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vendredi 29 juin 2018

ECONOMIE - Le risque d'une guerre commerciale inquiète......La Chine peaufine sa contre-attaque à l'égard des Etats-Unis.....

ECONOMIE



27 juin 2018

Le risque d'une guerre commerciale inquiète

Dégradation du climat des affaires, coup de mou dans l'activité… les tensions et les risques se multiplient

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HARLEY-DAVIDSON DÉLOCALISE
Harley-Davidson va transférer hors des Etats-Unis sa production de motos destinées à l'exportation, pour échapper aux tarifs douaniers instaurés par Bruxelles en représailles aux droits de douane américains sur l'acier. Le groupe, dont l'Union européenne est le second marché derrière les Etats-Unis, indique qu'il ne veut pas répercuter cette hausse des taxes sur les prix proposés à ses clients et préfère donc " déplacer la production des motos destinées à l'Union européenne vers ses usines internationales plutôt qu'aux Etats-Unis ". Donald Trump a réagi dans un tweet se disant " surpris " que, " de toutes les compagnies américaines ", Harley-Davidson soit " la première à agiter le drapeau blanc ".
Jeu de bluff, poker menteur, voire simples rodomontades… Longtemps, les menaces du président américain Donald Trump n'ont été prises au sérieux qu'à moitié. Cette époque est révolue. Des investisseurs aux analystes en passant par les entreprises et les responsables politiques, ils sont toujours plus nombreux à s'inquiéter de tensions en passe de dégénérer en véritable guerre commerciale. Au risque d'affecter sérieusement la dynamique économique mondiale.
" La Chine et l'Union européenne s'opposent à l'unilatéralisme et au protectionnisme, et pensent que cela pourrait amener récession et turbulences dans l'économie mondiale ", a déclaré Liu He, principal conseiller économique du président chinois, Xi Jinping, lors d'une réunion, lundi 25  juin, avec le vice-président de la Commission européenne Jyrki Katainen. Rien d'étonnant à cette mise au point : selon des informations de presse, les Etats-Unis seraient sur le point de dévoiler un plan visant à bloquer les investissements chinois dans le secteur technologique américain.
De quoi crisper la relation déjà très tendue entre Washington et Pékin. Et pousser l'homme de confiance de M. Xi à volontairement dramatiser la situation. Mais si l'activité planétaire demeure robuste, de premiers signaux d'alerte commencent à s'allumer. Ces derniers mois, en Europe, la production industrielle a ralenti. Le premier trimestre a surpris par sa mollesse sur fond d'érosion de la confiance.
Du Vieux Continent jusqu'en Asie, les enquêtes font état d'une dégradation du climat des affaires depuis le mois de février. En Allemagne, dont le gigantesque excédent commercial alimente les critiques de la Maison Blanche, le baromètre IFO publié lundi signale une nouvelle baisse du moral des entrepreneurs en juin. Les marchés financiers se mettent aussi à prendre au sérieux le risque d'escalade : lundi, Wall Street comme les Bourses européennes et asiatiques ont terminé en baisse.
" Tout le monde est dans l'expectative sur l'ampleur des mesures à venir, résume Julien Marcilly, chef économiste de l'assureur-crédit Coface. C'est l'inquiétude liée à cette incertitude qui peut avoir un effet sur l'économie, plus encore que les mesures protectionnistes déjà mises en œuvre. "
Jusqu'ici, les tarifs réellement imposés – sur le bois canadien, les lave-linge, les panneaux solaires, l'acier et l'aluminium – portent sur des montants peu significatifs. Ils seraient dix fois plus importants si M. Trump mettait à exécution l'ensemble de ses menaces, selon les calculs du cabinet d'analyses Oxford Economics.
