Le ministère de l'intérieur a rendu public, vendredi 27 juillet, le rapport de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) concernant " l'affaire Benalla ", comme s'y était engagée sa patronne, Marie-France Monéger-Guyomarc'h, lors de ses auditions devant les commissions d'enquête du Sénat et de l'Assemblée nationale. Ce rapport de la " police des polices ", intitulé " L'accueil des observateurs extérieurs des activités de police ", ne comporte pas de révélations, mais il retrace de façon détaillée la manière dont l'ex-chargé de mission élyséen et son comparse Vincent Crase, salarié de La République en marche, ont pu se rendre sur la manifestation du 1er-Mai, à Paris. Une manifestation pour laquelle seul M. Benalla disposait d'un statut d'" observateur ".
En préambule du rapport d'une trentaine de pages, les auteurs prennent soin de rappeler que le statut d'observateur n'avait jusqu'à présent jamais posé de problème majeur. L'accueil de personnes extérieures à la Place Beauvau dans divers cadres d'opérations avait toujours été géré avec
" pragmatisme " et avec
" des règles de bon sens partagées par tous les acteurs ",même s'il n'existait pas de note spécifique régulant ce statut.
Concernant la manière dont Alexandre Benalla a pu se rendre sur la manifestation du 1er-Mai aux côtés des forces de l'ordre, le rapport se veut formel et souligne les failles dans le contrôle des
" autorisations ". C'est bien M. Benalla qui a émis le souhait, auprès de Laurent Simonin, chef adjoint de l'état-major de la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) de la Préfecture de police, et d'Alain Gibelin, directeur de la DOPC, d'assister à un service d'ordre à l'occasion d'un événement de voie publique de grande ampleur à Paris.
L'IGPN note que, depuis la dernière élection présidentielle, M. Benalla
" est présent à toutes les réunions préparatoires à l'organisation des déplacements du président de la République (…),
côtoie professionnellement un grand nombre de policiers de la capitale affectés à ces missions ". Et qu'il a, de ce fait,
" manifestement noué avec certains d'entre eux des liens de proximité, facilités par le tutoiement qu'il pratique volontiers ". M. Simonin le rencontre donc très régulièrement. Et donc, lorsque M. Benalla lui dit avoir
" toutes les autorisations nécessaires (…), s
ans solliciter d'autres garanties, convaincu de la véracité des dires de son interlocuteur et sans évoquer plus avant sa présence en tant qu'observateur sur le service d'ordre avec ses supérieurs hiérarchiques, M. Simonin lui donne rendez-vous le 1er mai, en début d'après-midi, à la Préfecture de police ".
Faible rang hiérarchiqueL'IGPN se montre toutefois prudente sur ces constatations fondées sur des déclarations
" à chaud " des divers protagonistes. Elle rappelle que
" des évolutions sont possibles dans le cadre de l'enquête " judiciaire en cours. Le patron de la DOPC, Alain Gibelin, est à ce titre mis en difficulté, actuellement, par les commissions d'enquête parlementaire. Bien qu'il affirme ne pas avoir été informé de la venue de M. Benalla le 1er mai, deux témoignages le contredisent : celui de M. Benalla lui-même, et celui du général Eric Bio-Farina, commandant militaire de l'Elysée. Ces deux versions n'apparaissent toutefois pas au rapport de l'IGPN, le premier relevant d'un entretien donné au
Monde, le second d'une audition devant les députés.
L'IGPN met aussi en avant le trop faible rang hiérarchique du policier
" référent ",Philippe Mizerski
, chargé d'encadrer M. Benalla le 1er mai. Là encore, compte tenu
" du statut " de M. Benalla, le major de police
" ne demande pas d'explications " lorsqu'il le voit accompagné de Vincent Crase, que M. Benalla présente comme un collaborateur. Même chose lors des violences commises sur la place de la Contrescarpe.
" Bien qu'embarrassé par la tournure que prenaient les choses, - M. Mizerski -
ne concevait pas, compte tenu de son grade, de faire la moindre observation à -celui qui était, à ses yeux, un -personnage de première importance, recommandé par le chef adjoint d'état-major de la DOPC ", dit le rapport.
Enfin, concernant le port d'armes de M. Benalla, l'IGPN rappelle les différents refus qui lui ont été opposés par les services du ministère avant que la Préfecture de -police ne cède, en octobre 2017. Alors que cette décision a suscité la controverse, notamment lors des auditions devant les commissions d'enquête parlementaire, l'IGPN estime pour sa part que cette autorisation de port d'arme était justifiée.
Pour éviter que de telles dérives ne se reproduisent, l'IGPN formule plusieurs recommandations : la création d'une
" charte " rappelant l'obligation de discrétion, la non-divulgation des faits observés, ou encore l'obligation de se conformer aux directives du référent, ainsi que la création d'un
" brassard spécifique " ne prêtant pas à confusion. Des -propositions auxquelles a immédiatement souscrit la Place Beauvau, vendredi.
" Le ministre Gérard Collomb (…)
prendra dès le début de la semaine prochaine une instruction aux préfets et aux directeurs généraux afin de mettre en œuvre ces préconisations ", a réagi le ministère dans un communiqué diffusé dans la foulée de la diffusion du rapport.
Élise Vincent
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