Estaing est une petite commune de l'Aveyron. Sa forteresse du XIe siècle, construite sur un piton schisteux,était à vendre. " Valéry " l'a achetée en 2005avec son frère Olivier et son cousin Philippe. Puis " Valéry " a créé une fondation qui, à coups de subventions publiques et de dons privés, se charge de restaurer les bouches à feu et les balustres du château.
En 1974,
il était le Kennedy français, l'homme de la modernité, le plus jeune président que la France ait élu. Quarante-quatre ans plus tard, Valéry Giscard d'Estaing termine sa vie rattrapé par l'obsession nobiliaire de son père, Edmond, comme prisonnier d'un milieu et d'une éducation. A l'intérieur du château, l'ancien président de la République a installé le musée de son septennat. Anne-Aymone, son épouse, se plaît dans cet endroit paisible et hors du temps. Le Lot coule au pied du château. Au sommet de la forteresse, un petit appartement est réservé au couple. Les jours frileux, les époux se replient à l'hôtel, L'Auberge Saint-Fleuret ou Aux Armes d'Estaing.
Le premier dimanche de juillet, ils déambulent au milieu des villageois qui fêtent saint Fleuret, l'ancien évêque d'Auvergne. Ils ne connaissent pas grand monde mais le château fait partie de la mythologie familiale. Edmond y emmenait ses enfants en -pèlerinage, depuis Chamalières (Puy-de-Dôme). C'est lui qui, avec son frère René, -conseiller d'Etat, avait entrepris, au lendemain de la première guerre mondiale, de relever le nom d'Estaing. La fratrie avait argué d'une lointaine parenté avec l'amiral Charles-Henri, qui avait soutenu la guerre d'indépendance des Etats-Unis avant de se faire guillotiner. La particule adjointe, il manquait encore l'endroit pour fixer l'histoire. Valéry l'a fait. Et tant pis si les vrais aristocrates continuent de rire sous cap.
A 92 ans,
" le Président ", ainsi que l'appellent ses collaborateurs, porte toujours beau, mais il a perdu un peu de sa superbe. Sa haute stature a comme baissé de quelques centimètres, son oreille est moins fine, le -décès,
en janvier,
de sa fille Jacinte, atteinte d'une longue maladie, l'a beaucoup affecté. Elle était la benjamine, celle qui posait à ses côtés sur les affiches de la campagne victorieuse de 1974.
Il faisait si jeune alors, était porteur de tant de surprenantes avancées, comme cette dépénalisation de l'avortement qu'à peine élu il octroya aux femmes. Aujourd'hui, la société française
ne l'inspire plus.
" Elle a si peu le goût du bonheur ", soupire-t-il
. Les bons jours, il s'accroche à
" sa grande passion ", le projet européen qu'il a contribué à façonner avec
" son ami Helmut " Schmidt. Les mauvais, il soupire :
" Ah l'Europe ! ", comme si même cette utopie ne parvenait plus à le tirer en avant.
Et pourtant, quelqu'un a pris la relève : -Emmanuel Macron, si jeune, si libéral, si -européen au point qu'on dirait un clone. Oui mais… Valéry Giscard d'Estaing a misé sur François Fillon, le mauvais cheval, comme si choisir Macron, c'était risquer de mourir soi-même
.
Le crépuscule est là, mais le décor tient bon, soutenu par la République qui se montre bonne fille avec les anciens présidents de la République. De beaux locaux, boulevard Saint-Germain à Paris, payés par Matignon, une voiture de fonction, deux chauffeurs, deux gardes du corps, un secrétariat, sept permanents. Giscard dispose de toutes les facilités pour se tenir informé des affaires du monde, choisir les séances du Conseil constitutionnel auxquelles il assistera, trier dans les demandes – encore nombreuses – de rendez-vous, décider quel déplacement il acceptera à Bruxelles, Londres ou Washington, s'informer des progrès de la fondation -Re-Imagine Europa, qu'il
vient tout juste de lancer dans la capitale belge.