Exemple, avec la Chine : à compter du 6  juillet, de nouveaux droits de douane américains devraient frapper des produits chinois pour une valeur de 32  milliards de dollars. Mais le président américain affirme, en cas de rétorsion, se réserver la possibilité de taxer 200  milliards supplémentaires, voire même 400  milliards, soit la quasi-totalité des importations chinoises des Etats-Unis. Pékin a déjà prévenu qu'il allait riposter.
Comme pour se préparer aux effets de cette bataille sur l'activité, la banque centrale chinoise a annoncé, dimanche, qu'elle abaisserait le niveau de réserves obligatoires de ses banques. La mesure vise à libérer des fonds pour soutenir les entreprises et l'activité. Elle prendra effet le 5  juillet… la veille de l'entrée en vigueur des droits de douane américains.
Au nom de la sécurité nationaleLe pire est-il à venir ? Les analystes peinent à y voir clair dans l'avalanche des commentaires postés quotidiennement par Donald Trump. Vendredi, sur Twitter, il réitérait ses menaces d'instaurer des droits de douane de 20  % sur la totalité des voitures assemblées en Europe et exportées aux Etats-Unis. Rien de tout à fait neuf : fin mai, le président américain a demandé à ses services d'enquêter sur les importations américaines d'automobiles, au nom de la sécurité nationale.
" Une telle mesure changerait vraiment la donne, l'automobile étant l'un des secteurs les plus intégrés mondialement, estime M. Marcilly. Il y aurait des effets sur toute la chaîne de production : l'Allemagne serait affectée, mais aussi par ricochet de nombreux pays d'Europe centrale, la Turquie, le Maroc, l'Espagne… "
Déjà, le constructeur Daimler a prévenu qu'il lui fallait revoir à la baisse ses attentes de résultat pour 2018. Un profit warning non pas lié au front Europe-Etats-Unis mais au conflit sino-américain. Pékin a prévu de taxer les véhicules importés des Etats-Unis. Or le fabricant des Mercedes est un groupe allemand, mais il est aussi le deuxième plus gros exportateur de voitures des Etats-Unis vers la Chine.
Reste à déterminer l'effet de tous ces bouleversements sur l'activité mondiale. L'optimisme qui prévalait en  2017 a-t-il déjà vécu ? Pas aux Etats-Unis où la croissance est au plus haut, dopée par la réforme fiscale et la relance budgétaire. L'administration Trump répète que l'économie est forte et peut résister. D'autant que les exportations n'y comptent que pour 12  % du produit intérieur brut (PIB), contre 20  % pour la Chine et 43  % pour l'Union européenne.
" Pour la plupart des entreprises américaines, le cadeau que leur fait Trump sur les impôts compense la hausse des taxes sur les imports ", souligne Ludovic Subran, directeur de la recherche macroéconomique du groupe Allianz. Selon diverses estimations, le cycle de sanctions et représailles risque d'ôter, en fonction de son ampleur, entre 0,1 et 0,3 point de pourcentage au PIB américain. Un dommage non négligeable, mais pas dramatique.
A moins que l'engrenage devienne incontrôlable et sape la confiance des opérateurs américains. Lundi, tous les indices de Wall Street ont basculé dans le rouge. Réunis le 20  juin à Sintra (Portugal), les grands banquiers centraux se sont inquiétés des effets négatifs sur la croissance mondiale de la multiplication des barrières douanières. Y compris Jerome Powell, le patron de la Réserve fédérale américaine (Fed, banque centrale). Même si les statistiques n'en portent pas encore la trace, " pour la première fois, nous entendons parler de décisions de reporter des investissements et de retarder des embauches ", a-t-il souligné.
Marie de Vergès
© Le Monde

