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Affaire Benalla : le jeu de piste entre les enquêteurs et la compagne
||22 août 2018, 20h17|MAJ : 23 août 2018, 6h06
Alexandre Benalla avait dû annuler son mariage alors qu’il était placé en garde à vue. Celle qui aurait dû être son épouse, Myriam, interesse les enquêteurs. Mais ils n’ont toujours pas pu l’interroger.
Pendant la garde à vue de l’ex-conseiller d’Emmanuel Macron, la police judiciaire a mobilisé de gros moyens pour interroger Myriam, sa future épouse. En vain.
La cérémonie, les fleurs, les petits fours… Tout était prêt pour le lendemain. Mais le vendredi 20 juillet, Alexandre Benalla comprend qu’il devra reporter son mariage avec sa concubine Myriam : le jeune adjoint au chef de cabinet d’Emmanuel Macron, chargé à 26 ans des questions de sécurité, se retrouve en garde à vue dans les locaux de la police judiciaire. Le parquet de Paris vient alors d’ouvrir une enquête : le 1er mai, déguisé en policier, il avait pris l’initiative d’arrêter un jeune Grec et son amie française, place de la Contrescarpe.
En apparence, la future épouse n’est qu’un personnage très secondaire de l’affaire. Rien n’implique en effet Myriam dans les violences. Mais pour la retrouver, les enquêteurs de la Brigade de répression de la délinquance à la personne (BRDP) se sont donné beaucoup de mal, déployant des techniques habituellement dévolues à la lutte contre la criminalité organisée. Y compris une « géolocalisation » (suivi à distance à partir des appels émis et reçus par un téléphone portable). Il s’agissait manifestement de comprendre comment le coffre-fort d’Alexandre Benalla avait pu disparaître de leur domicile commun.
Les tensions ont commencé dès le début de la garde à vue. Ainsi, lorsqu’on notifie ses droits à Alexandre Benalla, celui-ci réclame un entretien avec son amie qui, à 32 ans, vient de donner naissance à leur premier enfant. Il essuie un refus. Mais paradoxalement, il refuse de dire où se trouve sa concubine. Pourquoi un tel silence ? « Pour la protéger », répond-t-il. De même, il ne dira pas aux policiers comment la joindre. Sur procès-verbal, les enquêteurs, agacés, déplorent « le manque de coopération de Monsieur Benalla, qui a refusé de communiquer les coordonnées de son épouse ».
La disparition d’un coffre-fort en question
Dès le 20 juillet au soir, les policiers entendent se rendre au domicile du couple, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) pour le perquisitionner. « Acceptez-vous de nous délivrer [cette] autorisation ? » demande un policier à Benalla. Ce dernier accepte, mais précise aussitôt : « Je tiens juste à dire que je n’ai pas les clés avec moi. La seule personne qui a les clefs de mon domicile est ma femme qui, à cette heure, est certainement partie à l’étranger se reposer et fuir les journalistes avec notre bébé. »
À l’étranger ? Magistrats et policiers flairent une excuse de circonstance. Les enquêteurs se rendent au domicile avec l’intention de forcer la serrure. Manque de chance, la porte est munie d’un système, inviolable sans équipement spécialisé. À 21 heures, rattrapés par l’heure légale, ils se contentent de déposer des scellés avant de tourner les talons.
Les enquêteurs sont de retour le lendemain où ils réussissent cette fois à forcer la porte avec un serrurier. Mais là stupeur : un coffre-fort a disparu. Devant les juges, Alexandre Benalla évoquera spontanément le « malaise » des enquêteurs devant l’absence de cette armoire-forte où étaient remisées ses armes, trois pistolets automatiques et un Remington, toutes détenues légalement. Impossible de savoir si le coffre ne contenait pas d’autres éléments intéressants pour l’enquête.
À Paris, elle annulait les formalités du mariage
Dans une déclaration aux juges, Benalla cherche à dissiper le malentendu : « Le 19 juillet, ma femme m’a appelé pour me dire qu’il y avait plein de journalistes devant la maison et dans le couloir. J’ai demandé à un ami d’aller chercher ma femme et de récupérer tout ce qui pouvait être volé, des objets de valeur et notamment les armes. » Il a, depuis, restitué lui-même les pistolets, mais Myriam apparaît comme un témoin central dans cette volatilisation de coffre.
D’ailleurs, à partir du retour de perquisition, le 21 juillet dans la matinée, la justice lance la grande offensive pour la retrouver : passage de son nom dans les fichiers de police, réquisitions bancaires, identification de sa voiture, une Twingo… Même des PV d’excès de vitesse, photos de flashs compris, sont exhumés. Les policiers effectuent aussi des vérifications pour savoir si la jeune femme s’est présentée à une quelconque « plateforme d’embarquement » dans un aéroport : RAS. Aucune réservation de vol à son nom n’est découvert. Une commissaire envisage de retourner en perquisition pour saisir son contrat de travail, s’attirant le courroux d’Alexandre Benalla. Une réquisition téléphonique est même adressée en urgence auprès des principaux opérateurs.
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En fait de séjour « à l’étranger », la géolocalisation de la future épouse montre qu’elle se trouve vraisemblablement… dans le XVIe arrondissement, où le téléphone qui lui est attribué émet depuis une borne située avenue Foch. L’examen des appels passés et émis montre une intense activité. Ils sont destinés, semble-t-il, à annuler les formalités du mariage. Les policiers, qui obtiennent enfin l’adresse électronique de Myriam par la mairie d’Issy, lui adressent un courriel pour « une prise de contact ».
Au cours de sa garde à vue, le jeune conseiller élyséen s’offusque d’un tel acharnement : « Je m’interroge sur l’opportunité de faire des recherches sur ma femme qui n’a rien à voir dans toute cette histoire. Elle est déjà assez chamboulée. » Myriam n’a toujours pas été entendue. Contactée par notre journal, cette dernière n’a pas donné suite.
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