Corinne, sa fidèle secrétaire particulière depuis dix-neuf ans, est aux petits soins pour lui, comme l'était jadis à l'Elysée " Madame " Villetelle, qui veillait jalousement sur la tranquillité du président. Pour le reste, Valéry Giscard d'Estaing vit comme un grand bourgeois du XIXe siècle entre son hôtel particulier de la rue Bénouville, dans le 16e arrondissement de Paris, à quelques -enjambées du bois de Boulogne, et le domaine de l'Etoile, propriété de son épouse à Authon, dans le Loir-et-Cher. Une belle demeure du XIXe siècle qu'Anne-Aymone, née de Brantes, a acquise en viager dans les années 1960 – piscine, tennis, chasse attenante.
Tout est là pour se détendre, assouvir cette passion de la chasse qui fut longtemps celle de son mari et demeure celle de ses fils, -recevoir et travailler aussi. L'ancien président, qui y passe la plupart de ses week-ends, s'y est fait aménager une petite maison. C'est là qu'il a écrit ses Mémoires et ses quatre -romans, dont le très étrange
La Princesse et le Président (Editions de Fallois, 2009), qui a fait croire à une idylle avec Lady Di. Là aussi qu'il a préparé son élection à l'Académie française, qui était à ses yeux d'autant plus importante qu'aucun de ses ancêtres n'avait réussi à y entrer.
Retour par la basePour la République, tout cela a un coût, que l'ancien député PS René Dosière, lorsqu'il examinait à la loupe les dépenses des élus, a évalué à 3,9 millions d'euros en 2016. En cause : Authon et ses 650 hectares de terrain, difficiles à sécuriser. Depuis 1981, une dizaine de gendarmes mobiles restaient affectés autour de la propriété, ce qui a eu pour effet de propulser Valéry Giscard d'Estaing au rang de l'ancien président le plus coûteux pour la République. Mais lorsque l'état d'urgence a été proclamé à la suite des attentats terroristes, les effectifs ont été redéployés et la surveillance a été considérablement allégée.
Depuis 1981, trente-sept années se sont écoulées et cela dit tout de l'exceptionnelle longévité politique de Valéry Giscard d'Estaing. L'Auvergnat est, de loin, le plus coriace des anciens présidents de la République, le plus surprenant aussi. Aucun de ses successeurs n'aurait aujourd'hui l'idée de tenter, sitôt battu, un retour par la base, de se faire élire conseiller général, député, -conseiller régional, président de la région Auvergne, député européen, pour, finalement, ne jamais parvenir à retrouver les sommets. A ce compte-là, d'autres auraient baissé la garde depuis longtemps.
Pas lui, qui donne encore le change en goûtant devant un public de plus en plus restreint l'ultime hommage de ses affidés. Ce jeudi 17 mai, c'est le député européen Jean-Marie Cavada et le député Jean-Louis Bourlanges qui assurent le spectacle à l'Hôtel de l'industrie, à Paris. Ils ont un siècle et demi à eux deux, mais lorsqu'ils évoquent à coups d'hyperboles
" l'immense talent " de leur mentor devant les adhérents du Mouvement européen, on croirait deux étudiants en médecine rougissant devant le mandarin.
A quelque âge qu'on le prenne, Giscard impressionne. Il ne laisse jamais rien paraître, sauf quand on le flatte. Alors, le regard s'allume et l'oreille se tend.
" Narcisse homme d'Etat ", disait de lui Raymond Barre, qui l'avait servi près de cinq ans à Matignon. -Depuis la publication de ses Mémoires,
Le Pouvoir et la Vie (Compagnie 12, 2006 pour le tome 3), ses lecteurs n'ignorent rien de ce qu'il a enduré le soir du 10 mai 1981, lorsque François Mitterrand l'a battu par 51,8 % des suffrages. Il a été très malheureux, comme un premier de la classe qui, soudain, défaille sans comprendre pourquoi.
Beaux diplômes, beau mariage, belle élection dans le Puy-de-Dôme, belle nomination à
" ses chères " finances, bon serviteur de l'Etat, avec ce qu'il faut d'indépendance et de modernité pour se faire élire, à 48 ans, président de la République française. Il était la gloire de la famille, le meilleur, celui qui avait propulsé la dynastie à un niveau qu'elle n'avait jamais atteint. Et brusquement, tout s'arrête. Les Français ne veulent plus de lui.
