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jeudi 9 août 2018

Ludovic Chaker, l’autre conseiller secret de l’Elysée




Ludovic Chaker, l’autre conseiller secret de l’Elysée

L’ex-secrétaire général d’En marche ! qui aurait supervisé le recrutement d’Alexandre Benalla occupe une place stratégique à l’Elysée. Les deux hommes sont restés proches.

LE MONDE |  • Mis à jour le  |Par 
Depuis une semaine, tout le monde connaît le « cow-boy » de l’Elysée, Alexandre Benalla. On ignore que le Palais a aussi son « ninja ». Tel est le surnom de Ludovic Chaker, 39 ans, amateur d’arts martiaux et amoureux de culture asiatique, ex-secrétaire général d’En marche ! et collaborateur influent d’Emmanuel Macron. Un homme invisible dans l’organigramme officiel. Lui aussi occupe depuis l’élection présidentielle un bureau à l’Elysée et un poste encore plus stratégique au Palais. Contacté lundi par Le Monde, Ludovic Chaker n’a pourtant pas souhaité détailler ses fonctions exactes, invoquant des raisons de sécurité. Mardi matin, le cabinet du président de la République nous a précisé qu’il occupait le poste de « chargé de mission auprès du chef d’état-major particulier » du président. 
C’est lui qui aurait supervisé le recrutement d’Alexandre Benalla comme directeur de la sécurité du candidat. Surtout, c’est lui qui, après avoir organisé des meetings et mobilisé une armée de bénévoles pendant la campagne du candidat Macron, s’occuperait de renseignement et de terrorisme auprès du chef de l’Etat.
Le président dispose pourtant d’un très officiel coordinateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT), Pierre de Bousquet de Florian, ancien patron de la direction de la surveillance du territoire (DST), un pro qui n’a le droit de rencontrer des journalistes qu’en présence de Sibeth Ndiaye, la conseillère presse du président. Ce service a été installé il y a peu à l’hôtel de Marigny, juste à côté de l’Elysée.
Pas davantage que celui d’Alexandre Benalla, le recrutement de Ludovic Chaker n’a fait l’objet d’une annonce dans le Journal officiel. On suit sa carrière au fil des décrets annonçant son entrée dans la réserve opérationnelle de l’armée de terre, en 2005, et les promotions successives qui l’ont conduit, en décembre 2017, jusqu’au grade de commandant.Ludovic Chaker n’a pas davantage souhaité évoquer ses activités militaires au Monde. Selon nos informations, il aurait été un temps rattaché au Commandement des opérations spéciales, qui supervise les missions des forces spéciales à l’étranger, au service des « actions indirectes ».

Erreur de débutant

Le CV posté par Ludovic Chaker sur le réseau social LinkedIn n’évoque pourtant que ses activités dans le civil. Des études de chinois à l’Institut national des langues et civilisations orientales, de sciences politiques à Nanterre et de communication au Celsa, avant un dernier diplôme à Sciences Po. Un poste au consulat de France à Shanghaï, chargé de la coopération universitaire, puis des activités de consultant. Ludovic Chaker a créé en 2014 une petite société de conseil, Ooda. Son entreprise a annoncé sa cessation d’activité en janvier 2017.
En politique, ses débuts ont été discrets. Il a un temps dirigé le cabinet de Philippe Le Breton, maire socialiste de Joué-lès-Tours, ville tranquille de 37 000 habitants de l’Indre-et-Loire. Lors des législatives de 2012, il s’est présenté comme candidat indépendant dans la 11e circonscription des Français de l’étranger, couvrant l’ex-URSS, l’Asie et l’Océanie. L’élection a été remportée par l’UMP Thierry Mariani, ancien ministre de Nicolas Sarkozy. Ludovic Chaker n’a obtenu au premier tour que 1,99 % des voix. Ses comptes de campagne n’ayant pas été validés par un expert-comptable agréé, ils avaient été rejetés, et le Conseil constitutionnel avait déclaré l’apprenti politique inéligible pour un an.
Cette erreur de débutant est déjà oubliée quand Ludovic Chaker rejoint En marche !. A Sciences Po, il se lie d’amitié avec Ismaël Emelien, un des futurs fondateurs du parti, aujourd’hui conseiller spécial du président. L’officier réserviste rencontre Emmanuel Macron. Quand En marche ! est lancé, en avril 2016, Ludovic Chaker en devient le premier permanent salarié, occupant le rôle de secrétaire général du parti sans en avoir précisément le titre. « Il n’y a jamais eu d’organigramme à En marche !, tous les titres étaient relativement flous », insiste une figure historique du mouvement. Une façon de fonctionner visiblement toujours de mise à l’Elysée.

« Il ne vient jamais en frontal »

M. Benalla rejoint En marche ! comme simple bénévole. C’est M. Chaker qui l’aurait ensuite embauché comme salarié du mouvement. Le jeune homme lui aurait été recommandé par des contacts dans le milieu de la sécurité.« Recrutement d’Alexandre vu avec JMG et Ludo », précise en décembre 2016 un courriel interne ayant fuité dans les MacronLeaks, ces documents volés et mis en ligne par des hackeurs anonymes. « JMG » désigne Jean-Marie Girier, directeur de cabinet de Gérard Collomb à la mairie de Lyon, devenu directeur de la campagne d’Emmanuel Macron, et aujourd’hui chef de cabinet du ministre de l’intérieur.
Pendant la campagne, Ludovic Chaker et Alexandre Benalla partagent le talent d’être si présents qu’on ne les remarque pas. Même le récit de campagne de l’écrivain Philippe Besson oublie ces deux personnages romanesques. Le premier organise les meetings, parfois en haussant le ton, le second les sécurise. « Ludo » a le privilège de tenir compagnie au candidat dans sa loge, souvent seul avec Brigitte Macron et Sibeth Ndiaye, « Alex » l’escorte au milieu de la foule.
Et quand « Alex » veut muscler le dispositif de sécurité, « Ludo » répond présent. En mars 2017, le service d’ordre tente de commander des armes non létales, comme des pistolets à balles en caoutchouc ou un Flash-Ball. Selon les MacronLeaks, la direction de la campagne s’étonne et refuse. L’occasion pour Grégoire Potton, le directeur des affaires générales d’En marche !, d’une tentative d’analyse psychologique : « J’arrive assez bien à gérer Alex, qui est malin, écrit-il dans un e-mail à Cédric O, trésorier de la campagne et aujourd’hui conseiller à l’Elysée. Ludo, c’est une autre histoire, car il ne vient jamais en frontal. »
Après l’élection, « Alex » et « Ludo » sont restés proches. Jusqu’à ces derniers jours, on les apercevait ensemble dans les bistrots proches de l’Elysée qui bordent la place Beauvau. A l’intérieur du palais, ils suivaient ensemble et de près le projet de réforme du dispositif de sécurité du palais, visant à remplacer les gendarmes et policiers du groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) par une direction de la sécurité de la présidence de la République, future DSPR, une structure ne répondant qu’aux ordres du chef de l’Etat. Comme ses deux conseillers, aux fonctions aussi vastes que stratégiques.

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