Même si le gouvernement devra encore affronter deux motions de censure, mardi 31 juillet, le gros de la crise semble passé pour Emmanuel Macron. Une accalmie qui va laisser un peu de temps aux macronistes pour analyser cette séquence inédite. Car la tempête politique qui a suivi la divulgation de la vidéo d'Alexandre Benalla pose des questions et va sans doute obliger le président de la République à opérer des changements. Entre le mercredi 18 juillet au soir, et le mardi 24 juillet au soir, quand Emmanuel Macron a enfin pris la parole devant ses troupes, la Macronie a tangué au-delà de l'imaginable.
" Toutes les leçons seront tirées à la rentrée ", a affirmé Benjamin Griveaux à la sortie du conseil des ministres, mercredi 25 juillet.
" Des changements profonds interviendront " qui ne s'arrêteront
" pas aux portes de l'Elysée ", a précisé le porte-parole du gouvernement. Au Palais, à l'Assemblée, ou encore au sein de l'exécutif, des ajustements pourraient avoir lieu.
" Le président saura en faire quelque chose d'intelligent, j'en suis certain ", confie un député proche de la majorité.
L'hypothèse d'un remaniement Comme le répète souvent François Patriat, chef du groupe La République en marche (LRM) au Sénat,
" le président de la République est seul, et dans une crise, il est en première ligne, ça ne va pas ". Certains ministres, très techniques, ont encore du mal à intervenir au-delà de leur champ de compétence. D'autres, beaucoup plus politiques, comme Gérald Darmanin, Bruno Le Maire ou Sébastien Lecornu, se sont faits discrets.
" C'est sûr que c'était plus facile de commenter la victoire des Bleus ", ironise un député LRM. Quant à
" Gérard Collomb, il est sorti amoché de cette affaire. Les flics ont le sentiment qu'il les a lâchés ", commente un proche du pouvoir.
Dans un premier temps, Edouard Philippe n'a pas servi de paratonnerre au chef de l'Etat. Le jeudi 19 juillet, au lendemain des révélations, le premier ministre a répondu aux questions des sénateurs. Il
" ne s'est pas planqué ", rétorque un proche. Mais l'exercice était périlleux alors que le premier ministre n'avait eu, à ce moment-là, aucun échange avec le président, en déplacement en Dordogne. Sa première prise de parole n'a pas circonscrit la crise avant la journée cruciale du mardi 24 juillet où la double intervention de l'exécutif – M. Philippe aux questions au gouvernement et M. Macron devant ses députés – a ressoudé les troupes.
" Cette crise a mis en lumière la faiblesse des ministres, juge Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos.
Mais si un remaniement était prévu, ça ne peut que le retarder. "" Le président ne réagit pas sous la pression ", abonde Aurore Bergé, députée des Yvelines.
" Les Français ne veulent pas d'un remaniement politique, Macron l'a bien compris. Ça fait vingt ans qu'on en fait. Ça nous banaliserait ", juge un député macroniste. En tout cas, poursuit l'un de ses confrères,
" si remaniement il doit y avoir, il faut que ce soit à la rentrée, avant l'examen du budget, ou après ".
" On y réfléchira à la rentrée ", concède un conseiller de l'exécutif. Pour l'heure, Edouard Philippe termine l'exercice d'évaluation de ses ministres.
Réorganisation en vue à l'Elysée L'affaire Benalla a mis au jour des
" dysfonctionnements " qu'Emmanuel Macron a demandé à son secrétaire général de décortiquer. La sécurité du président, que se partagent le Groupe de sécurité de la présidence de la République pour ses déplacements et le commandement militaire pour ce qui relève du Palais, avec chacun son état-major et son matériel, a été identifiée comme l'un des chantiers à mener. D'autres services seront réorganisés. Comme celui de la communication, où il est de notoriété publique que les différents protagonistes, notamment le porte-parole, Bruno Roger-Petit, et le conseiller spécial, Ismaël Emelien, ont du mal à travailler ensemble. Certains, à l'Assemblée ou parmi ses proches, plaident pour que M. Macron, habitué à travailler avec sa garde rapprochée et ses fidèles de la première heure, élargisse un peu son cercle de confiance.
L'agenda de la rentrée modifié L'affaire Benalla aura aussi, a minima, bousculé l'agenda du gouvernement. La suspension du projet de révision constitutionnelle est une belle opération pour l'opposition.
" Que le gouvernement apporte des changements substantiels au texte, et ce sera sa capacité à réformer qui sera entachée, pour la première fois ", estime Brice Teinturier. Une chose est certaine, l'opposition reprendra l'offensive à la rentrée. D'ici là, les dégâts de l'affaire Benalla sur l'image du président seront plus identifiés. Pour l'heure, sa popularité baisse, sans s'effondrer. Dans le baromètre IFOP, qu'a publié le
JDD dimanche 29 juillet, elle perd un point.
Les députés de la majorité démunis
" Aux réunions de groupe, Edouard Philippe nous a souvent dit que les choses ne se passeraient pas toujours aussi bien, qu'il arriverait que ça tangue ", raconte Pieyre-Alexandre Anglade, député LRM des Français de l'étranger. Une prédiction qui s'est vérifiée. Au cœur de la crise, les députés se sont retrouvés seuls au front, jusqu'à ce qu'Emmanuel Macron sorte de son mutisme. Pendant quatre jours, les plus impliqués d'entre eux ont habité l'Hémicycle comme un champ de bataille, d'où ils tentaient de rendre les coups à une opposition regonflée par leurs malheurs.
" Ils se sont vécus comme une forteresse assiégée. Avec leurs petits corps, ils voulaient protéger le président. Une grande naïveté, commente un observateur de la vie parlementaire française.
Finalement, je pense que cette affaire aura eu la vertu d'en déniaiser certains. "
" Cette affaire nous a soudés autour d'une base commune, la loyauté au président ", se félicite Aurore Bergé. Richard Ferrand, le président du groupe LRM, s'est affirmé.
" Les députés ont trouvé un chef dans la bataille ", juge Marc Fesneau, président du groupe MoDem à l'Assemblée. Les liens entre le parti centriste et le groupe macroniste sont également sortis renforcés de cette crise. Mais
" nous avons une difficulté au sein du groupe à porter la parole politique ", reconnaît un député de la majorité.
" La coordination a manqué entre l'Elysée, l'exécutif et le Parlement ", poursuit un autre.
Le mouvement inefficace D'autant que le mouvement La République en marche est apparu, lui aussi, dépassé par les événements.
" Démonstration a été faite que ce parti n'existe pas ", tranche un député.
" Castaner - le délégué général de LRM -
a abandonné les parlementaires de la majorité ", poursuit l'un d'entre eux. Au Palais-Bourbon, on l'a vu à la buvette, dans les couloirs, salle des Quatre-Colonnes. Mais, dans l'hémicycle, il s'est fait rare.
" Il a peur d'être pris à partie par les oppositions car Vincent Crase, qui est aux côtés de Benalla ce 1er mai, est un salarié du mouvement, explique un autre élu de la majorité.
Quand Marine Le Pen le prend à partie salle des Quatre-Colonnes, elle a raison ".
La séquence relance les attaques contre la double casquette de Christophe Castaner, qui est aussi secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement.
" C'est un souci depuis le début, juge d'ailleurs un élu LRM.
D'ailleurs le seul sujet sur lequel le parti a pris position depuis novembre, quand Castaner entre en fonction, c'est sur la bioéthique lundi dernier… " Derrière l'analyse de la crise, les premiers -règlements de comptes apparaissent…
Virginie Malingre
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