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lundi 30 juillet 2018

Mali Ag Ghali, l'ennemi numéro un de la France


29 juillet 2018

Mali Ag Ghali, l'ennemi numéro un de la France

Ce notable touareg, fin stratège, est devenu le chef incontesté du djihad au Sahel. Paris et Washington traquent cet ancien bon vivant qui lança son odyssée meurtrière en manipulant les groupes rebelles, les pouvoirs, à Bamako et à Alger, et les Occidentaux

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Il a connu le Paris branché, la Libye de Kadhafi, les beaux quartiers de -Bamako… Iyad Ag Ghali est revenu s'enfermer dans son désert, où ce guerrier s'est condamné à tuer et à mourir. Le poète inspiré d'autrefois s'applique désormais à instrumentaliser des versets du Coran pour justifier sa grande odyssée meurtrière qu'il appelle " djihad ".
Il mène une existence clandestine, fuyant les téléphones portables, ne se déplacerait qu'à dos de dromadaire ou à moto. Nul ne peut vivre seul dans le Sahara. Lui coordonne de discrets émissaires qui transmettent ordres et messages à ses soldats. Parmi ses anciens frères d'armes, certains assurent qu'il s'entoure d'enfants pour lui tenir compagnie, et se protéger des missiles. D'autres jurent qu'il erre avec un cheptel dans l'immensité saharienne, déguisé en berger, quelque part autour de la frontière séparant l'Algérie de son pays, le Mali.
Iyad Ag Ghali a aujourd'hui 60 ans, et il écrit la dernière page de sa vie, une existence -rythmée par les luttes armées et les négociations politiques au nom des siens, les Touareg. Sa dernière arme est le terrorisme au nom -d'Allah. A la tête d'une alliance d'unités djihadistes affiliées à Al-Qaida, -baptisée -" Jamaat Nosrat al-Islam wal-Mouslimin " (JNIM, Groupe de soutien à l'islam et aux -musulmans), Iyad Ag Ghali est devenu l'homme le plus recherché du Sahel. Paris comme Washington le traquent.
Il a revendiqué le double attentat qui a frappé, le 2  mars, l'ambassade de France et l'état-major général des armées à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. Il s'est aussi attribué la responsabilité de l'attaque du 29  juin contre le nouveau quartier général de la force du G5 Sahel – qui réunit des soldats du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad –, à Sévaré, dans le centre du Mali. C'est encore lui qui revendique l'attaque à Gao, dans le nord du Mali, contre une patrouille de militaires français, le 1er  juillet, jour d'ouverture du 31e  sommet de l'Union africaine.
Pourquoi ce notable touareg a-t-il basculé dans le radicalisme religieux et l'extrême violence ? Comment ce combattant, avide de pouvoir, est-il parvenu à se hisser à la cime de la nébuleuse djihadiste sahélienne, à déstabiliser une région entière, tout en tenant tête à cinq armées locales, ainsi qu'à la plus grande intervention militaire extérieure française de notre époque ? Retour sur un parcours hors du commun.
Fantassin de KadhafiIyad Ag Ghali n'a qu'une vingtaine d'années au mitan des années 1980, mais déjà l'expérience de la guerre. Dix ans plus tôt, ce fils d'éleveur, issu de la puissante tribu touareg des Ifoghas, qui règne sur une partie du nord du Mali, avait fui cette région, délaissée par Bamako et sinistrée par les sécheresses, pour rejoindre la Libye pétrolière de Mouammar Kadhafi. Ce pays offrait alors à la jeunesse du désert des petits boulots, la nationalité, voire l'accès à l'université. Après un passage dans les camps d'entraînement militaire libyens, certains pouvaient aussi intégrer la Légion islamique du colonel Kadhafi. C'est l'option choisie par Iyad Ag Ghali, qui entame alors une carrière de fantassin.
A l'été 1982, il est envoyé au Liban pour prêter main-forte aux fedayins palestiniens, pris au piège dans Beyrouth assiégé par l'armée israélienne. Le jeune Touareg, réputé charismatique et bon vivant, découvre la guerre. A son retour en Libye, il n'évoque ni les bombardements meurtriers ni la violence, se limitant à des récits froids et des considérations stratégiques. Il continue de servir, au Tchad et ailleurs, le maître fantasque de Tripoli, dont il se méfie. S'il a endossé l'uniforme du mercenaire, il n'en a pas oublié son propre objectif : faire des populations marginalisées du nord du Mali des citoyens à part entière.
