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samedi 30 juin 2018

Le prochain gouvernement tchèque entre les mains des communistes


29 juin 2018

Le prochain gouvernement tchèque entre les mains des communistes

Le premier ministre populiste désigné Andrej Babis veut former une coalition avec les sociaux-démocrates, mais dépendra au Parlement de l'ex-Parti communiste tchécoslovaque

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Certains y verront une énième provocation de la part du président tchèque. Mercredi 27  juin, l'irascible Milos Zeman n'a pas trouvé déplacé de nommer le nouveau gouvernement à l'occasion de la Journée du souvenir, dédiée aux victimes du régime communiste. Or, ce dernier devrait être soutenu au Parlement, pour la première fois depuis 1989, par le très nostalgique Parti communiste de Bohême et de Moravie (KSCM), le successeur direct du peu riant PC de l'ex-Tchécoslovaquie. Et cette formation n'a rien renié de ce passé, ni fait son mea culpa, selon Vit Havelka, un chercheur du think tank Europeum.
Alors que dans les autres démocraties européennes issues de l'ex-bloc soviétique, ceux qui se réclament d'un tel héritage marxiste sont marginalisés, à Prague, ils jouissent donc désormais de la position de faiseurs de rois. Car huit mois après les élections législatives des 20 et 21  octobre 2017, le milliardaire populiste Andrej -Babis, qui était arrivé en tête du scrutin, avec 29,7  % des voix, a passé un pacte inédit avec eux.
Désirant à tout prix éviter des élections anticipées après des négociations longues et laborieuses pour trouver une majorité, il va accéder à plusieurs des requêtes du KSCM, qui n'a obtenu que 8,51  % des voix lors du scrutin, nommer aussi des communistes à des postes importants dans de grandes entreprises publiques. En échange, la poignée de députés que compte cette formation lui promet une bienveillance sans faille à l'égard de la coalition minoritaire que son parti, ANO, Action des citoyens mécontents, entend mener avec la formation sociale-démocrate CSSD.
Hommage à Kim Jong-il" Et ce compromis indigne les cercles intellectuels de Prague ", selon Muriel Blaive, historienne à l'Institut pour l'étude des régimes totalitaires, à Prague. Des manifestations rassemblant plusieurs milliers de personnes ont eu lieu au début du mois de juin pour protester contre l'accord. Plus de 250 000 personnes ont aussi signé une pétition dénonçant le caractère honteux d'un tel pacte politique, vingt-huit ans après la" révolution de velours " menée par le dissident Vaclav Havel.
Car la position des communistes tchèques non réformés reste, sur un certain nombre de sujets, assez éloignée des standards politiques européens contemporains. Il y a trois ans seulement, une exposition en hommage au dictateur nord-coréen Kim Jong-il était encore, par exemple, organisée au siège du parti, suscitant beaucoup de critiques.
Le KSCM réclamait une sortie de l'OTAN durant la campagne et il refuse que le nouveau gouvernement renforce les missions militaires tchèques à l'étranger, ce qui aura un impact direct sur la sécurisation de la région nordico-balte face à la Russie.
L'un de ses députés a également fait beaucoup parler de lui, ces derniers mois. Zdenek Ondracek a été élu en début d'année par le Parlement à la tête de la commission en charge du contrôle des services d'inspection de la police. Problème : sous la dictature, il a participé, du côté des forces de l'ordre, à la répression de manifestations. Face au tollé, il a finalement démissionné, au mois de mars. Mais sans exprimer de regrets, ni s'excuser.
L'Eglise catholique a également fait part de sa consternation concernant les concessions faites par M. Babis, car le KSCM a obtenu l'imposition des biens spoliés sous le régime communiste et rendus au clergé depuis une loi datant de 2012, ce qui est contraire, selon elle, à la Constitution. Petr Jan Vins, le secrétaire général du Conseil œcuménique des Eglises tchèques, entend donc s'opposer, comme il l'a affirmé au journal Pravo" par tous les moyens " à cette mesure " illégitime ".
Près de 100 000 biens immobiliers et terrains appartenant aux Eglises, nationalisés sous le communisme, ont été recensés. L'Etat est dans l'obligation de restituer 56  % des biens confisqués à leurs anciens propriétaires. Il doit également leur verser 2,3  milliards d'euros sur une période de trente ans. Une imposition de ces restitutions pourrait faire rentrer 450  millions d'euros dans les caisses de la République tchèque et permettre, selon les communistes, une valorisation du salaire minimum et des retraites.
Selon son premier secrétaire, -Vojtech Filip, le KSCM entend décider dans les jours qui viennent s'il signe définitivement le projet d'accord conclu avec Andrej Babis. Le premier ministre a été accusé par le passé d'avoir collaboré avec la police secrète, sous le régime communiste, ce qu'il nie. Il fait toujours l'objet d'une enquête judiciaire, dans une affaire de détournements supposés de fonds européens. Composé de dix ministres issus du mouvement ANO et de cinq des rangs sociaux-démocrates, son nouvel exécutif va tenter d'obtenir la confiance du Parlement, le 11  juillet.
Blaise Gauquelin
© Le Monde

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