 
27 juin 2018

La Chine peaufine sa contre-attaque à l'égard des Etats-Unis

Face aux menaces d'augmentation des droits de douane américains, Pékin promet des représailles mais cherche à ménager les entreprises

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505 MILLIARDS
C'est, en dollars (soit 432 milliards d'euros), le total des importations de produits chinois par les Etats-Unis. Le chiffre des importations de produits américains en Chine est, lui, de 130 milliards de dollars. Après avoir infligé des droits de douane de 25 % sur 50 milliards de dollars d'importations chinoises, Washington a menacé de porter à un total de 450 milliards de dollars la valeur des produits chinois qui seraient taxés à leur entrée aux Etats-Unis.
La Chine va devoir jouer serré. Face aux menaces de sanctions américaines sur des montants toujours plus élevés, les autorités chinoises ne peuvent pas paraître faibles devant leur opinion publique. Elles doivent contre-attaquer. Mais elles veulent aussi apparaître au monde comme la partie qui respecte les règles face aux agressions de l'administration Trump. Une situation compliquée par le ralentissement de l'économie chinoise  et par la fébrilité des investisseurs ; la Bourse de Shanghaï a reculé de 10  % depuis un mois.
Pékin s'en tenait pour l'instant à une règle : répondre aux sanctions américaines par des mesures similaires. Une approche définie fin mars par le ministère du commerce chinois : " La Chine ne veut pas d'une guerre commerciale. Mais la Chine n'a, en aucun cas, peur d'une telle guerre. " Une politique tenable quand les Etats-Unis s'en prennent à 50  milliards de dollars de produits chinois importés. Mais la riposte est impossible si les sanctions ciblent 200  milliards de dollars de produits, voire 450  milliards, comme a menacé de le faire Donald Trump, lundi 18  juin. Tout simplement parce que la Chine n'importe que 130  milliards de dollars de produits américains par an… contre 505  milliards d'importations chinoises aux Etats-Unis.
Rien ne dit que les Américains mettront en application leurs sanctions. En mai, un accord semblait même avoir été trouvé entre les deux premières puissances économiques, avant que les Etats-Unis, considérant qu'ils n'avaient pas obtenu assez, ne reviennent à la charge. Pour Donald Trump, il s'agit aussi d'apparaître comme un dur, avant les élections de mi-mandat en novembre, alors que l'affaire ZTE, dans laquelle il est intervenu pour sauver l'entreprise chinoise sanctionnée par les Etats-Unis, a nui à son image.
Travail de communicationEn tout cas, la Chine a été claire. " En Occident, vous avez l'idée que si quelqu'un vous frappe la joue gauche, vous tendez la joue droite. Dans notre culture, on rend coup pour coup ! ", a menacé le président chinois Xi Jinping, devant une assemblée de vingt patrons de grands groupes internationaux, jeudi 21  juin, dont Goldman Sachs, Mercedes-Benz, Pfizer, Philips, Hyatt Hotels, ou Thales, d'après le Wall Street Journal.
Comment Pékin compte-elle s'y prendre ? Le 19  juin, la Chine avait promis " une combinaison de mesures quantitatives et qualitatives ". Le quantitatif vise les importations américaines, mais les mesures qualitatives n'ont pas été détaillées par le ministère du commerce chinois. On pense évidemment aux activités des nombreuses entreprises américaines qui y sont installées. La Chine pourrait mener la vie dure à Apple ou General Motors, très présents dans le pays, retarder l'attribution de licences, l'approbation d'acquisitions, multiplier les contrôles des services d'hygiène, ou encore utiliser ses médias d'Etat pour lancer des campagnes contre les produits américains. Autre option qui inquiète les Etats-Unis : vendre de la dette américaine, la Chine étant le premier détenteur de bons du Trésor américains.
Mais Pékin semble pour l'instant exclure cette approche. D'après le quotidien hongkongais South China Morning Post, qui cite des sources proches du pouvoir, les autorités chinoises font tout pour rassurer les investisseurs étrangers. " La Chine est très inquiète que les investisseurs étrangers choisissent de quitter le pays. L'option de s'attaquer aux entreprises étrangères n'a jamais été sur la table ", indique cette source gouvernementale. Les autorités comptent aussi sur le lobbying de ces entreprises pour décourager l'administration Trump de mettre ses menaces à exécution.
" En principe, la Chine pourrait faire mal aux entreprises américaines, si elle le veut. Mais les Chinois veulent continuer à donner une image vertueuse, analyse Louis Kuijs, économiste, responsable de l'Asie pour Oxford Economics. Ils veulent être vus comme une force positive, respectueuse du système multilatéral, qui n'est pas une menace pour le commerce international. "
Concrètement, la Chine pourrait donc prendre quelques mesures, très ciblées, et travailler parallèlement sa communication. " Il y aura des représailles, mais une part importante de la réponse chinoise sera le message que le pays enverra au monde ",estime M. Kuijs. Celui-ci consistera à dire que la Chine n'est plus aussi dépendante des exportations qu'elle ne l'était il y a dix ans, et que son économie est assez forte pour résister à des temps difficiles. "
Simon Leplâtre
© Le Monde

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