" Vous ne pouvez pas savoir ce que c'est que d'être battu ", soupire-t-il devant sa fidèle conseillère Mylène Descamps, avant de préparer, solitaire et vexé, son
" au revoir " télévisé qui se révèle aussi théâtral que raté avec cette chaise vide filmée une longue minute au son de
La Marseillaise. Il est pour tout dire ridicule et pourtant, quatre mois plus tard, c'est un Giscard transformé qui repart au combat.
Pour digérer sa défaite, l'homme blessé s'est d'abord isolé, en juin, dans un monastère du mont Athos, au nord de la Grèce. Décor vertigineux, silence monacal.
" Un besoin de spiritualité ", expliquera-t-il plus tard. Mais le séjour est bien trop court pour être salvateur. C'est en fait le Canada qui le sauve de la dépression. Mi-juillet, il s'envole avec Anne-Aymone et trois de ses enfants pour Calgary. Il a prévu de s'isoler quinze jours dans un ranch, au cœur des Rocheuses, dans le plus complet anonymat. Le séjour durera six semaines.
Ce mois et demi passé loin de la France constitue le moment le plus atypique de sa vie d'après. Une vraie rupture à la hauteur du choc qu'il vient de subir. Lui qui se montre en général froid comme le marbre, dont les intimes se comptent sur les doigts de la main, va se livrer comme jamais à un homme qu'il ne connaît guère. Jean Frydman, son hôte, est un entrepreneur qu'il a rencontré quelques mois avant la fin de son mandat dans le cadre du réchauffement des relations entre la France et Israël. Le courant est vite passé, car Frydman est riche, vif et chaleureux. Au fil de la conversation, l'homme d'affaires en est venu à parler du ranch qu'il s'est offert au Canada. En retour, le président lui a confié sa fascination pour l'Ouest et sa frustration de n'avoir jamais pu s'y rendre. L'invitation prend l'allure d'une boutade : si le président perd, il aura droit à sa cabane au Canada !
La vie est simple au ranch. Le premier -village est à vingt-cinq kilomètres, il n'y a guère de personnel de service, chacun fait la vaisselle à tour de rôle. C'est dans ce paysage grandiose que l'ancien président, redevenu " Valéry ", réapprend les gestes de la vie quotidienne. Il joue avec ses enfants, marche, monte à cheval.
" J'ai besoin de reconstituer ma famille, qui a beaucoup souffert du -septennat ", a-t-il confié à son hôte. Pas -seulement. Dès son arrivée, il a demandé un coin pour s'isoler. Jean Frydman a poussé un vieux canapé et, en tête-à-tête, ils ont fait un retour sur la défaite, chaque jour un peu plus approfondi pour, finalement, toucher le point sensible, cette arrogance que les Français n'avaient pas supportée chez leur président qui, de Kennedy, était passé sans crier gare à Louis XV.
Reconquête depuis la rue Benouville
" Je suis l'homme de mon milieu ", a fini par reconnaître le fils d'Edmond et de May. Parmi ses déconvenues, il a évoqué les dîners chez les Français, qu'il avait sollicités dans le but de briser la glace et qui ont été ressentis comme un signe supplémentaire de condescendance. Lui, pourtant, les avait appréciés. Un autre jour, il parvient à évoquer ce père dont il ne parle jamais et qui lui a
" appris à être dur ". A la fin du séjour, il a tellement baissé la garde qu'il demande à -revenir l'année prochaine. L'homme s'est enfin trouvé. En tout cas, il le croit.
De retour à Paris, il repart en campagne. Il faut alors imaginer un Giscard heureux, un Giscard libéré, un Giscard presque normal qui, comme n'importe quel Français, tient à conduire lui-même son automobile, une Peugeot 505 verte. A Tarbes, il fait carton plein : 1 000 couverts payants lors d'une rencontre organisée par les Clubs perspectives et réalités. En Alsace, il claque la bise aux -dames en se régalant de kouglof. A Toul (Meurthe-et-Moselle), il dort dans le lit du général Bigeard, qui l'a invité à dîner chez lui et ne veut plus le lâcher.
