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vendredi 28 septembre 2018

Ces cryptomonnaies qui financent les start-up


28 septembre 2018

Ces cryptomonnaies qui financent les start-up

Les jeunes pousses françaises misent sur l'" initial coin offering ", nouvelle alternative pour lever des fonds

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Casser les barrières, se débarrasser d'encombrants intermédiaires, et lever de l'argent rapidement, tel est le rêve porté par l'initial coin offering (ICO). Derrière cet anglicisme abscons se cache un nouveau mode de financement né directement des cryptomonnaies, et qu'embrassent de nombreuses start-up françaises à l'image de Paymium, une plate-forme d'échanges de cryptomonnaie, Snips, spécialisé dans l'intelligence artificielle, ou Embleema, qui travaille sur les données de santé.
" Apparu l'année dernière, le phénomène est devenu incontournable. Ce n'est pas qu'un mécanisme de financement. C'est aussi une nouvelle politique marketing ", explique Pierre Noizat, le fondateur de Paymium. La jeune pousse, qui permet d'acheter des bitcoins en euros, donne le coup d'envoi à son ICO, jeudi 27  septembre, avec l'ambition de lever 20  millions d'euros. Avec cet argent, Paymium souhaite financer son nouveau projet, Blockchain.io, une deuxième plate-forme d'échanges uniquement consacrée aux cryptomonnaies, où l'on pourra, par exemple, troquer du bitcoin contre de l'ether, une autre monnaie virtuelle. Pierre Noizat regarde avec envie le parcours de Binance, un concurrent lancé par des Chinois il y a un an, et désormais valorisé 1  milliard de dollars (854  millions d'euros).
Un statut ambiguPrincipale différence entre une ICO et une introduction en Bourse classique, le souscripteur ne possède pas un titre de propriété, mais achète un " token " (" jeton ") qui donne accès à un service produit par la société elle-même. Ainsi, le détenteur de tokens achetés sur Blockchain.io bénéficiera jusqu'à 75  % de réduction de frais sur ses opérations de trading. Sur Embleema, qui présentera son projet d'ICO le 10  octobre et dont le service n'est pour le moment disponible qu'aux Etats-Unis, le souscripteur aura la possibilité de commercialiser ses données de santé auprès des laboratoires pharmaceutiques.
Enfin, Snips, qui a développé une technologie de reconnaissance vocale, explique avoir installé au cœur de son modèle ce fameux token. La start-up va créer un magasin d'applications sur le modèle de Google Play ou de l'AppStore. Or, pour avoir le droit de proposer des applications, les développeurs devront détenir des tokens.
" L'ICO n'est adaptée qu'à un nombre très réduit de projets conçus autour du token. Si, sans ce token, le projet fonctionne, ce mode de financement  est inutile ", tranche Clément Jeanneau, de la société de conseil Blockchain Partner. Pas si simple, car toute l'ambiguïté de ce " jeton " réside dans son statut : il ne donne pas de titre de propriété, mais on peut le céder ou en acheter, sur des places de marché consacrées (les " exchange "). Sur ces marchés parallèles de pseudo-sociétés cotées, la spéculation va donc bon train…
Nouveau Far West" L'intérêt pour le Français ou l'Asiatique qui achèteraient notre token est de voir sa valeur s'apprécier ", admet sans ambages, Robert Chu, le patron d'Embleema. Acquérir des tokens s'apparente à effectuer une opération de capital-risque : on mise sur un projet, ses dirigeants… sans garantie. Entre les projets qui ne voient jamais le jour ou les arnaques, les crashs sont nombreux. Dans la santé, le britannique Medicalchain a vu sa valeur chuter de 93  % depuis le début de l'année… et ce n'est pas le seul.
C'est peu de dire que les pouvoirs publics et l'Autorité des marchés financiers ont vu arriver ces opérations avec méfiance. Un début de réglementation a commencé à être acté dans la loi Pacte.
Lancer une ICO en France n'est plus une mince affaire. " C'est le truc le plus dur que j'ai fait dans ma vie ", admet Rand Hindi, le fondateur de Snips, dont le projet d'ICO n'a cessé d'être reporté. Il faut dire que l'importante chute depuis le début de l'année du cours des cryptomonnaies, dans lesquelles sont réalisées ces ICO, ne facilite pas les choses.
Snips, qui souhaitait lever 30  millions d'euros cet été, n'a toujours pas lancé son opération. Il s'est fixé un minimum de 13  millions d'euros d'ici à février  2019, et prépare en parallèle une levée de fonds classique. Officiellement, Robert Chu, d'Embleema, ne vise plus que 2  millions de dollars, alors qu'on le disait viser plutôt les 30  millions. Lui aussi veut en parallèle lever des fonds de manière traditionnelle.
En France, l'étape complexe consiste à trouver une banque capable de collecter les fonds, afin de permettre aux détenteurs de tokens de les transformer en euros. Emblema cherche toujours un établissement financier accueillant, quand Blockchain.io a décidé de s'en passer. Le jour, où le souscripteur souhaite convertir ses tokens en euros, il les transfère sur Paymium, qui, lui, dispose d'un partenaire financier.
" Oui, les ICO sont risquées, bancales, pas pour tout le monde, mais il ne faut pas freiner les acteurs sérieux ", plaide Clément Jeanneau. Ce nouveau Far West n'est pas sans rappeler les débuts de la Bourse, où comme Emile Zola le décrivait dans L'Argent" c'est l'atroce loi des forts, ceux qui mangent pour ne pas être mangés ".
Sandrine Cassini
© Le Monde

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