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dimanche 29 juillet 2018

Ryanair confrontée à des conflits sociaux


27 juillet 2018

Ryanair confrontée à des conflits sociaux

Les mouvements de grève reflètent le malaise qui règne au sein de la compagnie irlandaise à bas coûts

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BŒING PÉNALISÉ PAR LE TANKER KC-46
L'avionneur américain Bœing a annoncé, mercredi 25 juillet, un bénéfice net en hausse de 25,5  %, à 2,2 milliards de dollars (environ 1,88 milliard d'euros), lors de la présentation de ses résultats financiers du deuxième trimestre. Toutefois, la performance du constructeur de Seattle a été amoindrie par une charge financière de 418 millions de dollars liée à la hausse des coûts du programme de son avion ravitailleur KC-46. Le premier exemplaire de cet appareil, qui devait être livré à l'armée américaine en août 2017, ne le sera qu'en octobre, avec plus d'un an de retard.
Cette fois, Ryanair n'est pas parvenue à éviter le conflit. Malgré une négociation de la dernière chance, menée, mardi 24  juillet, sous l'égide des autorités espagnoles, les syndicats d'hôtesses et de stewards établis en Belgique, au Portugal, en Espagne et en Italie ont maintenu leurs appels à deux journées de grève, mercredi  25 et jeudi 26  juillet.
Les personnels de cabine réclament l'intégration des intérimaires au même titre que les salariés. Ils exigent aussi de la compagnie irlandaise à bas coûts qu'elle applique la législation du pays où sont employés ses personnels.
De son côté, Ryanair ne jure que par la réglementation irlandaise, bien moins favorable aux  salariés. Outre les personnels navigants commerciaux (PNC), elle doit aussi affronter une grève de ses pilotes en Irlande, qui réclament des augmentations de salaire. Deux conflits certes distincts, mais qui illustrent un profond malaise social au sein de la compagnie low cost.
En raison de ces deux grèves, la direction de Ryanair a été obligée d'annuler des centaines de vols. Au total, plus de 100 000 passagers ont été affectés. Des coupes claires dans les programmes de vols qui pourraient s'amplifier. En effet, Michael O'Leary, le PDG de la compagnie, s'est montré pessimiste quant à l'avenir." Même si nous maintenons des contacts actifs avec les syndicats de pilotes et de personnels navigants à travers l'Europe, nous nous attendons à de nouvelles grèves au moment du pic de la période estivale ", a-t-il déclaré.
Pour Philippe Evain, président du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) d'Air France, ces mouvements sociaux sont une réalité pour toutes les compagnies. " Les salariés malmenés ces dix dernières années commencent à trouver anormal de ne pas avoir de retour sur investissement ", relève-t-il. De fait, les personnels qui avaient dû accepter nombre de plans sociaux et de blocages des salaires pendant les années de crise réclament à présent d'être payés de leurs efforts.
La conjonction de ces conflits a pesé sur le cours de Bourse de la société. Ainsi, l'action Ryanair a perdu près de 20 % de sa valeur depuis son pic d'août  2017. Un plongeon qui s'est notamment accentué après l'annonce d'une hausse moindre qu'anticipé des tarifs des billets pendant l'été (+ 1 % contre + 4 % attendus). Les marchés financiers ont aussi sanctionné la compagnie de M. O'Leary, dont les comptes sont plombés par l'augmentation simultanée des prix du pétrole et des coûts salariaux.
Début de défiance des marchésPourtant, Ryanair reste une compagnie très rentable. Elle a même dégagé un bénéfice plus important que prévu lors du premier trimestre de son exercice, entre avril et juin. Un résultat net de 309  millions d'euros que lui envieraient beaucoup de ses -concurrentes, même s'il accuse une baisse de 22  % par rapport à 2017.
Ce début de défiance des marchés reflète les limites du modèle Ryanair. Fondée en  1984, la compagnie irlandaise n'est plus la flibustière du transport aérien, la pionnière du low cost en Europe. Au fil du temps, ses salariés ont gagné en ancienneté et leurs rémunérations se sont accrues en conséquence. De même, Ryanair et easyJet ne sont plus seules sur le créneau des compagnies à bas coûts. Ces dernières années, les transporteurs low cost se sont multipliés, ce qui a avivé la concurrence.
Toutes les compagnies régulières sont désormais flanquées d'une filiale à bas coûts, à l'instar de Transavia, qui prospère dans le sillage d'Air France et de KLM. Enfin, la crise financière de 2008 étant terminée, les compagnies recommencent à engranger des bénéfices. Les salariés, eux, ont retrouvé une marge de manœuvre, surtout les pilotes, qui profitent de la pénurie de navigants pour faire jouer la concurrence.
A l'été 2017, plusieurs centaines d'entre eux, mécontents de leurs conditions de travail et de rémunération, ont quitté Ryanair. " Ils en paient le prix. Les salariés partent. Ryanair doit faire face à une fuite de ses personnels ", constate M. Evain. Pour freiner cette hémorragie, Michael O'Leary a dû accepter la création de syndicats. De surcroît, il a été contraint de négocier des augmentations de salaire de 20  % sur cinq ans.
Face à ces mouvements de protestation, la direction de la compagnie a choisi la politique du bâton. Mercredi, elle a annoncé une réduction de 20  % de sa flotte implantée à Dublin (Irlande) à l'occasion de son programme d'hiver. Cette décision pourrait entraîner la suppression de 300 emplois – une centaine de pilotes et environ 200 PNC. Une menace qui n'effraie pas les salariés, qui se disent prêts à aller travailler pour la -concurrence s'ils n'obtiennent pas satisfaction.
Fort de son expérience, Philippe Evain ne croit pas à un durcissement du conflit. " Chez Ryanair, le pragmatisme anglo-saxon devrait normalement jouer. La direction devrait lâcher quelque chose à ses navigants ", subodore le dirigeant syndical. Il n'empêche, même si elle est entrée dans une zone de fortes turbulences, la compagnie a encore de très beaux jours devant elle. Elle prévoit d'enregistrer un bénéfice de 1,25 milliard à 1,35  milliard d'euros en  2018.
Guy Dutheil
© Le Monde

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