Translate

mardi 31 juillet 2018

Pénurie de vaccins : les pharmaciens réclament des informations


31 juillet 2018

Pénurie de vaccins : les pharmaciens réclament des informations

Les laboratoires invoquent des problèmes " très complexes " pour expliquer le manque de vaccins, dont ceux contre la rage ou la turberculose

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
La vaccination a parfois des allures de parcours du combattant. Depuis la mi-juillet, les vaccins contre la rage et l'encéphalite à tiques, fortement recommandés pour les séjours à l'étranger, restent introuvables en pharmacie. " Les vaccins du voyageur sont les plus touchés par les pénuries ", confirme Robert Cohen, pédiatre infectiologue à l'hôpital intercommunal de Créteil. Le site d'information du groupe d'experts sur la vaccination, -Infovac, dont il fait partie, annonce que neuf vaccins sont indisponibles et que sept autres étaient difficiles à trouver au 6  juillet, parmi lesquels le BCG contre la tuberculose, ou l'Infanrix Tetra contre la diphtérie, le tétanos, la polio et la coqueluche. Tous deux sont contenus dans le calendrier vaccinal français, mais leur absence des stocks n'empêche pas la réalisation des onze vaccins obligatoires depuis le 1er  janvier, grâce aux produits -alternatifs.
Dans son officine d'une petite commune de l'Eure-et-Loir, Alexandra Leche, pharmacienne de 32 ans, décroche son téléphone plusieurs fois par jour pour savoir où en sont les stocks de médicaments et de vaccins, qui s'affichent régulièrement " indisponibles " sur sa base de données. " Quand un produit manque, on appelle d'abord le grossiste, puis le labo ", explique-t-elle. Souvent en vain. " Personne n'a de réponse à nous donner. Il y a des patients qui veulent comprendre mais on n'en sait pas plus, alors que nous sommes censés être les professionnels du médicament. C'est très anxiogène pour eux ", observe-t-elle.
Ce manque d'informations a d'ailleurs été dénoncé unanimement par les participants réunis au Sénat, les 19  et 20  juillet, dans le cadre d'une " mission d'information sur la pénurie des vaccins et des médicaments ". Selon eux, elle contribuerait à détériorer la relation pharmacien-patient. " Les laboratoires jouent l'opacité absolue concernant la cause et la durée des pénuries. Au final, c'est le patient qui trinque ", a soutenu Alexandra Leche devant les sénateurs.
Daniel Bideau, membre du bureau de France Assos Santé, qui regroupe 80  associations d'usagers, confirme : " Il y a régulièrement des tensionset une perte de confiance inévitable. " Les représentants de patients plaident pour un " circuit d'informations transparent ", qui permettrait de connaître en temps réel l'évolution des ruptures de stock, et d'en informer les principaux concernés.
Un souhait partagé par Olivier, 54 ans. " J'avais fait la première injection du Pneumovax - vaccin contre les infections pulmonaires - en mars, mais impossible de trouver la deuxième ", raconte-t-il. Avec sa séropositivité, Olivier sait qu'un retard dans la vaccination peut entraîner un risque vital. " Ça m'a un peu stressé, d'autant plus que je suis censé être prioritaire. On se retrouve seul, sans informations. " Dans les autres officines, on lui -répond que le Pneumovax est en rupture de stock depuis septembre  2017. Il faudra de la patience à Olivier, et surtout la bonne volonté d'une pharmacienne pour se procurer in extremis le vaccin à la mi-juillet, et partir en vacances l'esprit tranquille.
Délais de productionDu côté des industriels, on entend l'inquiétude des professionnels et du grand public. " On peut toujours progresser dans le domaine de l'information, admet Philippe Juvin, pharmacien responsable de Sanofi Pasteur. Mais la situation a déjà bien évolué depuis trois ans : à chaque fois qu'une tension apparaît, on communique par le biais d'une lettre d'information envoyée aux professionnels de santé. "
Et quand il s'agit d'évoquer les causes des pénuries, on s'accorde à dire que le problème est " très complexe " et " multifactoriel " : une demande accrue à l'échelle mondiale, notamment de la part des pays émergents, et des temps de fabrication très longs. " Pour un vaccin spécifique, avec cinq valences à l'intérieur, on peut facilement compter trois ans entre le début de sa fabrication et sa commercialisation ", a précisé au Sénat Humberto de Sousa, délégué CFDT à Sanofi Pasteur. Il faut ajouter à cela des délais de péremption courts, une chaîne du froid à respecter, et des contrôles plus stricts. " On travaille sur du vivant, du biologique. Il y a forcément des aléas différents de ceux d'une industrie métallurgique, par exemple. " Les représentants de syndicats du laboratoire Sanofi ont aussi reconnu que des logiques de marché entraient inévitablement en compte. " Certains vaccins sont plus rentables que d'autres en termes de prix, de marge… et ça peut parfois prévaloir sur les besoins de santé publique ", a prévenu Humberto de Sousa.
Reçus par les sénateurs, les -représentants de la direction de Sanofi ont quant à eux reconnu les dysfonctionnements existants, et réaffirmé leur volonté de les corriger. Cela passerait par une meilleure anticipation de la demande, qui tiendrait compte des délais de production. Pour cela, tous ont insisté sur une indispensable collaboration entre les pays pour faciliter, à terme, le passage des vaccins de l'un à l'autre. Nous réfléchissons à une standardisation entre les différents pays européens, qui contribuerait à stabiliser l'approvisionnement face aux variations de la demande, précise Philippe Juvin. Actuellement, il y a vingt-trois calendriers de vaccination différents en Europe, ça ne peut pas fonctionner correctement. "
D'ici là, les professionnels de santé s'organisent. L'outil en ligne Vigirupture a été cité. Réservé aux pharmaciens, il leur permet de -vérifier en temps réel la disponibilité d'un produit dans les officines à proximité, pour mieux orienter le patient en cas de rupture. Encore faut-il être inscrit. A ce jour, seuls 4 700 pharmaciens en France le sont.
Audrey Paillasse
© Le Monde

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire