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mercredi 22 août 2018

La résurgence de l'Etat islamique en Irak


19 août 2018

La résurgence de l'Etat islamique en Irak

Le retard pris dans la reconstruction pourrait accroître le ressentiment des populations sunnites

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Plus une semaine ne passe en Irak sans une nouvelle attaque contre des civils ou des membres des forces de sécurité. Neuf mois après la proclamation de la victoire militaire contre l'organisation Etat islamique (EI), en décembre  2017, le groupe djihadiste connaît une résurgence. Dans les villages proches de Tarmiya, une ville sunnite à moins d'une heure de route au nord de Bagdad, des membres de l'EI, terrés dans cette campagne riche en vergers, sèment à nouveau la confusion parmi la population.
" Le centre de Tarmiya est calme, mais de temps en temps, Daech - acronyme arabe de l'EI -cible des civils et les forces de sécurité dans les environs, confie au téléphone un ingénieur de la ville, qui a souhaité garder l'anonymat. Ce type d'attaque augmente. Nous qui pensions avoir retrouvé la tranquillité, nous voyons la situation se dégrader jour après jour. " Il ne fait aucun doute, estime-t-il, que les djihadistes sont des gens de la région : " On ne sait pas exactement qui ils sont, mais on sait qu'ils se cachent dans les vergers très denses, dans des maisons isolées où ils peuvent recomposer leurs cellules. "
Depuis la prise de contrôle de près d'un tiers de l'Irak par l'EI en juin  2014, les forces de sécurité ont plusieurs fois démantelé des réseaux de financement djihadiste alimentés par les fermes piscicoles de cette région qui, sans être passée sous leur contrôle, a toujours été une zone grise. De petites cellules clandestines s'y déplacent librement, n'affichant ni drapeau ni aucun autre signe d'appartenance à l'EI. Elles n'hésitent plus à rançonner la population.
" Il y a un mois, j'ai eu écho que des membres de Daech appelaient des habitants, les menaçant de les tuer s'ils ne leur versaient pas une rançon, indique l'ingénieur. Il y a eu plusieurs cas, dont mon cousin. Ils ciblent les riches, les commerçants comme au temps d'Al-Qaida en Irak. Sauf qu'aujourd'hui, ils ne demandent plus 50 000  à 100 000 dollars - environ 45 000  à 90 000  euros - comme avant, mais de petites sommes de l'ordre de 5 000  dollars qui sont collectées par des femmes entièrement voilées. "
Deux mouvements autonomesTarmiya est l'un des points chauds du retour djihadiste dans le pays. Pour le spécialiste irakien de ces mouvements, Hisham Al-Hashimi, " Daech réplique le modèle de guérilla appliqué par Al-Qaida en Irak dans les années 2010. Mais peut-être que, dans deux à trois ans, on pourrait revenir au schéma d'occupation de villes. "
Une analyse partagée par les généraux de la coalition internationale, encore active dans le ciel irakien. Ceux-ci " estiment que les forces irakiennes ont la capacité de contenir cette menace, sans en venir à bout, confie un diplomate -occidental. Comme au temps d'Al-Qaida en Irak, les djihadistes continueraient d'exercer leur influence sur certaines zones sans les contrôler, menant des attaques et rackettant les populations. Cela nous inquiète pour la stabilité de l'Irak, notamment la reconstruction des zones libérées. " A défaut d'avancées sur ce dossier et celui de la réconciliation nationale, le ressentiment pourrait croître chez les populations sunnites et inciter à de nouveaux ralliements.
Ce diplomate déplore le sentiment de " mission accomplie " qui domine parmi les forces de la coalition. En juillet, le président des Etats-Unis Donald Trump, dont le pays est le principal contributeur à la coalition anti-EI, avait ainsi assuré que la bataille contre l'EI était " à 98  % "achevée, tandis que les troupes américaines en Irak ont déjà été réduites de 5 200 à 4 500 soldats. Or, depuis six mois, les signes d'une nouvelle dégradation sécuritaire se multiplient.
L'EI a opéré sa restructuration en deux mouvements autonomes, estime Hisham Al-Hashimi. Selon lui, 1 000 djihadistes sont regroupés au sein du " mouvement des provinces ", présents, avec leurs familles, à Tarmiya, mais aussi dans la ceinture de Bagdad, l'ouest de Diyala, Tikrit et Baiji, ou la partie ouest de Mossoul et Tall Afar, dans le nord de l'Irak. Ces djihadistes, souvent issus des services secrets de l'EI, qui avançaient sous couverture ou masqués pendant le règne djihadiste et n'ont pas combattu, ne sont connus ni des forces de sécurité ni des habitants.
" La population a peur "" Il y a des villages sous le contrôle de l'Etat le jour et de Daech la nuit, quand les forces de sécurité se retirent, explique M. Hashimi. Ils attaquent ces dernières, tuent et rackettent des familles qui ont collaboré avec elles. Des personnes corrompues au sein des forces de sécurité transmettent à Daech les noms de ces familles. La population ne veut pas collaborer avec eux, mais elle a peur et n'a pas le choix. " L'expert, qui n'exclut pas que le groupe cherche à mener une attaque d'ampleur, dénonce le laxisme des autorités. " Les forces de sécurité disent agir, mais ce n'est pas le cas. "
L'autre branche du groupe, que M. Hashimi nomme " les vestiges " (fouloul), se composerait d'environ 2 000 combattants, des " soldats de l'ombre " à 99  % Irakiens connus des forces de sécurité, et actifs dans quatre " triangles de la mort " : les monts Hamrin, traditionnel repli djihadiste à cheval sur les provinces de Diyala, Salahaddin et Kirkouk ; la région de Samarra plus au sud, traversée par l'autoroute qui relie Kir-kouk à Bagdad, qui est régulièrement la cible d'embuscades et de kidnappings ; ainsi que les zones désertiques autour d'Al-Baaj et de l'Anbar dans l'Ouest, le long de la frontière avec la Syrie.
" Ils occupent des villages à l'abandon, qu'ils utilisent comme base de vie et d'entraînement, sans planter de drapeau, décrit M. Hashimi. Ils vivent en petits groupes d'une dizaine, sans téléphone. Les femmes et les personnes âgées assurent leurs échanges avec l'extérieur. Ils se  déplacent en motos puissantes, pour s'infiltrer partout sans être repérés par les avions de la coalition, qui ne frappent pas de si petites cibles. " Pour l'expert, la décision des autorités de Bagdad d'empêcher le retour des réfugiés et des tribus dans ces villages, sous des motifs sécuritaires ou confessionnels, participe au  problème, laissant le champ libre aux djihadistes dans ces régions.
Hélène Sallon
© Le Monde



