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jeudi 9 août 2018

Assassinat d'un pilier du programme chimique et balistique syrien


8 août 2018

Assassinat d'un pilier du programme chimique et balistique syrien

Un groupe islamiste a revendiqué l'attentat, mais Aziz Asber était aussi une cible du Mossad

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Le visage d'Aziz Asber était inconnu du grand public jusqu'à l'annonce, dimanche 5  août, par un journal proche du régime, de sa mort dans un -attentat contre son véhicule près de la ville de Masyaf, dans le centre de la Syrie. Pourtant, ce personnage paraît avoir été un pilier de l'arsenal chimique et militaire syrien. Tué avec son chauffeur, samedi soir, probablement par l'explosion d'un engin positionné sur la route qu'il empruntait, peu après avoir quitté son domicile, ce physicien de formation était une figure importante du Centre d'études et de recherches scientifiques (CERS), l'entité chargée du développement et de la production d'armes non conventionnelles, dont les armes chimiques et les missiles vecteurs.
Aziz Asber avait su se faire discret. De rares photographies de lui circulent dans la presse. On lui attribue une proximité avec le président Bachar Al-Assad, dont il aurait gagné la confiance. Il aurait également entretenu des relations étroites avec l'Iran et le Hezbollah, mouvement chiite libanais soutenu par Téhéran. Originaire de la région de Tartous – vivier de l'armée –, il était détenteur de deux doctorats et aurait notamment étudié en France. Les cadres du CERS font partie de l'élite du régime syrien mais sont soumis à une surveillance étroite. Leurs passeports sont entre les mains des services de sécurité et leurs déplacements soumis à autorisation.
Un groupe islamiste, les brigades Abou Amara, a revendiqué son assassinat. Depuis 2017, ces insurgés ont mené plusieurs attaques contre de hauts gradés syriens ou des miliciens prorégime. Mais plusieurs médias progouvernementaux voient dans cette opération la main d'Israël. Des opposants évoquent, pour leur part, l'hypothèse d'une liquidation en interne.
C'est la première fois qu'un haut responsable du CERS est ainsi éliminé sur un mode qui rappelle celui utilisé par le service secret israélien, le Mossad, à l'encontre des responsables du programme nucléaire iranien. Aziz Asber dirigeait l'antenne de Masyaf, une structure suspectée de développer des armes chimiques mais également d'abriter des usines de fabrication d'obus et de missiles de longue portée. Des experts iraniens seraient déployés dans ce centre. Ces installations ont été bombardées dans des raids attribués à Israël, dont le dernier a eu lieu le 22  juillet.
Selon le New York Times du 7  août, Aziz Asber dirigeait une unité du CERS appelée " Secteur  4 " et chargée, en liaison avec des autorités militaires iraniennes, de reconstruire une usine de fabrication de missiles et d'obus, souterraine cette fois. D'après les informations du quotidien américain, M. Asber aurait été la dernière cible en date d'une campagne d'assassinats menée par l'Etat hébreu contre les cerveaux de programmes d'armement ennemis.
L'opération " Ratafia "Cette affaire souligne l'importance du CERS, un organisme méconnu qui fait l'objet, selon nos informations, d'une grande attention des services israéliens, au moins depuis 2008. En  2010, il était accusé par le chef du bureau de lutte contre le terrorisme israélien, Nitzan Nuriel, de fournir des armes au Hamas et au Hezbollah. Une ambitieuse opération de manipulation, connue sous le nom de " Ratafia ", lancée en France par le Mossad et le contre-espionnage français, avait permis de recueillir, à partir de 2011, des renseignements précieux sur le CERS auprès d'un ingénieur syrien travaillant au service des achats.
Les éléments transmis par les Israéliens, notamment aux Américains, aux Français et aux Allemands, avaient conduit, en  2011, au gel des avoirs du CERS par le Trésor américain et l'Union européenne. Des mesures identiques avaient été prises, fin 2011, contre des sociétés-écrans utilisées par le CERS pour acheter du matériel sensible à l'étranger. En mars  2018, l'UE a ajouté à cette liste de sanctions les noms de quatre responsables liés au CERS. Aziz Asber n'y figurait pas. Néanmoins, selon une source diplomatique française, son nom était déjà connu des services de renseignement lors de l'opération " Ratafia " et comptait parmi les objectifs opérationnels du Mossad.
Des notes confidentielles françaises sur le recours par Bachar Al-Assad aux armes chimiques, notamment le sarin et le chlore, déclassifiées en  2013 et 2017, ont pointé le rôle central joué par le CERS qui aurait compté près de 10 000  employés – un effectif justifié par le fait qu'il gère également les sites de stockage répartis dans le pays. Le gouvernement israélien s'est refusé à toute déclaration, dimanche, sur la mort d'Aziz Asber.
Laure Stephan et jacques Follorou (à Paris)
© Le Monde

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