Comme toute sa génération, il a grandi avec le récit des massacres perpétrés contre les siens par l'armée malienne, lors de la première rébellion touareg (1962-1964). Iyad Ag Ghali a soif de vengeance. Kadhafi et ses pétrodollars peuvent lui être utiles, à condition de refréner les visées dominatrices du  Guide libyen sur le Sahara. Pour cela, il se tournera vers la puissance régionale rivale : l'Algérie.
En attendant, c'est depuis Paris, dans le quartier de la Bastille, qu'Iyad Ag Ghali organise sa rébellion. Les membres des réunions discrètes, dans les cafés du 11e arrondissement, discutent cellules clandestines et caches d'armes, situées à plus 4 500  kilomètres de là. Il retourne en Libye pour s'équiper, va en Algérie pour organiser la logistique. Son objectif était son fief de Kidal, dans le nord-est du Mali, mais son plan est éventé. Qu'à cela ne tienne. Il fonce avec ses hommes à 670  kilomètres plus au sud, vers Menaka, qu'il atteint le 28  juin 1990, prenant de court l'armée malienne.
" A l'époque, Iyad et les rebelles touareg exigeaient de devenir des Maliens comme les autres. Certains, évidemment, rêvaient d'indépendance, mais cela n'a jamais été mis en avant. Leurs revendications portaient sur une meilleure intégration, avec une forme d'autonomie relative, se souvient l'historien Pierre Boilley, qui a connu le chef touareg. Iyad était mince et costaud, avec une moustache qui lui donnait un air de révolutionnaire latino-américain. Sur le terrain, c'était un bon chef, présent aux côtés de ses hommes dans les bases nichées dans les massifs rocailleux que l'armée malienne ne parvenait pas à atteindre. "
La stratégie fonctionne. Le président malien, Moussa Traoré, se résigne au dialogue. En décembre  1990, une rencontre est orga-nisée, à Tamanrasset, entre Ag Ghali et des émissaires de Bamako, et en présence des services de renseignement algériens, avec lesquels le Touareg entame une longue relation de coopération. Un accord sur la cessation des hostilités est signé le 6  janvier 1991.
" T'as signé n'importe quoi ! ", lui reprocheront des camarades de lutte. Il n'en a cure, il s'essaie à la politique. Il est ainsi convié à -Bamako, où une jolie maison est mise à sa disposition, et goûte les plaisirs de la capitale : petit whisky entre amis et discothèque. Une attitude qui ne passe pas inaperçue dans le milieu des rebelles touareg, alimentant les soupçons de compromission. On le dit " acheté " par le président Traoré, puis par Amadou Toumani Touré, arrivé au pouvoir après le coup d'Etat de mars  1991.
Conseiller du président KonaréLe Mali est en ébullition. Le pays se dirige péniblement vers la démocratie. Une conférence nationale s'organise, suivie d'élections législatives et présidentielle, sous l'égide de Traoré qui joue le jeu de la manipulation avec les chefs touareg pour les diviser. L'influence d'Iyad Ag  Ghali s'amoindrit, ce qu'il " vit mal, dit Pierre Boilley.C'est un homme de pouvoir au service d'une cause. S'il n'est pas du genre à plastronner, il aime à guider ". Les rebelles signent le 11  avril 1992 le Pacte national qui -prévoit notamment le développement économique du Nord, une décentralisation, et la démobilisation de leurs forces.
Ag Ghali n'est plus au cœur des négociations. Nommé conseiller du nouveau président, -Alpha Oumar Konaré (1992-2002), il est officiellement censé défendre les intérêts de sa communauté. Il fréquente alors le gotha politique, dont le premier ministre, Ibrahim Boubacar Keïta (" IBK ").Elu chef de l'Etat en  2013, ce dernier se souvient " d'un homme secret, taiseux et d'un sang-froid à toute épreuve ". Lors d'un voyage au Koweït à bord d'un jet privé, l'avion fait une chute vertigineuse : " IBK " et sa délégation sont tétanisés, Iyad Ag Ghali, impassible, égrène son chapelet…
L'ex-chef rebelle trompe son monde, feignant d'avoir rompu avec le maquis. De l'autre côté de la frontière, l'Algérie a sombré dans la guerre civile. Sans couper les ponts avec son parrain algérien, il observe la mu-tation du djihad armé qui a fait du Sahel son sanctuaire. A cette époque, il se construit aussi une confortable demeure à Kidal. " C'était la maison de ses rêves ! Je n'imaginais pas qu'il retournerait dans la clandestinité. Je me suis trompé ", confie un haut responsable malien.
