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mardi 31 juillet 2018

Affaire Benalla - Le pouvoir contraint à de profonds changements





31 juillet 2018
Affaire Benalla

Le pouvoir contraint à de profonds changements

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Benjamin Griveaux, le porte-parole de la présidence, a déclaré, mercredi 25 juillet, que " des changements profonds " ne s'arrêteront pas " aux portes de l'Elysée ". La présidence va se réorganiser, notamment en matière de sécurité, l'agenda parlementaire va être modifié, les relations avec la majorité repensées. Pour Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos, " cette crise a mis en lumière la faiblesse des ministres ", mais aussi du parti majoritaire.
Pour autant, la République n'est pas menacée, rappelle Georges Kiejman. Pour l'historien Alexis Lévrier, l'affaire pose le problème d'un pouvoir vertical.
page 6 etDébats – page 23
© Le Monde



31 juillet 2018

Macron veut tirer les leçons de la crise

Du gouvernement à l'Assemblée, l'affaire Benalla a révélé des failles dans le système mis en place depuis un an

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BENALLA AUDITIONNÉ PAR LES PARLEMENTAIRES ?
Alexandre Benalla a indiqué au JDD avoir " plutôt envie "d'être auditionné par les parlementaires. Cette hypothèse a peu de chances de se concrétiser à l'Assemblée car la présidente (LRM) de la commission d'enquête, Yaël Braun-Pivet, a déclaré que " toutes les auditions utiles à la recherche de la vérité " ont été conduites. Au Sénat, le président (LR) de la commission d'enquête, Philippe Bas, s'y est opposé au motif qu'elle risquerait " d'empiéter sur le travail de la justice ". Selon un rapport de l'Assemblée, " l'existence de poursuites judiciaires n'est pas un obstacle à la création d'une commission d'enquête, dès lors que se trouvent écartés de son champ d'application ceux des faits qui ont donné lieu à des poursuites ". M.  Benalla pourrait donc témoigner, à condition d'être interrogé sur des faits distincts de ceux pour lesquels il est mis en cause.
Même si le gouvernement devra encore affronter deux motions de censure, mardi 31  juillet, le gros de la crise semble passé pour Emmanuel Macron. Une accalmie qui va laisser un peu de temps aux macronistes pour analyser cette séquence inédite. Car la tempête politique qui a suivi la divulgation de la vidéo d'Alexandre Benalla pose des questions et va sans doute obliger le président de la République à opérer des changements. Entre le mercredi 18 juillet au soir, et le mardi 24 juillet au soir, quand Emmanuel Macron a enfin pris la parole devant ses troupes, la Macronie a tangué au-delà de l'imaginable.
" Toutes les leçons seront tirées à la rentrée ", a affirmé Benjamin Griveaux à la sortie du conseil des ministres, mercredi 25  juillet. " Des changements profonds interviendront " qui ne s'arrêteront " pas aux portes de l'Elysée ", a précisé le porte-parole du gouvernement. Au Palais, à l'Assemblée, ou encore au sein de l'exécutif, des ajustements pourraient avoir lieu. " Le président saura en faire quelque chose d'intelligent, j'en suis certain ", confie un député proche de la majorité.
L'hypothèse d'un remaniement Comme le répète souvent François Patriat, chef du groupe La République en marche (LRM) au Sénat, " le président de la République est seul, et dans une crise, il est en première ligne, ça ne va pas ". Certains ministres, très techniques, ont encore du mal à intervenir au-delà de leur champ de compétence. D'autres, beaucoup plus politiques, comme Gérald Darmanin, Bruno Le Maire ou Sébastien Lecornu, se sont faits discrets. " C'est sûr que c'était plus facile de commenter la victoire des Bleus ", ironise un député LRM. Quant à " Gérard Collomb, il est sorti amoché de cette affaire. Les flics ont le sentiment qu'il les a lâchés ", commente un proche du pouvoir.
Dans un premier temps, Edouard Philippe n'a pas servi de paratonnerre au chef de l'Etat. Le jeudi 19  juillet, au lendemain des révélations, le premier ministre a répondu aux questions des sénateurs. Il " ne s'est pas planqué ", rétorque un proche. Mais l'exercice était périlleux alors que le premier ministre n'avait eu, à ce moment-là, aucun échange avec le président, en déplacement en Dordogne. Sa première prise de parole n'a pas circonscrit la crise avant la journée cruciale du mardi 24 juillet où la double intervention de l'exécutif – M. Philippe aux questions au gouvernement et M. Macron devant ses députés – a ressoudé les troupes.
