Mais à quoi joue Emmanuel Macron ? Au début de son quinquennat, il avait dit vouloir resacraliser la fonction présidentielle, qu'il estimait abîmée par la pratique de ses deux prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande. Il serait le président de la " parole rare ", avait-il promis, celui qui agira pour " réconcilier et unir le pays ", avait-il ajouté en avril. Las ! Depuis quelques semaines, le président multiplie les déclarations polémiques, donnant le sentiment de sacrifier à son tour à la " présidence bavarde " et aux propos clivants dénoncés il y a encore quelques mois.
Lors de son déplacement au Vatican, mardi 26 juin, Emmanuel Macron s'est ainsi permis une plaisanterie auprès du pape François. Présentant le ministre de l'Europe et des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, il s'est exclamé :
" C'est un Breton. Il y a des Bretons partout ! Les Bretons, c'est la mafia française ! " Des propos incongrus dénoncés par l'opposition.
" Macron a une spontanéité qui tombe à côté de la plaque ", a fustigé sur LCI le sénateur (LR) de Vendée, Bruno Retailleau. Le quotidien
Ouest-France, que le chef de l'Etat dit lire tous les jours, a regretté une
" petite phrase déplacée ".
Quatre jours plus tôt, c'est une photo publiée sur Instagram par le directeur de cabinet de Brigitte Macron qui avait déchaîné les passions et provoqué l'ire de la droite conservatrice. On y voyait le couple présidentiel poser au côté du DJ Kiddy Smile et de danseurs LGBT en tee-shirts résille, à l'issue de la soirée électro organisée le 21 juin dans la cour de l'Elysée pour la Fête de la musique.
" Une insulte au cœur de la France ! ", a réagi sur Twitter Philippe de Villiers, avec lequel le chef de l'Etat aime pourtant se mettre en scène.
Ces séquences récentes suscitent d'autant plus d'interrogations au sein de la majorité et d'une partie de l'entourage du président de la République qu'elles arrivent après plusieurs épisodes déjà polémiques. Il y a eu la vidéo où l'on voit Emmanuel Macron pester depuis le salon vert de l'Elysée contre le
" pognon de dingue " que coûteraient les aides sociales, postée sur Twitter le 12 juin, ou la leçon de politesse adressée à un collégien irrespectueux au mont Valérien (Hauts-de-Seine), le 18 juin. Les révélations autour d'une commande de vaisselle passée à la Manufacture de Sèvres ou d'une piscine installée cet été au fort de Brégançon ont aussi jeté le trouble.
Surtout, ces événements interviennent alors que le chef de l'Etat atteint dans les sondages un étiage inédit. Selon le baromètre Odoxa publié le 26 juin, M. Macron a décroché en juin un record d'impopularité, avec seulement 41 % de Français qui le considèrent comme un
" bon président ", un chiffre en recul de cinq points par rapport au mois précédent.
Deux jours plus tôt, l'institut IFOP faisait le même constat, avec seulement 40 % de satisfaits -(- 1 point), égalisant un record à la baisse établi en août 2017, lorsque le président avait connu son premier trou d'air. C'est toujours mieux que ses prédécesseurs, défend le camp macroniste. Mais cela augure un retour à la normale qui n'était pas anticipé.
Alors que l'Elysée continue de dire, par la voix de son porte-parole, Bruno Roger-Petit, que
" le pays profond n'est pas crispé " par la présidence et la politique de M. Macron, des partisans du chef de l'Etat s'interrogent au contraire sur l'accumulation de ces séquences et le danger qu'elles représentent pour l'image du chef de l'Etat.
" Il y a un décrochage affectif des Français dans leur perception du président ", s'inquiète ainsi un proche de M. Macron.
" Même si elles ne sont pas toutes justifiées, ces polémiques donnent le sentiment qu'on s'éloigne des préoccupations des Français ", abonde un élu LRM.
Pour expliquer cet enchaînement malheureux, certains soulignent de nouveau l'absence de relais autour du chef de l'Etat, qui se voit obligé de monter au front tous les deux jours pour défendre telle ou telle position, au risque du dérapage ou de l'incompréhension.
" Le nous doit l'emporter "
" C'est le vrai sujet du moment, assure un intime de l'ancien ministre de l'économie de François -Hollande.
Le président est obligé de s'exposer en permanence parce qu'il est le seul à maîtriser le récit du macronisme. Les autres, ils se sont choisis devant l'église avant de se marier ! "" La victoire de Macron, c'est celle d'un commando, mais on ne peut pas gérer la France comme un commando, explique un autre soutien du chef de l'Etat.
Dans la transformation, c'est le nous qui doit l'emporter. "
Symptôme de cet isolement, le chef de l'Etat a publié de façon impromptue deux Tweet, mardi 26 juin, sur les pensions de réversion, un sujet relevant pourtant du gouvernement.
" Il n'est pas question de supprimer les pensions de réversion pour les futurs retraités, qui bénéficieront des mêmes prestations pour chaque euro cotisé ", a ainsi écrit M. Macron depuis le Vatican, alors que Bruno Le Maire, le ministre de l'économie, avait indiqué, deux jours plus tôt sur RTL, que le gouvernement voulait
" des pensions plus justes, qui aillent aux personnes qui en ont réellement le plus besoin ".
Le président veut-il éviter une polémique équivalente à celle sur les aides sociales, lancée à la suite de déclarations de M. Le Maire ?
" Il est important qu'il y ait une parole présidentielle pour démentir de façon ferme les rumeurs ", reconnaît-on à l'Elysée. Une justification qui souligne en creux le peu de poids de la parole d'Edouard Philippe : le premier ministre avait lui aussi tenu à démentir la rumeur sur les pensions de réversion, devant le Sénat, mardi après-midi. Mais, selon son entourage, le chef de l'Etat a estimé qu'il fallait
" démultiplier la puissance de la parole publique " sur le sujet.
Reste que sur ce sujet, la cacophonie s'installe bel et bien. Jeudi, Christophe Castaner a expliqué sur LCI que la réforme des retraites impliquera que
" la pension de réversion(…)
sera modifiée ". Le gouvernement
" ne toucher (a)
pas " aux pensions des retraités actuels, a expliqué le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, mais pour les futurs retraités, le système évoluera.
" Si vous faites dans la justice, pour certains elle peut baisser, pour d'autres elle peut augmenter ", a précisé M. Castaner. Au risque de contredire la mise au point présidentielle.
Cédric Pietralunga
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