19 août 2018

De 20 000 à 30 000 djihadistes encore actifs, selon l'ONU

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Dépossédée de son " califat " autoproclamé depuis fin 2017, l'organisation Etat islamique (EI) est loin d'être défaite sur le terrain. Le groupe djihadiste pourrait encore dénombrer de 20 000  à 30 000 combattants en Irak et en Syrie, selon un rapport des Nations unies dévoilé lundi 13  août. Ces estimations convergent avec celles de l'inspecteur général américain qui, citant des chiffres du ministère de la défense, fait état de 15 500 à 17 100 combattants en Irak et 14 000 en Syrie, dans un rapport pour la période d'avril à juin. A son apogée, en  2015, l'EI comptait 100 000 combattants, dont 30 000 étrangers.
" Il reste une partie importante des milliers de combattants terroristes étrangers ", précise le rapport rédigé par des observateurs de l'ONU. Le nombre de djihadistes qui quittent le territoire contrôlé par l'EI " reste plus bas qu'attendu "." Nombre d'entre euxse sont rendus en Afghanistan ", où les principaux responsables de l'organisation djihadiste opèrent désormais.
" Le combat n'est pas terminé "Le flux de combattants étrangers rejoignant l'EI s'est en revanche tari, notent encore les experts de l'ONU. Ces derniers estiment qu'entre 3 000  et 4 000 combattants sont toujours basés en Libye, tandis que le groupe dispose de moins de 500 hommes au Yémen, contre plus de 6 000 pour son concurrent, Al-Qaida.
Des sources au sein de la coalition internationale anti-EI ont jugé ces estimations " élevées ". Toutefois, a reconnu le commandant Sean Robertson, porte-parole du Pentagone, auprès de la chaîne américaine CNN, " ce qui compte, c'est la capacité et les intentions de l'EI à l'échelle mondiale : le combat n'est donc pas terminé ". Si l'Etat islamique a perdu son assise territoriale, après avoir été chassé de Mossoul et de Rakka, il est " toujours capable de mener des attaques sur le territoire syrien. Il ne contrôle plus totalement de territoire en Irak, mais reste actif grâce à des cellules dormantes ", poursuit le rapport de l'ONU. Selon ses experts, en dépit de pertes majeures au sein de sa direction, l'administration, que contrôle encore son chef, Abou Bakr Al-Baghdadi, est pour l'essentiel intacte.
Hé. S.
© Le Monde

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