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vendredi 10 août 2018

Mexique : " AMLO " veut négocier avec les narcotrafiquants


9 août 2018

Mexique : " AMLO " veut négocier avec les narcotrafiquants

Le président élu entame des consultations citoyennes pour trouver les moyens d'arrêter le bain de sang

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Le temps presse pour Andres Manuel Lopez Obrador, nouveau président élu du Mexique, face à la violence record des cartels de la drogue. Celui qu'on surnomme par ses initiales " AMLO " a lancé, mardi 7  août, un dialogue national pour pacifier le pays. Objectif : inviter la société civile à réagir à ses propositions avant-gardistes, dont la légalisation des drogues et une amnistie pour les petits narcotrafiquants. Un virage sécuritaire radical pour stopper un bain de sang qui a fait plus de 200 000 morts et 37 000 disparus depuis douze ans.
" Oubli non, pardon oui ! ", a martelé AMLO en inaugurant, mardi à Ciudad Juarez (nord), le premier d'une vingtaine de forums itinérants. Ces consultations, réunissant des proches des victimes, des experts, des représentants de la société civile et les autorités, se tiendront jusqu'au 24  octobre dans les régions les plus affectées par l'insécurité.
En tête, Ciudad Juarez, 1,5  million d'habitants, où 30 assassinats ont été commis le week-end du 4 et du 5  août, portant à plus de 700 le nombre d'homicides depuis janvier. La ville frontalière avec les Etats-Unis, qualifiée en  2010 de " capitale mondiale du crime ", est de nouveau la lanterne rouge d'un pays qui enregistre les pires indices de criminalité de son histoire récente avec 28 711 morts en  2017 et déjà 15 973 meurtres au premier semestre 2018.
AMLO n'entrera en fonctions que le 1er  décembre. Mais le nouveau président de gauche, élu le 1er  juillet avec 53  % des suffrages, insiste sur l'importance de " prendre de l'avance face à la gravité du fléau ". Le premier forum s'est organisé autour de cinq tables thématiques sur le droit des victimes, la sécurité et la justice, la migration, la prévention des délits et la construction de la paix.
" On ne combat pas la violence par la violence ", a prôné AMLO au constat de l'échec de ses prédécesseurs. Fin 2006, le président conservateur Felipe Calderon avait déployé l'armée contre les cartels. Une stratégie frontale poursuivie par le président sortant, Enrique Peña Nieto (2012-2018) du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, centre), sans parvenir à stopper les trafics ni le boum des extorsions et des enlèvements.
" Processus de pacification "" Nous voulons changer radicalement ce modèle cœrcitif par un concept sécuritaire intégral ", a précisé, mardi, Alfonzo Durazo, futur ministre de la sécurité publique et organisateur des forums qui placent les victimes au centre d'un " processus de  réconciliation nationale ". AMLO prône notamment une paix négociée avec les narcotrafiquants. Son projet d'amnistie suscite la polémique parmi les proches des victimes qui ont perturbé les débats en criant " Ni pardon, ni oubli ! "
M.  Durazo a précisé qu'" il ne s'agit pas d'un pacte d'impunité mais d'un processus de pacification à partir d'une loi d'amnistie des petites mains des cartels et des cultivateurs de pavot ", plante à la base de l'héroïne. Les débats portent aussi sur l'instauration d'une justice transitionnelle pour les criminels prêts à déposer les armes. Ce concept légal, qui permet des réductions de peines sans -impunité, a fait ses preuves en -Colombie entre le gouvernement et la guérilla marxiste des FARC.
L'autre sujet débattu lors des forums est la possible légalisation de la consommation des drogues douces dans un pays devenu le deuxième producteur mondial de marijuana. Mardi, AMLO a appelé à " lever les tabous sans démagogie " pour " s'attaquer aux causes de la violence " et non plus seulement aux symptômes. " Pour le bien de tous, les pauvres d'abord ", a répété le président élu, qui promet des bourses d'étude et des emplois pour les jeunes qui rejoignent les rangs des cartels par manque d'opportunités.
AMLO annonce aussi un retour progressif des militaires dans leurs casernes en professionnalisant les corps de police, infiltrés par le crime organisé. Sans compter la lutte contre la corruption, que l'intéressé considère comme le " principal cancer du Mexique ", et le renforcement des contrôles douaniers pour empêcher le trafic d'armes en provenance des Etats-Unis.
Dans les médias, M.  Durazo a fixé un calendrier. Les mesures débattues seront couchées sur le papier en novembre puis validées par référendum et votées par le Congrès, acquis à AMLO. Un défi colossal pour le futur gouvernement qui prévoit, d'ici trois ans, de diviser par six le taux d'homicides (25 pour 100 000 habitants actuellement). " C'est un changement de paradigme visionnaire, s'est félicitée sur les ondesl'analyste Denise Dresser. Mais il faudra passer d'une expérience de catharsis - lors des forums - à l'élaboration d'un véritable programme de gouvernement. "
Frédéric Saliba
© Le Monde

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