A la fin de la décennie 1990,celui qui se rêvait en sultan de Kidal s'isole. Lui qui ne priait que rarement se tourne vers le salafisme, sous l'influence de prédicateurs pakistanais implantés dans la région depuis la fin des années 1960, prêchant un retour à " l'islam véritable ". Comme eux, Iyad Ag Ghali ne s'habille plus qu'en blanc. Ce mouvement prosélyte n'est pas toujours vu d'un bon œil. " Quand il a commencé à fréquenter ces gens, il essayait de me convaincre de prier avec lui. Je lui disais de me laisser faire à ma manière et qu'on réglerait ça là-haut ", se -souvient un ancien chef rebelle arabe.
Il se limite alors à un salafisme quiétiste, tout en cultivant son réseauau sein de la nébuleuse djihadiste algérienne active dans le Sahara. " En tant qu'ancien chef de rébellion, Iyad incarnait déjà l'autorité à Kidal. Son adhésion à la secte salafiste a ajouté une dimension sacrée à son pouvoir ", souligne l'anthropo-logue et directeur de recherches au CNRS -André Bourgeot. En  2003, tout comme quatre ans plus tôt, Iyad Ag Ghali est ainsi chargépar Bamakode négocier la libération d'otages occidentaux retenus par des djihadistes algériens, avec qui il restera en relation.
Le nord du Mali devient, les années suivantes, le théâtre d'une lutte d'influence entre -Alger et Tripoli. Mouammar Kadhafi célèbre en grande pompe le  Mouloud (la naissance du Prophète) à Kidal, où il vient d'ouvrir un -consulat, tandis qu'à Gao les Algériens ferment leur antenne diplomatique. C'est finalement à Alger que sont conclus, en  2006, les accords entre les représentants de l'Etat malien et les rebelles " pour la restauration de la paix, de la sécurité et du développement dans la région de Kidal ". Une autre rébellion émerge en  2007, mais elle n'est pas sans arranger l'Algérie, au moment où celle-ci cherche à affaiblir les djihadistes retranchés dans le sud du pays, où ils constituent déjà l'embryon d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).
Consul en Arabie saouditeIyad Ag Ghali, lui, a été nommé (sous l'ère du président Touré) consul du Mali en Arabie saoudite. Avant son départ, le Touareg se rend chez Mahmoud Dicko, à Bamako. Cet influent imam wahhabite, qui préside le Haut Conseil islamique malien depuis 2008, se souvient de cette visite. " Il m'a informé de son départ. J'ai pensé qu'il s'était repenti et en avait fini avec la rébellion ", dit aujourd'hui le religieux, partisan du dialogue avec une frange des djihadistes. Pourtant, à Djedda, Iyad Ag Ghali se rapproche, selon plusieurs sources, de militants takfiristes, adeptes d'une doctrine considérant tout musulman non salafiste comme un infidèle qui doit être excommunié et tué.
Il rentre au Mali en  2010. Tout comme il avait tiré profit de la fortune Kadhafi lors de sa première rébellion, il engrange des sommes considérables en échange de ses bons offices en tant que négociateur, une fois de plus, pour la libération d'otages occidentaux – notamment les employés d'Areva enlevés par AQMI au Niger. Une nouvelle occasion de se rendre incontournable, tout en finançant son futur djihad.
A Kidal, il tente encore de s'imposer comme chef de la cause touareg et se propose de diriger le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA), récemment créé. En vain. " Son basculement dans le djihad armé date de la fin 2011, quand les fondateurs laïcs du MNLA n'ont pas voulu de lui. C'est à partir de là qu'il s'est allié avec AQMI ", relate un influent notable touareg.
La région est désormais inondée d'armes en provenance de la Libye, qui s'enfonce dans la crise politico-militaire à la suite de la révolution du 17  février 2011. Au volant de 4  ×  4 ou de véhicules blindés transformés en arsenaux roulants, les combattants touareg de Kadhafi fuient vers le nord du Mali, où les mouvements rebelles se sont effacés au profit de groupes djihadistes semant la terreur. La zone est évacuée par les forces de sécurité malienne le 1er  avril 2012.
Pour Iyad Ag Ghali, les temps sont propices à la création de son mouvement, Ansar Eddine (" défenseur de la foi "), qui annonce combattre pour l'instauration de la charia au Mali, avant de revoir son ambition à la baisse et de se limiter à Kidal. Le groupe occupe une partie du nord du Mali, s'allie avec AQMI et le Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest (Mujao). Leurs hommes appliquent une version obtuse de la charia, coupent des mains, lapident, détruisent les mausolées soufis.