Son équipe, installée rue François-Ier, dans le 8e arrondissement de Paris, a sélectionné les terres les plus giscardiennes pour faciliter son retour. Afin de mettre toutes les chances de son côté, le polytechnicien à l'esprit rationnel a entrepris de faire de la
" sociodynamique ". Toutes les trois semaines, il s'en va consulter les responsables du cabinet -Bossard Consultants, qui ont mis au point une méthode infaillible pour aider les chefs d'entreprise aux prises avec la CGT à sortir des conflits. Principe de base : pour reconquérir les territoires perdus, mieux vaut s'occuper de ses alliés plutôt que de tenter de séduire ses adversaires. Application pratique : à partir de 1985, l'ancien président ouvre largement les portes de son domicile parisien aux giscardiens et aux entrepreneurs amis. L'hôtel particulier de la rue Benouville entre dans la légende politique.
Deux étages sur jardin donnent l'impression, sitôt le porche franchi, d'être hors du temps. Le maître d'hôtel accueille le visiteur dans le hall, puis le dirige vers le parc, où un buffet est servi. Anne-Aymone et les enfants circulent entre les invités. L'ancien président est en pleine phase de reconquête. Il s'humanise, enfin, un peu. Les journalistes qui le suivent à l'époque se souviennent de ces
" bonjour madame, bonjour monsieur " un peu empruntés qu'il adresse aux unes et aux autres et qu'il assortit systématiquement d'un
" Comment êtes-vous venus ?
". Giscard, qui connaît la moindre route départementale, n'est pas mécontent que cela se sache. Autour de sa table, on place les consœurs les plus avenantes. Pour exister, l'ancien -président a toujours besoin de séduire et d'impressionner. En mars 1982, il s'est fait élire conseiller général du Puy-de-Dôme dès le premier tour. En 1984, il est redevenu député dans les mêmes conditions. Deux ans plus tard, il espère beaucoup plus.
18 mars 1986, un avion du Groupe de liaisons aériennes ministérielles (GLAM) attend sur le tarmac de l'aéroport de Clermont-Ferrand, prêt à le ramener à Paris en cas de besoin. Matignon est à portée de main. François Mitterrand, qui inaugure la première cohabitation, lui a fait miroiter le poste de premier ministre. Contacté par Michel Charasse, sénateur du Puy-de-Dôme et conseiller à l'Elysée, l'homme du " bon choix pour la France " s'est empressé de dire qu'il était
" à la disposition du président de la République ", prêt à reprendre l'œuvre inachevée, là où il l'avait laissée. Depuis le 10 mai 1981, il ne pense qu'à ça
." Il s'est vraiment vu à -Matignon, se souvient
Anne Méaux, sa -conseillère en communication de l'époque.
Son équipe était prête, il voulait que Michel Pébereau, son ancien conseiller au ministère des finances, revienne travailler avec lui. "
Mais c'est Jacques Chirac qui est choisi. Première journée de dupes, suivie de beaucoup d'autres. Valéry Giscard d'Estaing ne sera jamais nommé premier ministre. Et il ne sera plus jamais en situation de redire aux Français qu'il est candidat à la présidence de la République. En 1988, Raymond Barre
, son ancien premier ministre, se met en travers de son chemin. Sept ans plus tard, Edouard Balladur, venu des rivages RPR, lui dérobe tout : son fonds de commerce et ses troupes. Et pourtant, il y croit. Il n'a jamais cessé d'y croire. En décembre 1994, quatre mois avant le premier tour de la présidentielle de 1995, il est au plus bas dans les sondages, esseulé comme jamais. Mais c'est plus fort que lui : il est persuadé qu'Edouard Balladur n'osera pas se présenter, que ce sera un face-à-face Giscard-Chirac, qu'il remportera à coup sûr puisqu'il est le meilleur. Le séjour chez -Frydman n'a pas tout réglé.
De nouveau, il souffre, traînant derrière lui cette
" inguérissable nostalgie " d'avoir été et de ne plus être. Un jour que la guerre Villepin-Sarkozy est venue supplanter le match Chirac-Giscard, il confesse à Brice Hortefeux :
" J'aurais apprécié de vivre moi-même cette -période. " Mais voilà, aucun de ses modèles n'a fonctionné. A l'automne 1981, il se prenait pour Raymond Poincaré, l'ancien président de la République qui avait opéré un retour par la base avant de redevenir président du Conseil. Pour la présidentielle de 1995, il était Richard Nixon, le républicain battu de 1960 qui avait laissé passer son tour en 1964 pour mieux se faire élire, quatre ans plus tard, président des Etats-Unis. En réalité, Valéry Giscard d'Estaing approche des 70 ans et même son parti ne veut plus de lui.
