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mercredi 22 août 2018

Electricité : pourquoi les prix ne baissent pas


19 août 2018

Electricité : pourquoi les prix ne baissent pas

Sur un marché français où de nouveaux acteurs ont émergé, 81 % des clients particuliers sont fidèles à EDF

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Onze ans. Depuis le 1er  juillet 2007, les -particuliers peuvent changer de fournisseur d'électricité et faire des infidélités à EDF. Mais, alors que de nouveaux acteurs comme Leclerc, Total ou CDiscount se sont lancés ces derniers mois sur ce marché, l'opérateur public -historique conserve 81  % des clients particuliers.
C'est un paradoxe qui déconcerte les fervents adeptes de l'ouverture des marchés : dans d'autres secteurs, comme les télécommunications, la libéralisation a entraîné une baisse des tarifs et l'ascension rapide de -nouveaux acteurs – avec à la clef une sauvage guerre des prix.
Certes, la forteresse EDF donne des signes de faiblesse. Selon les derniers chiffres publiés par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), au premier trimestre, le groupe public fait face à une érosion lente mais continue de ses clients. Depuis un an, EDF perd environ 100 000 abonnés par mois au profit de ses concurrents, mais conserve la part du lion : plus de 26  millions de clients sont toujours chez EDF et s'acquittent des tarifs réglementés de vente (TRV), fixés par l'Etat.
Les fournisseurs alternatifs -proposent pourtant, en général, des tarifs inférieurs à ceux d'EDF, et résilier un contrat est désormais très simple et sans engagement. Pourtant, les prix de l'électricité sont en hausse continue en France depuis plus de dix ans, même s'ils restent parmi les plus bas en Europe.
Seulement voilà : la différence se fait sur un tiers de la facture seulement. Les deux autres tiers sont identiques pour tous les fournisseurs, et servent à payer les taxes et le transport d'électricité. Un détail d'importance pour les consommateurs : les offres promettant des prix inférieurs de 15  % ne concernent que cette partie de la facture.
Gains parfois peu significatifsSelon des simulations effectuées par le médiateur de l'énergie, " lorsque la publicité d'un fournisseur annonce “moins 10  %”, la baisse n'excède pas 7  % ". Résultat : les gains sur la facture sont parfois peu significatifs.
Pour les fournisseurs alternatifs d'électricité, le jeu est truqué par l'existence même de ces tarifs -régulés, dont ils demandent la fin, à coups de procédures judiciaires, depuis des années. Dernière décision en date : le Conseil d'Etat a confirmé, en mai, le maintien en l'état de ces barèmes, à la satisfaction d'EDF. La même juridiction a pourtant annulé les tarifs réglementés du gaz, même si cette décision mettra cinq ou six ans à être mise en œuvre.
" Quand on ouvre un marché, on ne peut pas vivre éternellement dans un système dual avec d'un côté un marché et de l'autre des -tarifs réglementés ", déplore l'ancien président de la CRE, Philippe de Ladoucette. Au contraire, les partisans des tarifs réglementés, comme l'UFC-Que choisir, estiment qu'ils permettent aux -consommateurs d'avoir une référence, et de comparer les offres.
Un Français sur deux ignore encore qu'il peut changer de fournisseur, selon le rapport annuel du médiateur de l'énergie, qui souligne que cette proportion n'a pas bougé depuis 2012. Une majorité de Français ne parvient pas à citer un autre fournisseur que le sien. " Cette méconnaissance persistante peut surprendre, alors que l'arrivée de nouveaux fournisseurs s'est accompagnée de campagnes de publicité donnant de la visibilité au marché ", souligne Caroline Keller, chef du service information et communication du médiateur.
" Les gens qui restent chez EDF ne le font pas tous par choix délibéré, car s'ils regardaient attentivement, dans la mesure où il est très facile de changer de fournisseur, je ne vois pas pourquoi ils souhaiteraient payer 8  % à 10  % plus cher ", estime Philippe de Ladoucette.
Plusieurs fournisseurs alternatifs déplorent que les pouvoirs publics n'informent pas plus le public de la possibilité de changer. " Ils n'ont qu'à le faire eux-mêmes ", peste un dirigeant d'EDF, qui souligne qu'" en  2017, 10  millions de nos clients ont été démarchés par des concurrents ! C'est quasiment du harcèlement. "
Le groupe sait que le nombre de ses clients va continuer à diminuer. Et même si cette perte est relative, ses effets commencent à se faire sentir sur ses comptes. La stratégie : limiter les départs de clients ; prendre des parts de marché dans le gaz, chasse gardée du rival Engie ; et développer des services. " Moins de clients, mais plus de valeur par client ", résume un baron d'EDF, qui assure que 200 000 personnes sont revenues à  EDF après être parties à la concurrence. Sa réponse est jugée trop timide en interne par certains, qui aimeraient que l'entreprise -propose des offres plus attractives.
Pratiques douteusesLe groupe public tente de résister à la concurrence très active d'Engie, et affronte en même temps l'arrivée de Total, qui vient de -racheter Direct Energie et ses 2  millions de clients.
Face à cette concurrence accrue, EDF tente de réduire ses coûts en fermant des boutiques, en réduisant ses équipes chargées de la commercialisation, et en confiant de plus en plus de tâches à des sous-traitants en France. La précision est d'importance : la plupart de ses concurrents misent sur une délocalisation de leurs centres d'appels pour proposer des offres plus attractives.
C'est le cas d'Engie, qui s'appuie sur des centres au Maroc et au Portugal, au  grand dam des syndicats. " Nous sommes dans une logique d'adaptation : il y a une baisse des appels, les concurrents ont mas-sivement délocalisé hors de France, et nous devons rester compétitifs ", justifie Hervé-Matthieu Ricour, qui dirige la branche commerce d'Engie. Direct Energie assure -également les deux tiers de son service client depuis le Maroc.
Cette difficile bataille de compétitivité entraîne aussi des pra-tiques commerciales douteuses. Plusieurs acteurs, dont Engie, Total et Direct Energie, ont été montrés du doigt pour pratiques mensongères et démarchage agressif, ces derniers mois, par les associations de consommateurs et le médiateur de l'énergie.
Nabil Wakim
© Le Monde



