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dimanche 30 septembre 2018

La Belgique de plus en plus proche du black-out


29 septembre 2018

La Belgique de plus en plus proche du black-out

Le royaume redoute une pénurie d'électricité d'origine nucléaire au mois de novembre. Le gestionnaire du réseau envisage des coupures

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LES CHIFFRES
7
C'est le nombre de réacteurs
nucléaires gérés par Electrabel, filiale d'Engie, en Belgique
5 000
C'est, en mégawatts (MW), la puissanceque devra trouver la Belgique certains jours de novembre
3
C'est le nombre d'heures
de coupure prévu chaque jour
par le plan de délestage
Trains à l'arrêt, industries au ralenti, soirées à la bougie : la perspective d'un " délestage " du réseau électrique belge en novembre du fait d'une probable pénurie qui forcerait à déconnecter le pays zone par zone durant plusieurs heures n'est plus exclue.
Invraisemblable en apparence, évoqué inutilement en  2014, le scénario a, cette fois, pris de la consistance depuis qu'Elia, la société gestionnaire du réseau à haute tension, a publié, mercredi 26 septembre, un communiqué très inhabituel. " Elia ne voit pas suffisamment de solutions qui pourraient résoudre complètement le problème. (…) Même si les marchés belge et international nous fournissent toute la capacité disponible, nous ne pouvons aujourd'hui exclure d'activer le plan de délestage ", énonçait ce texte.
Il a conclu une journée loufoque, ponctuée par un débat parlementaire convoqué en urgence et diverses apparitions dans les médias de Marie-Christine Marghem, la ministre belge de l'énergie. Elle s'est voulue rassurante ; elle n'a fait que relancer les questions, au point que des éditorialistes réclamaient sa démission, jeudi.
Avec ses sept réacteurs nucléaires gérés par Electrabel, filiale d'Engie, le royaume semblait équipé pour éviter toute pénurie. Problème : du 20 octobre à la fin novembre, six d'entre eux seront à l'arrêt. Dœl 1 et 2, en Flandre, connaissent des problèmes de tuyauterie. Des anomalies sur le béton des cuves – un problème évoqué de longue date et souvent minimisé – doivent être examinées à Dœl 4, ainsi que Tihange 2 et 3, en Wallonie. Quant à Tihange 1, il doit faire l'objet d'une opération de maintenance. Seul Dœl 3 sera donc à même de produire encore de l'électricité…
Contacts " fructueux "Au total, la Belgique devrait donc trouver, d'une manière ou d'une autre, près de 5 000 mégawatts (MW) certains jours de novembre, surtout si une vague de froid survenait. Pour la suite de l'hiver, il manquerait 1 700  MW, car le pays ne dispose pas de réserves.
Mercredi, la ministre, mise sous pression, affirmait avoir trouvé environ 750  MW. Des industriels seraient prêts à réduire leur -consommation, des centrales au gaz pourraient accroître leur rendement, des groupes électrogènes seraient mobilisés… Mme  Marghem assurait par ailleurs avoir pris des contacts " fructueux " avec l'Allemagne, les Pays-Bas et la France en vue de leur acheter de l'électricité si nécessaire. A Paris, on lui a indiqué que le plan hiver était en cours d'élaboration et qu'une réponse définitive ne pouvait lui être apportée. Le commissaire du gouvernement au conseil d'administration d'Engie aurait toutefois été sensibilisé aux problèmes de la Belgique.
Il reste à savoir si les pays voisins disposeront des capacités nécessaires et quelles conséquences ces achats entraîneraient pour les consommateurs. Des experts évoquent une hausse annuelle de 100 à 150 euros pour la facture moyenne des ménages, alors que, selon Eurostat, les tarifs belges sont déjà les plus élevés en Europe, parce que la TVA sur l'énergie a été portée de 6 % à 21 % en  2015.
Au niveau belge, les leviers à la disposition de Mme  Marghem pour éviter un black-out sont peu nombreux. La remise en service des réacteurs Dœl 1, 2 et 4 n'est prévue que pour décembre et devra être approuvée par l'autorité de contrôle. Un report de l'entretien prévu pour Tihange 1 semble improbable. Faute de mieux, un groupe de travail a été mis en place mercredi pour tenter de dégager des solutions durables.
A qui imputer la faute de cette situation très impopulaire à l'approche des élections municipales du 14 octobre, un scrutin aux allures de test pour le gouvernement du libéral Charles Michel ? Marie-Christine  Marghem, membre du parti du premier ministre, rejette la responsabilité sur Electrabel, qu'elle menace d'une action en justice, estimant que l'entreprise a mal anticipé les problèmes du parc nucléaire et la forte hausse des prix qui s'ensuivrait. " Effet d'annonce ", tranche l'association de consommateurs Test-Achats, qui ne croit pas à cette éventualité.
La filiale d'Engie souligne que l'équilibre global du réseau belge ne relève pas de sa responsabilité et que la sécurité de ses centrales doit être sa priorité. D'autant qu'elle a été souvent critiquée pour leur manque d'entretien. Enfin, l'opérateur note que la mise à l'arrêt de ses centrales lui coûtera 600  millions d'euros cette année.
L'épisode, qui pourrait donc se traduire, pour la première fois, par l'application d'un plan délestage élaboré en  2014 – trois  heures de coupure entre 17 et 20 heures, hormis pour les villes de plus de 50 000 habitants, les aéroports, les ports ou les prisons… – est porteur d'une autre leçon : la Belgique n'est visiblement pas prête pour la sortie du nucléaire. Décidée en  2003, puis reportée avant d'être finalement fixée à 2025, elle sera d'ailleurs réexaminée après les législatives de mai  2019.
Jean-Pierre Stroobants
© Le Monde

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