En coulisse, les tractations vont bon train. Les indépendantistes touareg du MNLA pactisent un temps avec Ansar Eddine et AQMI, dont l'émir, l'Algérien Abdelmalek Droukdel, s'appuie sur Iyad Ag Ghali pour constituer des alliances locales en vue de créer un gouvernement dans l'Azawad ou, plutôt, un " Etat islamique ". " Il conviendrait de confier la présidence du conseil au cheikh Abou -Al-Fadl - nom de guerre d'Iyad Ag Ghali - , car il est un symbole. Mais il ne faut pas qu'il ait l'exclusivité de la prise de décision. Pour -éviter cela, il doit nommer des collaborateurs issus d'autres courants ", peut-on lire dans un document interne d'AQMI, daté du 20  juillet 2012, révélé par Radio France internationale et le quotidien Libération.
Grâce à un réseau tentaculaire parmi les groupes rebelles, au sein du pouvoir malien, mais aussi à Alger et au-delà, Iyad Ag Ghali s'est imposé comme un leader avec lequel le président malien par intérim, Dioncounda Traoré (2012-2013), va devoir compter. Un dialogue est organisé à Ouagadougou en novembre  2012. Les diplomates et certains acteurs maliens veulent croire qu'Ansar Eddine est encore " récupérable ". D'autant que son porte-parole a déclaré qu'Iyad Ag Ghali serait disposé à " se débarrasser du terrorisme, du trafic de drogue et des mouvements étrangers ".
Stratège méticuleux, Iyad Ag Ghali manipule les mouvements rebelles, les Occidentaux et les politiques maliens, dont certains s'obstinent à croire que son objectif est de rétablir le leadership de la noblesse ifoghas sur les Touareg, sans menacer l'intégrité territoriale. Depuis Kidal, d'où il a chassé MNLA, comme à Gao et à Tombouctou, Ag Ghali déclare : " Nous sommes maliens et nous sommes contre la division du Mali. "Désormais, il guide la prière, ainsi que des moudjahidin aguerris et lourdement armés.
Pour la France de François Hollande, le risque d'une offensive djihadiste sur Bamako est réel. L'opération " Serval " est lancée en janvier  2013 (devenue " Barkhane " en août  2014) pour reconquérir le nord du Mali, laquelle se solde par une victoire militaire sur un adversaire qui, jusqu'à ce jour, ne s'est jamais avoué battu, se régénère et s'adapte. L'insaisissable Iyad Ag  Ghali est désormais l'ennemi public numéro un de la France, qui multiplie les opérations commando pour l'éliminer, sans succès.
Lorsqu'un service secret occidental le repère, en  2016, à l'hôpital de Tamanrasset où il se fait soigner, deux " médecins " sont envoyés du Niger pour s'infiltrer dans l'établissement avec un faux blessé et " neutraliser " la cible. " Iyad Ag Ghali était bien présent, mais il a été changé de chambre au dernier moment ", confie une source au fait des détails de l'opération. L'Algérie protège-t-elle ce rebelle devenu le parrain du djihadisme au Sahel, tout en fournissant les militaires français en renseignements et en essence ?
" Posez la question aux Français, pas à l'Algérie !, rétorque le ministre des affaires étrangères algérien, Abdelkader Messahel. Iyad n'est pas chez nous. Ensuite, il est blacklisté : il figure sur la liste des groupes terroristes du Conseil de sécurité des Nations unies. Le combattre, c'est l'affaire des Maliens et l'affaire des amis des Maliens. On n'a rien à voir avec lui. " Plusieurs sources politiques et militaires, à Paris et dans les capitales sahéliennes, assurent pourtant qu'il se rend fréquemment du côté algérien de Tin Zaouatine, bourgade frontalière où résiderait une partie de sa famille.
Le 14  février 2018, les Français déclenchent une opération d'envergure entre Boughessa et Tin Zaouatine, côté malien. Des lieutenants d'Iyad Ag Ghali sont tués, le groupe est " durement frappé ", selon l'état-major français de " Barkhane ". Un mois plus tard, le Touareg lance en représailles des attaques meurtrières, visant l'ambassade de France à Ougadougou et l'état-major général des armées du Burkina Faso. Bilan : huit militaires burkinabés tués, soixante et un autres blessés et vingt-quatre civils blessés. Il n'est plus un chef rebelle touareg ni même l'émir -d'Ansar Eddine : Iyad Ag Ghali règne sur la nébuleuse djihadiste sahélienne.