" Cette crise a mis en lumière la faiblesse des ministres, juge Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos. Mais si un remaniement était prévu, ça ne peut que le retarder. "" Le président ne réagit pas sous la pression ", abonde Aurore Bergé, députée des Yvelines. " Les Français ne veulent pas d'un remaniement politique, Macron l'a bien compris. Ça fait vingt ans qu'on en fait. Ça nous banaliserait ", juge un député macroniste. En tout cas, poursuit l'un de ses confrères, " si remaniement il doit y avoir, il faut que ce soit à la rentrée, avant l'examen du budget, ou après "" On y réfléchira à la rentrée ", concède un conseiller de l'exécutif. Pour l'heure, Edouard Philippe termine l'exercice d'évaluation de ses ministres.
Réorganisation en vue à l'Elysée L'affaire Benalla a mis au jour des " dysfonctionnements " qu'Emmanuel Macron a demandé à son secrétaire général de décortiquer. La sécurité du président, que se partagent le Groupe de sécurité de la présidence de la République pour ses déplacements et le commandement militaire pour ce qui relève du Palais, avec chacun son état-major et son matériel, a été identifiée comme l'un des chantiers à mener. D'autres services seront réorganisés. Comme celui de la communication, où il est de notoriété publique que les différents protagonistes, notamment le porte-parole, Bruno Roger-Petit, et le conseiller spécial, Ismaël Emelien, ont du mal à travailler ensemble. Certains, à l'Assemblée ou parmi ses proches, plaident pour que M. Macron, habitué à travailler avec sa garde rapprochée et ses fidèles de la première heure, élargisse un peu son cercle de confiance.
L'agenda de la rentrée modifié L'affaire Benalla aura aussi, a minima, bousculé l'agenda du gouvernement. La suspension du projet de révision constitutionnelle est une belle opération pour l'opposition. " Que le gouvernement apporte des changements substantiels au texte, et ce sera sa capacité à réformer qui sera entachée, pour la première fois ", estime Brice Teinturier. Une chose est certaine, l'opposition reprendra l'offensive à la rentrée. D'ici là, les dégâts de l'affaire Benalla sur l'image du président seront plus identifiés. Pour l'heure, sa popularité baisse, sans s'effondrer. Dans le baromètre IFOP, qu'a publié le JDD dimanche 29  juillet, elle perd un point.
Les députés de la majorité démunis " Aux réunions de groupe, Edouard Philippe nous a souvent dit que les choses ne se passeraient pas toujours aussi bien, qu'il arriverait que ça tangue ", raconte Pieyre-Alexandre Anglade, député LRM des Français de l'étranger. Une prédiction qui s'est vérifiée. Au cœur de la crise, les députés se sont retrouvés seuls au front, jusqu'à ce qu'Emmanuel Macron sorte de son mutisme. Pendant quatre jours, les plus impliqués d'entre eux ont habité l'Hémicycle comme un champ de bataille, d'où ils tentaient de rendre les coups à une opposition regonflée par leurs malheurs. " Ils se sont vécus comme une forteresse assiégée. Avec leurs petits corps, ils voulaient protéger le président. Une grande naïveté, commente un observateur de la vie parlementaire française. Finalement, je pense que cette affaire aura eu la vertu d'en déniaiser certains. "
" Cette affaire nous a soudés autour d'une base commune, la loyauté au président ", se félicite Aurore Bergé. Richard Ferrand, le président du groupe LRM, s'est affirmé. " Les députés ont trouvé un chef dans la bataille ", juge Marc Fesneau, président du groupe MoDem à l'Assemblée. Les liens entre le parti centriste et le groupe macroniste sont également sortis renforcés de cette crise. Mais " nous avons une difficulté au sein du groupe à porter la parole politique ", reconnaît un député de la majorité. " La coordination a manqué entre l'Elysée, l'exécutif et le Parlement ", poursuit un autre.
Le mouvement inefficace D'autant que le mouvement La République en marche est apparu, lui aussi, dépassé par les événements. " Démonstration a été faite que ce parti n'existe pas ", tranche un député. " Castaner - le délégué général de LRM - a abandonné les parlementaires de la majorité ", poursuit l'un d'entre eux. Au Palais-Bourbon, on l'a vu à la buvette, dans les couloirs, salle des Quatre-Colonnes. Mais, dans l'hémicycle, il s'est fait rare. " Il a peur d'être pris à partie par les oppositions car Vincent Crase, qui est aux côtés de Benalla ce 1er  mai, est un salarié du mouvement, explique un autre élu de la majorité. Quand Marine Le Pen le prend à partie salle des Quatre-Colonnes, elle a raison ".
La séquence relance les attaques contre la double casquette de Christophe Castaner, qui est aussi secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. " C'est un souci depuis le début, juge d'ailleurs un élu LRM. D'ailleurs le seul sujet sur lequel le parti a pris position depuis novembre, quand Castaner entre en fonction, c'est sur la bioéthique lundi dernier… " Derrière l'analyse de la crise, les premiers -règlements de comptes apparaissent…
Virginie Malingre
© Le Monde


