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LES TARDIGRADES Ou Tartigrada si vous préférez.
« Au cours des dernières années, les hommes les ont asséchés, congelés, autoclavés, ou encore exposés au vide de l’espace et irradiés de rayons cosmiques. Nous avons été particulièrement odieux avec eux ». Mark Blaxter, professeur à l’université d’Edimbourg. On les surnomme parfois les oursons d’eau, à cause de leurs griffes. Mais il serait sans doute plus juste de les baptiser « survivants de l’extrême ». Quel que soit le destin de l’Univers, Big Crunch ou Grand Gel, ils tiendront encore le coup un moment alors que tout le vivant aura disparu… Le premier qui, en 1773, les a identifiés et décrits, est le zoologiste allemand Johann August Ephraim Goeze. En 1776, le biologiste italien Lazzaro Spallanzani leur a donné un nom : Tardigrada ou « marcheur lent ». Ces fantastiques bestioles se déplacent donc lentement et de pataude façon sur quatre paires de pattes et ne mesurent en moyenne qu’un demi-millimètre. En milieu d’année 2017, une plongée dans les arcanes de l’ADN du tardigrade a permis d’en percer certains mystères. Les quelque mille espèces de tardigrades sont toutes prêtes à affronter des conditions de vie a priori intolérables. Ils résistent avant tout à la sécheresse et sont capables de végéter plusieurs dizaines d’années en l’absence d’eau. Leur taux d’hydratation peut s’écrouler à seulement 3 % en cas de froid extrême. Ils tolèrent en effet une température de − 200 °C et moins encore (le zéro absolu équivaut à -273,15°C) pendant quelques jours, et s’assécher leur permet d’éviter de finir en glaçon. Evacuer l’eau de leur organisme est aussi le moyen pour les tardigrades d’éviter l’éclatement, alors que plusieurs minutes à + 151 °C ne les condamnent pas au néant. Le record en laboratoire est, jusqu'en 2015, de 9 ans passés dans un état de cryptobiose (ou de mort clinique si vous voulez), après lesquels les tardigrades sont revenus à la vie. L’année suivante, on annonce que deux tardigrades et un œuf sont réanimés après avoir passé 30 ans et demi en cryptobiose, à la température de −20 °C ! Rien ne leur fait donc peur : sécheresse, températures extrêmes, mais aussi toxines, hautes pressions – plusieurs milliers d’atmosphères – ou vide quasi absolu, comme c’est le cas dans l’espace. Des expériences dans ce milieu ont d’ailleurs ajouté à la liste de ces pouvoirs prodigieux les dons d’affronter radiations et absence d’oxygène. On ne connaissait pas trop bien la place du tardigrade dans le monde animal. On savait que ses deux voisins les plus proches dans la classification du vivant sont les arthropodes (insectes, araignées, crustacés…) et les nématodes ou vers ronds. Mais maintenant, on le sait. Les généticiens ont établi un lien génomique étroit unissant en effet tardigrades et nématodes. Ah ! En attendant, les tardigrades vivent un peu partout de par le monde, mais préfèrent les secteurs où l’on trouve de la mousse. On les trouve aussi sur les hauteurs de l’Himalaya, à plus de 6 000 mètres d’altitude, dans les eaux par 4 000 mètres de profondeur, dans les régions polaires etc. Ils sont aussi dans les sables, dans les mousses des toitures, sur des sédiments marins ou d’eau douce… Les tardigrades ne mangent pas que de la mousse et du lichen, mais peuvent manger également leurs cousins nématodes. Ils sont même parfois cannibales. Cela dit, après avoir arpenté les chemins de l’ADN des tardigrades, les chercheurs vont désormais pouvoir étudier les protéines qui assurent les facultés de survie inouïes de ces animaux. Ce qui pourrait ouvrir la voie à des applications médicales inédites. Voilà qui promet… Ci-dessous : Johann August Ephraim Goeze et un spécimen de tardigrade. |
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