Un baroud d'honneur avant l'été ? A l'appel de la CGT, de FO, de l'UNEF, de l'UNL et de la FIDL, une nouvelle journée d'action était organisée, jeudi 28 juin, contre " la politique idéologique menée par le gouvernement ", qui consiste en une " logique d'individualisation au prix de la casse des statuts et des droits collectifs ". Même si elle coïncide avec la dernière journée de grève à la SNCF inscrite dans le calendrier de l'intersyndicale, la date choisie, à la veille des grandes vacances, ne semblait pas la plus propice à une forte mobilisation. " Ça va être un bide,pronostiquait, mercredi, un pilier de FO. Ce n'est même pas sûr que toutes nos UD (unions départementales) se mobilisent dans les départements. "
" Le but n'est pas de battre le -record de manifestants, mais de montrer que la contestation sociale est toujours présente, souligne -Fabrice Angei, du bureau confédéral de la CGT.
Le 28 juin, c'est la -première date de la rentrée. "
Si FO a voulu coorganiser l'événement, ce qui n'était pas arrivé depuis 2016, ni la FSU ni Solidaires, pourtant alliés traditionnels de la CGT, n'ont souhaité s'associer au texte commun. Quant à la CFDT, elle ne s'est pas rendue à l'invitation des premiers. Début juin, lors du congrès de la formation syndicale à Rennes, son secrétaire général, Laurent Berger, avait prévenu qu'il refusait d'aller vers
" une énième manifestation, avec un but très flou ".
Voilà qui donne une bonne photographie de l'état des organisations syndicales un an après l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir. Quelle que soit leur stratégie, aucune n'a été en mesure de peser pour faire bouger les réformes voulues par l'exécutif.
" Je pense, donc tu suis "Ordonnances révisant le code du travail, réforme de la SNCF ou de l'apprentissage, de la formation professionnelle et de l'assurance-chômage… le gouvernement a déroulé son projet sans rencontrer d'obstacles majeurs. Comme l'a montré le conflit à la SNCF ou dans la fonction publique, si l'unité syndicale est une condition nécessaire, elle n'est pas suffisante. D'autant qu'à la tête des centrales, c'est toujours la division qui règne. Tous les leaders confédéraux s'accordent, pourtant, pour critiquer la méthode du gouvernement comme le fond de sa politique.
" A la différence de François -Hollande, le pouvoir ne recherche pas la négociation mais la concertation pour décider lui, relève -Raymond Soubie, ex-conseiller social de Nicolas Sarkozy et président de la société de conseil Alixio.
C'est un changement de registre politique à un moment où le syndicalisme est déjà affaibli. " Ce que Pascal Pavageau, nouveau secrétaire général de FO, résume d'un ironique
" Je pense, donc tu suis ".
Pour les syndicats réformistes, comme la CFDT, cela affecte directement leur raison d'être. Jusqu'à présent, la confédération de -Belleville n'a pas réussi à infléchir le contenu des textes, mais elle compte bien se rattraper sur la -réforme des retraites, dont elle soutient le principe.
La CGT ne peut pas non plus sonner le tocsin. Malgré des mobilisations interprofessionnelles à répétition, la convergence des luttes qu'elle appelle de ses vœux n'est toujours pas advenue.
" C'est une démarche qui est complexe et qui demande du temps pour être comprise ", justifie M. Angei. L'année écoulée a pourtant été marquée par un climat social dégradé avec divers conflits dans des entreprises (Carrefour, Air France…), dans les universités, les prisons, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou la fonction publique. Et la tentative de s'allier au politique, le 26 mai, n'a pas non plus été à la hauteur des espérances de la centrale de Philippe Martinez.
Même la grève, historiquement longue, à la SNCF avec ses modalités innovantes n'aura pas réussi à faire flancher l'exécutif.
" Macron a fait ce choix sciemment : son objectif était d'engager une épreuve de force contre la CGT et de sortir avec une victoire, comme Reagan ou Thatcher, comme gage d'efficacité pour les prochaines réformes ",analyse Stéphane Sirot, historien et spécialiste des syndicats à l'université de Cergy-Pontoise.
De là à dire que le président de la République aurait gagné la première manche, il n'y a qu'un pas… que les syndicats ne franchissent pas.
" Une vraie victoire, c'est quand il n'y a pas de vaincus, estime François Homméril, le président de la CFE-CGC.
Ce serait de mettre en place des réformes avec l'adhésion des partenaires sociaux, pas en créant les conditions de leur affaiblissement. "
Qu'en sera-t-il à la rentrée ? Difficile à dire, mais certains conflits pourraient bien rebondir. A la SNCF, la négociation de la future convention collective serait susceptible de ressouder l'intersyndicale, qui a volé en éclats ces derniers jours. Dans la fonction publique, rien n'est réglé non plus.
Sans oublier le très périlleux projet de loi sur les retraites qui devrait être présenté début 2019. S'il en était besoin, la polémique sur les pensions de réversion aura permis à l'exécutif de prendre la température. A tel point qu'Emmanuel Macron a été obligé mardi, depuis l'étranger, de faire une
" mise au point " sur son compte Twitter pour assurer qu'elles ne -seraient pas supprimées.
Urgence à agirCette réforme des retraites sera notamment au cœur d'une rencontre, le 4 juillet, entre les cinq leaders confédéraux (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC et CFTC), qui se retrouvent pour échanger sur la situation sociale. Si ce type de réunion informelle n'est pas une nouveauté, cela montre que, malgré les désaccords, le dialogue n'est pas rompu. Fait plus rare, les cinq centrales doivent rencontrer, selon plusieurs sources, les trois syndicats patronaux (Medef, CPME et U2P)
" mi-juillet " pour échanger sur un
" agenda social " que les partenaires sociaux souhaitent mettre en place à la rentrée.
Pour M. Sirot, il y a cependant urgence à réagir :
" Si les syndicats ne sont pas mortels localement, ils sont menacés nationalement dans le cadre des confédérations.
Et on ne voit pas dans l'immédiat de porte de sortie. C'est extrêmement inquiétant. " D'autant, rappelle l'historien, qu'une société, y compris le pouvoir en place, a besoin de relais dans le corps social pour irriguer et faire accepter un certain nombre de mesures.
" Après avoir essoré les corps intermédiaires, il faudra arrêter de se plaindre de la montée du populisme, -prévient-il.
Cela deviendrait soit -cynique, soit irresponsable. "
Raphaëlle Besse Desmoulières
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