31 juillet 2018

La réforme constitutionnelle, un texte à l'avenir encore incertain

Après la suspension de son examen, le texte doit être de nouveau inscrit à l'ordre du jour, au cœur d'un agenda législatif déjà très chargé

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Le casse-tête, jusqu'au bout. Créer les conditions de l'adoption par l'Assemblée et le Sénat de la révision constitutionnelle était déjà un défi compliqué. L'affaire Benalla a compliqué encore un peu plus le cheminement de ce texte. En suspendant son examen, dimanche 22  juillet, le gouvernement a certes contourné la paralysie des débats orchestrée par l'opposition, mais il n'a fait que repousser le problème. Il faut maintenant trouver une nouvelle fenêtre dans l'ordre du jour de l'Assemblée. Or, l'agenda des députés est déjà très chargé à la rentrée avec le retour de la loi agriculture et alimentation, la loi Elan, le projet de loi fraude, la loi Pacte…
Sans oublier que les députés doivent se lancer dans les deux autres textes de la réforme des institutions avec notamment la diminution du nombre de parlementaires. Le tout devait être examiné avant que les députés n'entrent dans le tunnel du budget qui occupe la fin de l'année. Faudra-t-il sacrifier le projet de loi constitutionnelle et attendre le début de l'année 2019 pour le remettre à l'ordre du jour ? " Je ne vois pas le président abandonner un projet qui lui tient à cœur ", glisse une parlementaire. " Toutes les options sont possibles ", dit une autre. La question doit être tranchée mardi en conférence des présidents à l'Assemblée. Si la révision constitutionnelle est reprise à la rentrée, il faudra décaler au moins l'un des textes prévus.
Une victime semble toute désignée : le projet de loi Pacte, texte fleuve porté par Bruno Le Maire qui prévoit la réforme de l'objet social de l'entreprise, des privatisations ou encore la réforme de l'intéressement et de la participation. La perspective de son report a été esquissée dans le JDD par François de Rugy évoquant un examen " à revoir ". Il envisage un morcellement du texte économique, avec le vote de certaines de ses mesures dans le cadre du budget. Il faudra pour cela que Bruno Le Maire accepte que sa grande loi sur laquelle ses équipes planchent depuis un long mois connaisse un nouveau report. A son agenda, le ministre de l'économie compte deux rendez-vous importants : un entretien avec le premier ministre lundi à 16  heures, et un autre avec Emmanuel Macron mardi à 19 h 30.
Autre question qui se posera à l'avenir : la révision constitutionnelle peut-elle rester en l'état ou doit-elle tirer les leçons de l'affaire Benalla ? " Il faut reprendre tout cela sur des bases nouvelles ", a estimé, samedi, dans un entretien au Monde  le patron du MoDem, François Bayrou. Plusieurs membres de l'opposition ont demandé que le texte soit revu au regard des événements de juillet. Les présidents des deux assemblées, Gérard Larcher au Sénat, et François de Rugy au Palais-Bourbon, ont aussi esquissé cette perspective. Tous deux, l'un dans un entretien au Figaro, l'autre sur France 2, ont évoqué un même ajustement : donner le pouvoir aux parlementaires de convoquer des ministres afin de demander des explications sur un dossier. Sauf que l'opposition n'a plus la main. Si le texte revient à l'Assemblée, seuls le gouvernement et les rapporteurs (issus de la majorité) auront le pouvoir de déposer de nouveaux amendements. Il reviendra à eux seuls de tirer d'éventuels enseignements de cette affaire, ou aux sénateurs qui reprendront la main sur le texte après son vote en première lecture.
Manon Rescan
© Le Monde



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