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vendredi 3 août 2018

Quatre médailles Fields marquent l'internationalisation des maths


3 août 2018

Quatre médailles Fields marquent l'internationalisation des maths

Le prestigieux prix distingue des chercheurs de moins de 40 ans. Pour la première fois depuis 1990, la France est absente du palmarès

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Les médailles Fields, récompenses majeures en mathématiques, ont été remises mercredi 1er  août à Rio de Janeiro, première ville de l'hémisphère sud à accueillir le congrès de l'Union mathématique internationale, grand-messe quadriennale de la discipline.
Parmi les quatre lauréats de moins de 40 ans, un chercheur iranien, Caucher Birkar (40  ans) et un Indien, Akshay Venkatesh (36 ans). Caucher Birkar, fils d'agriculteurs kurdes, a été initié aux mathématiques par son grand frère avant de quitter son pays en  2000 pour l'Angleterre, où il obtiendra le statut de réfugié et un poste de professeur à l'université de Cambridge. C'est le deuxième Iranien à être récompensé, après Maryam Mirzakhani, morte en  2017, distinguée en  2014. Peu après avoir reçu son trophée à Rio de Janeiro, M. Birkar s'est par ailleurs fait dérober sa médaille. Deux suspects ont été identifiés.
Akshay Venkatesh a quant à lui suivi ses parents en Australie à l'âge de 10  ans, puis brille aux olympiades de mathématiques avant de partir pour les Etats-Unis. Il est professeur à l'université Stanford depuis 2008 et est le deuxième mathématicien d'origine indienne à être récompensé.
Les deux autres lauréats sont des Européens, l'Allemand Peter Scholze (30 ans) et l'Italien Alessio Figalli (34 ans). Ces deux nations n'avaient été primées qu'une fois jusqu'à présent. A noter que la France, seconde nation en nombre de médailles Fields, est absente du palmarès, mais qu'Alessio Figalli a effectué une partie de sa thèse à l'ENS Lyon sous la codirection de Cédric Villani (médaille Fields 2010 et député LRM depuis 2017) et Luigi Ambrosio. Il a été recruté au CNRS en  2007 avant d'en être détaché et d'être désormais professeur à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (Suisse).
Géométrie algébriqueTous ces chercheurs ont comme point commun de jeter des ponts entre divers domaines de leur discipline dans l'espoir d'ouvrir de nouveaux chemins vers la connaissance. Trois travaillent dans la même branche très fondamentale des mathématiques, la géométrie algébrique. Ce domaine est la synthèse entre les approches géométriques (un cercle se " dessine " comme le lieu des points équidistants d'un autre) et algébriques (un cercle est aussi une équation x2 + y2 =  1). Cette double vision permet d'attaquer des problèmes différemment ; ce qui se trouve difficile à résoudre en géométrie peut se révéler plus commode en algèbre et vice versa.
Plus précisément, il s'agit le plus souvent d'étudier les ensembles de solutions d'équations compliquées, à plusieurs variables, réelles ou complexes… Connaître la dimension de ces ensembles, leurs formes, est plus profond que de connaître ces solutions dans des cas particuliers. Très vite, cela devient très abstrait, car ces objets sont très grands, très tordus et très mystérieux. Les mathématiciens essaient donc de les classer ou les transformer pour les rendre plus clairs.
Caucher Birkar a ainsi montré que, dans certains cas, on pouvait transformer ces espaces compliqués en objets plus simples. Reste à généraliser cela à tous les cas…
Akshay Venkatesh, qui est aussi un spécialiste de la théorie des nombres, s'intéresse à des fonctions décrivant ces espaces en sondant leurs propriétés dynamiques. Comme le son d'une membrane vibrante renseigne sur la forme du tambour dont il est issu. " Il a su introduire des méthodes venant d'autres domaines des mathématiques pour débloquer les situations ", indique Philippe Michel, professeur à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne.
Enfin, Peter Scholze a pris encore plus de hauteur endéveloppant, en  2012, une nouvelle manière de voir tous ces problèmes, qui utilise des outils extrêmement complexes, les espaces perfectoïdes… " Peter est d'une rapidité incroyable ", estime Laurent Fargues, directeur de recherche au CNRS à l'Institut de mathématiques de Jussieu.
Le quatrième lauréat, Alessio Figalli, n'est pas dans cette catégorie de la géométrie algébrique. Ses mathématiques, bien que aussi théoriques, paraissent plus appliquées. Il s'intéresse à des équations générales régissant des phénomènes physiques liés au transport de matière, comme la forme des nuages ou des cristaux. " Alessio était le plus brillant des élèves sortis de la prestigieuse Ecole normale de Pise, spécialisée dans l'analyse ", se souvient -Cédric Villani.
David Larousserie
© Le Monde

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