19 août 2018

Ce que cache la bataille des " offres vertes "

Les fournisseurs proposent tous de l'électricité produite à partir des renouvelables. Les consommateurs ont du mal à s'y retrouver

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Tous au vert ! Depuis deux ans, les fournisseurs d'électricité rivalisent de publicités alléchantes promettant une électricité " propre ". En lançant son offre, Total Spring, il y a près d'un an, le groupe pétrolier Total a assuré que toute l'électricité fournie à ses clients serait d'origine renouvelable. Chez Engie, tous les nouveaux clients sont automatiquement passés à l'offre verte, qui compte plus de 1,5  million d'abonnés. Ces propositions sont présentées comme inférieures aux tarifs réglementés de vente, commercialisés par EDF.
Même EDF, qui a longtemps été réticent à cette idée, propose -depuis quelques mois deux offres vertes. L'une permet de faire des économies en décalant une partie de sa consommation électrique le week-end, l'autre certifie que l'électricité est verte, mais avec un tarif plus cher que le Tarif bleu d'EDF, celui du tarif -réglementé.
S'agit-il d'un argument commercial ou d'une véritable alternative ? Il faut d'abord comprendre que cette promesse est -généralement indirecte. Concrètement, l'électricité qui arrive au consommateur n'est pas produite directement par des éoliennes, des barrages ou des panneaux solaires. Le fournisseur achète leur électricité à des producteurs (en France, principalement EDF), puis compense l'équivalent en achetant des certificats de garantie d'origine d'une -électricité produite à partir de sources renouvelables. Même si elle concerne le marché français, cette compensation peut être effectuée au niveau européen.
C'est d'ailleurs l'un des reproches faits à ce système de certificats de garanties d'origine : des consommateurs qui voudraient contribuer à la transition énergétique en France et choisir une offre verte achèteraient indirectement leur électricité à des barrages norvégiens et/ou suisses. Certains fournisseurs, comme Total, s'engagent à acheter des certificats correspondant à de la production en France. Mais le groupe vient de racheter Direct Energie, et n'a pas précisé s'il maintiendrait cette offre une fois les deux groupes fusionnés.
Dans les faits, la quasi-totalité de cette énergie verte est produite par des barrages hydro-électriques, même pour des -fournisseurs 100  % renouvelables comme Ekwateur. Le nucléaire, énergie qui ne produit quasiment pas de CO2, n'est pas considéré comme " vert " et n'entre pas dans ce dispositif.
Manque de transparenceSeuls quelques acteurs de taille plus modeste, comme la coopérative Enercoop, certifient que leur électricité provient intégralement ou en partie d'énergies -renouvelables. Le modèle est alors très différent : Enercoop travaille en direct avec une centaine de petits producteurs locaux, qu'il s'agisse de fermes éoliennes, de petits barrages hydrauliques ou d'installations photovol-taïques. " C'est une démarche de commerce équitable ", explique son président Emmanuel Soulias. Cette logique militante a su séduire plus de 50 000 clients, dont le ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot. Les offres d'Enercoop sont pourtant plus chères de 15  % que le tarif réglementé d'EDF.
Le foisonnement des offres vertes rend toutefois prudentes les associations de consommateurs. " Il y a encore beaucoup de pédagogie à faire sur ce sujet ", estime-t-on chez l'UFC-Que choisir. " Ces options manquent de transparence pour les consommateurs ", relève Caroline Keller, responsable de la communication au -Médiateur de l'énergie, dans le rapport annuel de l'institution.
Si tous les fournisseurs notent que ces offres correspondent à une tendance de fond dans la société, une électricité verte est loin d'être le principal critère pour les consommateurs en France. Selon un sondage IFOP réalisé pour le fournisseur ENI en avril, seuls 11  % des Français jugent que souscrire à une offre verte est le motif premier pour changer de fournisseur, et 45  % citent d'abord le prix. " Sur le comparateur Energie-Info, - le site indépendant mis en place par le médiateur de l'énergie pour informer sur les offres - , seules 3  % des recherches s'effectuent en sélectionnant le critère offres vertes ; l'écrasante majorité des consul-tations se fait par l'entrée prix ", explique Caroline Keller.
Na. W.
© Le Monde

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