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dimanche 29 juillet 2018

La frontière entre travail illégal et traite des humains est poreuse


27 juillet 2018

La frontière entre travail illégal et traite des humains est poreuse

En 2017, le montant du préjudice fiscal et social engendré par cette délinquance en col blanc s'élève à plus de 99 millions d'euros

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Deux mots pour une multiplicité de situations. Fausse sous-traitance internationale, fraude au détachement d'intérimaires, aux prestations sociales, mais aussi emploi d'étrangers sans titre de travail ou délocalisation fictive d'entreprises françaises : le travail illégal recouvre une délinquance protéiforme, souvent complexe et loin de bénéficier de la visibilité médiatique des cambriolages et autres atteintes aux biens. " Ce sont des dossiers compliqués à traiter, avec une matière qui s'appréhende différemment et des preuves qui mettent parfois plus de temps à être apportées ", explique Cédric Bonaldi, chef d'une cellule de lutte contre le travail illégal et la fraude au sein du groupement de gendarmerie de l'Ain.
Cette délinquance " en col blanc ", qui attire parfois, dans certains cas, la criminalité organisée, représente d'importants préjudices. En  2017, plus de 99 millions d'euros de fraudes sociales et fiscales ont été mises au jour, dans le cadre d'enquêtes portées à la connaissance de l'Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI), et 67,8 millions d'euros ont été saisis en avoirs criminels.
Créé en  2005, un an après l'élargissement de l'Union européenne à dix nouveaux pays de l'Est et alors que se dessinait la crainte du " plombier polonais ", l'OCLTI regroupe une quarantaine de personnes, dont des gendarmes et des policiers qui travaillent avec de nombreux partenaires, de la direction générale du travail à la division nationale des enquêtes fiscales en passant par les douanes ou les associations. L'Office coordonne les enquêtes les plus complexes afin de déterminer quelles sont les atteintes au code du travail, les infractions pénales, et d'estimer le préjudice salarial, fiscal et social.
Maximiser les profitsDe l'entreprise donneuse d'ordre au sous-traitant, sans oublier les agences d'intérim, les acteurs de ces fraudes sont nombreux et les schémas ont tendance à se complexifier, comme les sociétés-écrans qui permettent d'opacifier les circuits financiers. Mais l'objectif reste souvent le même : s'exonérer des cotisations sociales, et diminuer la rémunération des salariés, pour maximiser les profits, non-déclarés. " Le cœur de l'enquête consiste à démontrer le niveau de responsabilité et d'implication de chaque acteur ", explique le colonel Philippe Thuries, à la tête de l'OCLTI.
Parmi les sujets traités par l'office, la fraude au détachement -occupe une place prépondérante, puisqu'elle représentait dix-huit dossiers, soit 45 % des affaires en cours, en  2017. Les salariés " détachés " – aux alentours de 350 000, censés travailler temporairement en France pour des employeurs étrangers – sont souvent les victimes de ces fraudes, notamment dans les secteurs du transport et du bâtiment et des travaux -publics, mais aussi du nettoyage industriel ou de l'agriculture.
Depuis 2015, l'Office a mené vingt opérations concernant des cas de fraude au détachement, que ce soit en saisine, cosaisine ou en appui de services d'enquête locaux. Le préjudice de l'ensemble de ces dossiers, incluant les pertes salariales, sociales et fiscales, est estimé à 122  millions d'euros. Ces enquêtes ont permis, selon l'OCLTI, la saisie de plus de 6  millions d'euros d'avoirs criminels.
La frontière entre travail illégal et traite des êtres humains est souvent poreuse. La fraude peut parfois mener à des situations d'exploitation et de conditions de vie indignes, comme dans le cas de travailleurs hébergés dans des conteneurs, dans une chaleur épouvantable. " Nous demandons aux enquêteurs d'être sensibles au facteur humain ", résume le patron de l'OCLTI.
Y. Bo.
© Le Monde

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