Son intronisation a été rendue publique un an plus tôt, en mars  2017, dans une vidéo. Le visage austère mangé par la barbe, Iyad Ag Ghali est entouré des caciques du djihad qui ont pris le risque de se réunir pour l'occasion. Sont présents : l'émir d'AQMI Yahia Abou Al-Hammam, son vieil ami peul Amadou Koufa, devenu chef de la brigade " Macina " d'Ansar Eddine, active dans le centre du pays, mais aussi le bras droit de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar (pour le groupe Al-Mourabitoune), Abou Al-Hassan Al-Ansari, ainsi que le " juge " d'AQMI Abderrahmane Al-Sanhaji. Ils scellent la création du JNIM, sous le commandement d'Iyad Ag Ghali.
Pour la communauté internationale, le notable de Kidal est l'homme à abattre. Pourtant, lors de la conférence d'entente nationale, qui se tient à Bamako fin mars  2017, l'une des recommandations avancées est de tenter une ultime négociation. Elle sera retirée de la version officielle sous la pression de la France. Des tentatives de dialogue sont malgré tout entaméespar l'imam Dicko. " Il avait reçu mandat de l'ancien premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga - avril-décembre  2017 - pour conduire une mission de bons offices dans le centre et le nord du pays ", -confie, de son côté, " IBK "tout en précisant que lui-même ne l'approuvait pas.
Iyad Ag Ghali a réussi à fédérer au-delà de la communauté touareg et à s'emparer de ce pouvoir tant convoité. " Il bénéficie d'une grande autorité parmi les groupes insurgés, car c'est un Malien auréolé de son passé de chef -rebelle. Cette union au sein du JNIM  correspond à la volonté d'Al-Qaida de s'ancrer localement ", ajoute Aurélien Tobie, chercheur au Stockholm International Peace Research Institute.
Djihadisme sahélienSon djihadisme est sahélien. Il intègre les populations peules qui, comme les Touareg, se sentent marginalisées et opprimées par le pouvoir central à Bamako. " Ce n'est plus une relation à l'ethnie, mais à l'islam, donc le combat prend une dimension universelle, souligne André Bourgeot. La stratégie d'Iyad consiste à s'appuyer sur des groupes déjà actifs et à capitaliser sur la colère des communautés à l'encontre du pouvoir malien. " Iyad Ag Ghali s'appuie ainsi sur de vieilles amitiés, comme le leader djihadiste peul du centre du Mali, Amadou Koufa, un prêcheur populaire et respecté.
Pour certains de ses " partenaires " issus d'AQMI, ce JNIM est la concrétisation d'ambitions anciennes. Eux voient plus loin que le Mali et rêvent d'unir les mouvements djihadistes d'Afrique de l'Ouest. C'est le cas du groupe Al-Mourabitoune, né de l'alliance entre une unité d'AQMI et le Mujao, dont la volonté est de mutualiser les forces djihadistes pour étendre leur zone d'opérations " à tout le Sahara ", comme l'expliquait un de ses porte-parole en  2013.
Il reste au JNIM un rival : l'organisation Etat islamique (EI), dont la branche régionale est dirigée par Abou Walid Al-Sahraoui, un transfuge d'AQMI. Loin d'être féroce, cette " compétition " dans la zone dite " des trois frontières " (Mali, Burkina, Niger) agit plutôt comme un démultiplicateur de forces. Du côté d'Al-Qaida, c'est bien Iyad Ag Ghali qui commande. " Iyad Ag Ghali et Ansar Eddine ont été durement frappés, mais le groupe est en train de se reconfigurer, dit, de Niamey, le général Bruno Guibert, ex-commandant de la force " Barkhane ". C'est le groupe leader qui donne des ordres à tous les autres et les coordonne. "
La parole du chef s'est cependant raréfiée. Son aura ne franchit pas vraiment les frontières du Sahel. Elle ne s'étend pas en France où, selon la section antiterroriste du parquet de Paris, il n'apparaît pas pour l'instant comme une source d'inspiration des djihadistes de l'Hexagone. Son parcours s'inscrit dans son terroir, où il capte les dynamiques locales. Iyad Ag Ghali a échappé au contrôle de tous ceux qui pensaient le maîtriser et l'utiliser. De la cause touareg à l'instauration d'un " califat ", son combat s'est nourri du désespoir du nord et du centre du Mali. Son histoire est aussi celle d'un Etat-nation incapable d'intégrer l'ensemble de ses communautés.
Cyril Bensimon, Charlotte Bozonnet, Nathalie Guibert, Joan Tilouine et Madjid Zerrouky
© Le Monde

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