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jeudi 9 août 2018

Le Bangladesh veut envoyer 100 000 Rohingya sur une île

8 août 2018

Le Bangladesh veut envoyer 100 000 Rohingya sur une île

Dacca s'impatiente face au nombre de réfugiés, mais les ONG l'exhortent à ne pas les transférer à Bhasan Char, régulièrement inondée

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LES DATES
9 octobre 2016
Des postes de police et de gardes-frontières birmans sont -attaqués par des hommes se revendiquant d'une nouvelle guérilla, l'Armée du salut des Rohingya de l'Arakan. En retour, l'armée lance une campagne de répression. Au moins 65 000 Rohingya sont contraints de s'enfuir au Bangladesh voisin.
25 août 2017
Nouvel assaut contre une trentaine de postes-frontières birmans. L'armée, qui avait déployé des renforts dans la région, entame une campagne d'une violence inédite : elle fait au moins 6 700 morts, nombre de femmes sont violées, les villages incendiés. Quelque 700 000 Rohingya fuient au Bangladesh.
Le projet du gouvernement du Bangladesh de déplacer une partie du million de réfugiés rohingya sur une île au large des côtes du pays commence à faire l'objet d'une controverse avec les experts, les responsables d'ONG, voire les Nations unies. Les autorités paraissent cependant bien décidées à reloger dès septembre sur cette île du golfe du Bengale environ cent mille de ces musulmans de Birmanie, qui ont été forcés à deux reprises, en  2016 puis en  2017, de s'exiler chez leurs voisins pour fuir la répression de l'armée du Myanmar.
Il y a de quoi s'alarmer du sort de ceux qui iraient vivre sur cet endroit perdu : Bhasan Char, une île formée il y a tout juste vingt ans par les alluvions de la rivière -Meghna, au sud du Bangladesh, est régulièrement inondée et pourrait disparaître sous les flots en cas de typhon, une perspective récurrente dans la région. Dans un rapport diffusé lundi 6  août, l'organisation Human Rights Watch (HRW) estime que ce déplacement aurait pour conséquence d'" isoler un peu plus " ces réfugiés. " Ils n'auraient accès qu'à des possibilités limitées d'éducation et de soins ", redoute HRW.
L'ONG regrette aussi que le gouvernement de Dacca n'ait nullement envisagé de " permettre la liberté de mouvement " pour les personnes éventuellement déplacées sur Bhasan Char – qui signifie " île qui flotte " en bengali. " Aucun réfugié ne consent à partir là-bas ", soutient l'organisation de défense des droits de l'homme. " Ils préfèrent encore mourir dans les camps qu'aller à Bhasan Char ", confirme Mohammed Ul Raffique, un responsable d'ONG locale.
Le gouvernement bangladais a dit, il y a quelques mois, que les opérations de relogement se feront sur la base du volontariat, ou que des candidats à ce nouvel exil pourraient être tirés au sort. " Ce ne sera pas un camp de concentration ", s'est défendu devant l'agence de presse Reuters H. T.  Imam, conseiller de la première ministre bangladaise, Sheikh -Hasina. Il a cependant précisé que les réfugiés seraient soumis à un certain nombre de " restrictions ", laissant entendre que, précisément, les Rohingya seraient virtuellement prisonniers.
Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a récemment fait passer un message assez clair : " Nous insistons sur le fait que tout plan de relogement impliquant les réfugiés doit se faire à la condition que ces derniers l'aient approuvé. "
La situation des centaines de milliers de réfugiés rohingya au Bangladesh – dont 700 000  arrivés depuis le terrible épisode de répression de l'été 2017 – est devenue si problématique que le gouvernement de Dacca cherche à décongestionner les camps. Celui de -Kutupalong-Balukhali, situé près de la ville de Cox's Bazar, sur la langue de terre qui court le long de la rivière Naf séparant Birmanie et Bangladesh, est désormais considéré comme le plus grand camp de réfugiés au monde.
" Les uns sur les autres "Le directeur pour les réfugiés d'HRW, Bill Frelick, a mis en garde, lundi à Bangkok, qu'avec " tous ces gens vivant les uns sur les autres, et compte tenu du fait que cela va durer des jours et des jours, toutes les conditions sont réunies pour la propagation de maladies contagieuses, de dysfonctionnements sociaux et de violences conjugales ".
L'espace moyen dont disposent les réfugiés dans les camps du Bangladesh est évalué à 10,7  mètres carrés par personne, alors que l'espace considéré comme vivable est de 45  mètres carrés, soulignent les ONG et les agences de l'ONU. Ces conditions de vie peuvent effectivement faire craindre des explosions de violence : Radio Free Asia (RFA) rapporte que 22  personnes ont été tuées dans les camps depuis un an. " Avec 4 000 policiers seulement, les autorités ne peuvent assurer la sécurité des camps situés dans les sous-districts d'Ukhia et de Teknaf ", là où sont installés la majorité des camps, a précisé RFA. " C'est vraiment très difficile de maintenir l'ordre dans une population d'un million de personnes sans emploi ", a remarqué un inspecteur de police.
Les pluies de la mousson font craindre que les précaires constructions des réfugiés, bâties à leur arrivée sur des collines naguère boisées, pourraient s'effondrer en raison des glissements de terrain. Pour l'instant, la catastrophe a été évitée, même si rien ne garantit que de tels désastres ne se produiront pas dans les prochaines semaines.
Les Rohingya ne veulent pas rentrer en Birmanie, qu'ils ont quittée sous la menace des soldats, laissant derrière eux leurs villages incendiés, et où la plupart d'entre eux se voient refuser la citoyenneté. Le gouvernement du Myanmar, de son côté, souligne qu'il lui faut s'assurer qu'aucun " terroriste " de la guérilla de l'Armée du salut des Rohingya de l'Arakan (ARSA), dont les attaques contre les forces de sécurité avaient initialement provoqué la répression, ne puisse s'infiltrer dans le flot des rapatriés. Les opérations de " vérification d'identité " devraient durer des mois.
Bruno Philip
© Le Monde

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