par sondage quatre chefs de file : Bernard Cazeneuve, Christiane Taubira, M.  Maurel et lui-même. Dans tous les cas de figure, le PS oscille entre 6  % et 8  %. Conclusion : le choix du numéro un n'est pas déterminant. Un scénario encore à l'étude consisterait à confier la tête de liste à Eric Andrieu. Méconnu, ce député européen sortant, ancien " premier fédéral " de l'Aude, a été dans l'équipe de campagne de Benoît Hamon et est donc acceptable pour la gauche. Autre sortante, Christine Revault d'Allonnes serait en deuxième position et M. Maurel en troisième. Cela suffira-t-il à retenir une aile gauche aujourd'hui -partagée ? En cas de départ, elle créerait un nouveau parti, avec d'anciens chevénementistes, avant de rejoindre, dans un second temps, la famille mélenchoniste.
Michel Noblecourt
© Le Monde

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