L'été est toujours une -période pénible pour les sans-abri, quand beaucoup de structures d'accueil, de restauration ou d'approvisionnement ferment. La situation en 2018 ne déroge pas à cette habitude. Sur le plan de l'hébergement, celle-ci -s'annonce même pire que l'an passé en dépit de la promesse d'Emmanuel Macron, faite il y a un an, le 27 juillet 2017, à Orléans, et réitérée lors de ses vœux du 31 décembre : " La première bataille, c'est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d'ici la fin de l'année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois, perdus. C'est une question de dignité. C'est une question d'humanité et d'efficacité là aussi. " Le Collectif Les Morts de la rue déplorait, le 24 juillet, 212 décès depuis le début de l'année, un chiffre de la même ampleur qu'en 2017.
Depuis fin mars, les places ouvertes en hiver par le gouvernement pour cause de grand froid ferment progressivement, obligeant les services départementaux du 115 (numéro d'urgence pour les sans-abri) à remettre des milliers de familles à la rue, leur signifier la fin de leur prise en charge en hôtel, sans autre solution.
" Le gouvernement a bien pérennisé 5 000 places, ce qui est un minimum, reconnaît Florent Gueguen, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS).
Mais les chiffres du 115 sont inquiétants : à Paris, de 500 à 600 familles avec enfants appellent et n'obtiennent pas de réponse ; en Seine-Saint-Denis, elles sont entre 150 et 200. Les personnes isolées n'appellent même plus, sachant qu'elles n'ont aucune chance. Dans plusieurs départements, les services d'orientation sont obligés de faire un tri, mettant à l'abri les femmes enceintes de plus de sept ou huit mois ou les enfants de moins de 3 ans, ce qui, en creux, signifie qu'on tolère, dans une certaine indifférence, que tous les autres restent dehors. "
C'est le cas dans les Hauts-de-Seine, à Marseille, Lyon ou Toulouse, où la situation est critique. Des campements de rue se reconstituent, comme à Nantes où 400 personnes, des migrants, ont été délogées le 23 juillet, avec une proposition de relogement pour la moitié d'entre eux seulement.
Le collectif des 36 associations unies dénonce, lui, les restrictions budgétaires, la réduction des crédits pour les nuits d'hôtel et des dotations de fonctionnement des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). En mai, le gouvernement a publié un arrêté plafonnant le tarif journalier des CHRS, espérant une économie de 20 millions d'euros dès 2018 et de 57 millions d'euros en quatre ans.
" Nous combattrons jusqu'au bout et comptons attaquer devant le Conseil d'Etat cet arrêté qui contrevient au principe d'accueil inconditionnel inscrit dans le code de l'action sociale ", prévient M. Gueguen.
La situation est aussi rendue -critique par l'engorgement des centres d'hébergement, les sorties vers un logement pérenne ne concernant qu'à peine 3 % des personnes accueillies.
" La moitié des familles ont des problèmes de papiers et ne sont ni expulsables ni régularisables. Le vrai courage politique serait de les régulariser et ne pas le faire est très contre-productif ", estime Bruno Morel, -directeur d'Emmaüs Solidarité.
Performances socialesSortir les familles des hôtels où -elles s'entassent parfois depuis des années est le défi lancé aux gestionnaires des centres d'accueil. Adoma (ex-Sonacotra), filiale de la Caisse des dépôts, a ainsi répondu à un appel d'offres lancé en 2017 par le précédent gouvernement pour racheter à la chaîne Accor 59 hôtels commerciaux et les transformer en 7 500 places d'hébergement. Le montage est original puisque la rémunération du gestionnaire dépend en partie de ses performances sociales, notamment du taux de sortie vers un -logement, du taux de scolarité des enfants, de l'ouverture de droits sociaux et de l'élaboration d'un projet d'intégration personnalisé.
L'achat des hôtels et leur rénovation ont été financés, pour 130 millions d'euros, par le fonds d'investissement à impact social Hémisphère, créé avec les grands assureurs français qui recevront, en retour, une rémunération d'environ 3 %. Un ancien hôtel Formule 1 près de Cergy (Val-d'Oise), planté le long d'une nationale dans une zone commerciale un peu déclinante, accueille ainsi, depuis juin 2017, près de 90 personnes. A chaque étage ont été aménagées une lingerie et deux cuisines qui permettent la préparation des repas, impossible dans un établissement ordinaire.
" Le plus dur est de convaincre certaines collectivités locales d'accepter cette population mais, là où nous sommes, cette coopération se passe très bien ", affirme Jean-Paul Clément, directeur général d'Adoma.
Isabelle Rey-Lefebvre
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