Cette fois, on le croit fini. Eh bien non. Six ans plus tard, il renaît de ses cendres dans la peau d'un nouveau personnage : Thomas Jefferson, le troisième président des Etats-Unis, l'homme qui a rédigé la déclaration d'indépendance, un libéral autoritaire qui, à force d'obstination et de ruse, est parvenu à faire plier les délégués de la convention de Philadelphie ! Lui sera le Jefferson de l'Europe, et c'est ainsi qu'il marquera l'Histoire.
Lorsqu'en décembre 2001, une convention pour l'avenir de l'Europe est décidée, il se voit en " père " de la Constitution européenne et, pourquoi pas, dans la foulée, en premier -président de l'Europe. Toujours ce goût du challenge et toujours cette préparation de très haut niveau à laquelle il s'astreint depuis son plus jeune âge.
" Vous le prenez à 60, 70, 80, 90 ans, il continue de suivre les grands dossiers comme s'il allait réexercer le pouvoir demain ", constate Alain Lamassoure, son ancien conseiller.
" La faute à Chirac "Et cette fois, personne ne lui barre la route. A force de travailler ses idées et ses réseaux, il s'est mis tout le monde dans la poche : la droite, la gauche, les Allemands et les autres. Il est redevenu le grand Giscard, celui qui parle au monde. Son rêve dure trois ans. Trois ans d'interminables négociations et de fulgurantes avancées. Et puis tout s'effondre. Le 29 mai 2005, les Français disent non au traité constitutionnel européen, sa grande œuvre, son apothéose.
" La faute à Chirac ", accusera Valéry Giscard d'Estaing, qui, cette fois, ne pardonne pas.
" La faute à Giscard ", rétorquera en privé l'accusé, reprochant à l'ancien président d'
" avoir coulé le truc " avec son
" cénacle d'aristocrates ".
Un court moment, les deux hommes ont siégé ensemble au Conseil constitutionnel, en qualité d'anciens présidents de la République, moyennant une rétribution mensuelle de
12 000 euros. Et c'était tout un spectacle de les voir s'ignorer superbement, eux qui, pendant plus de trente ans, avaient nourri l'un des plus spectaculaires feuilletons de la guerre des droites. Valéry Giscard d'Estaing arrivait toujours à la dernière minute, lorsque les autres membres étaient déjà assis. Il se dirigeait alors vers sa place, ce qui lui permettait de ne saluer que ses voisins les plus proches sans paraître impoli. C'était le stra-tagème qu'il avait inventé pour ne pas avoir à serrer la main de celui qu'il avait si longtemps pris pour
" un brave type " et qu'Anne-Aymone avait assez rapidement considéré comme
" un sale type ".
Un jour, Jacques Chirac, malade, n'est plus venu, et Valéry Giscard d'Estaing est devenu le dernier des " ex " à y siéger. Nicolas Sarkozy et François Hollande y ont renoncé. La prochaine révision constitutionnelle interdira la présence des anciens présidents de la République, mais VGE pourra y demeurer ad vitam æternam en vertu de cette curieuse -précision :
" Application immédiate, sauf à tout ancien président ayant participé dans la dernière année aux travaux du conseil. " -Emmanuel Macron en a décidé ainsi, sans susciter de forte contestation, comme s'il s'agissait de l'ultime dû de la République monarchique au plus ancien de ses anciens présidents. C'est le premier ministre, Edouard Philippe, qui, un jour de visite rue Benouville, est venu apporter la nouvelle, sans parvenir à combler tout à fait le vide de l'après.
Avant de tirer sa révérence, Valéry Giscard d'Estaing a une autre faveur à faire valoir : que le Musée d'Orsay, son musée, celui qu'il a sauvé du naufrage durant son septennat, porte son nom. L'ancienne gare, située à deux pas de l'Assemblée nationale, abrite quelques-uns des chefs-d'œuvre de la peinture du XIXe siècle. Alors oui, la boucle serait bouclée. Il a tant aimé ce siècle.
Françoise Fressoz
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