Le jeune couple connu pour avoir été molesté par Alexandre Benalla sur la place de la Contrescarpe, dans le 5e arrondissement de Paris, le 1er mai, est vierge d'antécédents judiciaires, n'a pas cherché à dissimuler son identité et n'a pas provoquéde violences " graves " et " répétées " contre les CRS massés sur les lieux. C'est du moins ce qu'ont indiqué deux services de police au procureur de la République de Paris, François -Molins, dans des courriers dont Le Monde a pris connaissance.
Le 1er mai, peu avant 20 heures, un jeune homme de nationalité grecque, travaillant à Paris comme cuisinier, et une jeune graphiste française, vivant ensemble dans la banlieue sud de Paris, se trouvent sur cette place touristique du Quartier latin, où quelques dizaines de manifestants se sont donné rendez-vous. Un petit groupe de CRS charge en direction de la fontaine, au centre de la place, sans viser directement le jeune couple. Tous deux lancent alors des objets sur les forces de l'ordre, y ajoutant un bras d'honneur et un index menaçant.
C'est à ce moment qu'Alexandre Benalla, adjoint du chef de cabinet d'Emmanuel Macron, et -Vincent Crase, gendarme réserviste employé régulièrement par l'Elysée (et dont on sait aujourd'hui qu'il était armé), entrent en scène. Les coups pleuvent sur le jeune homme, comme en témoigne une vidéo désormais fameuse.
Relâché sans poursuitesLe 25 juillet, une semaine après que
Le Monde a identifié sous son casque l'auteur des coups et que l'Elysée a convenu qu'il s'agissait de M. Benalla, le procureur de la République de Paris avait adressé une lettre au directeur de la -direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne -(DSPAP). Le magistrat -demandait à Frédéric Dupuch de
" préciser " pourquoi ces deux trentenaires de la Contrescarpe
" n'avaient pas été mis en cause pour les faits commis contre les forces de l'ordre ce jour-là " et pourquoi
" aucune procédure " n'avait été
engagée contre eux. Dans la foulée, M. Molins avait annoncé une enquête préliminaire sur ces violences commises le 1er mai contre des policiers.
Dans sa réponse, datée du 26 juillet, M. Dupuch
" déplore " que le jeune couple brutalisé n'ait pas été déféré. Selon lui,
" rien de spécifique n'a été décidé " les -concernant, mais " l'Evangile " – comme on appelle ce centre de police proche de la gare du Nord où ont été regroupées les personnes interpellées à l'issue des incidents du 1er mai -, étant débordé ce soir-là,
" priorité - avait -
été donnée aux individus suspectés d'avoir participé aux actions les plus violentes, porteurs d'armes, de vêtements noirs, foulards, accessoires de dissimulation, c'est-à-dire les potentiels membres des black blocs ", nombreux quelques heures plus tôt boulevard de l'Hôpital et autour de la Bastille. Ce qui n'était pas le cas du couple interpellé place de la Contrescarpe.
" Les violences de la place de la Contrescarpe ne revêtaient pas la même intensité,ajoute le patron de la DSPAP.
De surcroît, - les deux jeunes gens -
n'avaient aucun antécédent au TAJ ", le fichier d'antécédents judiciaires de la police et de la gendarmerie. Le couple est donc relâché sans poursuites, avec vingt et une autres personnes.
" Nom bidon "Visiblement insatisfait de ces explications, le parquet de Paris a réclamé le 26 juillet des détails supplémentaires à un autre service de police, la sûreté territoriale de Paris. Ses responsables confirment que, le 1er mai, il a été décidé de
" prioriser " les gardes à vue de militants susceptibles d'appartenir à la
" mouvance black bloc ". Pour les autres personnes, si les -fiches rédigées lors de leur interpellation ne faisaient
" pas état d'infractions de violences volontaires graves ou répétées " à l'encontre de la police
" ou d'atteintes particulières ou dangereuses ", -elles ont été relâchées, détaillent les deux officiers de -police judiciaire dans leur rapport.
Celle du jeune restaurateur de la Contrescarpe est rédigée par Maxence Creusat, l'un des trois policiers mis en examen pour " violation du secret professionnel " et " détournement d'images " après qu'il a fourni des vidéos de la Préfecture de police à Alexandre Benalla, soucieux de préparer sa défense. Sur la fiche d'interpellation, M. Creusat évoque un
" jet de projectiles (deux bouteilles de bière) ", mais précise que le CRS visé
" ne dépose pas plainte " contre le jeune homme de 29 ans, né à Thessalonique, qui décline dès son arrestation ses date de naissance, nom et prénom, reportés à la main par le commissaire (avec deux petites coquilles). L'orthographe est rectifiée le soir même, peu après 22 heures, à " l'Evangile ".
Contrairement à ce que de nombreux protagonistes de " l'affaire " et plusieurs médias ont rapporté, le couple n'a jamais dissimulé ni son adresse ni son identité. La jeune femme de 30 ans a présenté ses papiers à Philippe Mizerski, le commissaire en civil chargé d'accompagner Alexandre Benalla au cours de son " observation " : c'est lui qui rédige sa fiche – entièrement renseignée – place de la Contrescarpe, à 20 h 05, comme pour son compagnon.
Dans des textos adressés le lendemain de la manifestation par Laurent Simonin, chef d'état-major à la Préfecture de police, à Alexandre Benalla, celui-ci disait pourtant à tort que le jeune restaurateur avait
" donné un nom bidon… celui d'un basketteur de Salonique ". Le 25 juillet, devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, le préfet de police, Michel Delpuech, avait aussi expliqué que les deux trentenaires
" n'avaient pas de papiers sur eux " et avaient
" déclaré de fausses identités ".
Ariane Chemin
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