Réalisatrice de Brendan et le secret de Kells (2009), dessin animé inspiré d'une légende celtique, Nora Twomey se tourne aujourd'hui vers une réalité contemporaine douloureuse et complexe. Récit de quelques mois d'enfance vécus à Kaboul, en 2001, dans la période qui a précédé la chute du régime taliban en Afghanistan, Parvana… tente de rendre compte à des enfants d'une situation violente et cruelle.
Le talent de la cinéaste – qui sait puiser dans le patrimoine graphique et plastique de l'univers de ses personnages – et la rigueur du scénario, inspiré d'un roman de la Canadienne Deborah Ellis, œuvrent à la réussite du projet. Ce qui ne suffit pas à la garantir tout à fait : les nécessités du cinéma pour enfants – fussent-ils grands – conduisent à des simplifications, historiques et dramatiques, au recours à des procédés qui font parfois ressortir l'artifice qui est au cœur de
Parvana…
L'héroïne éponyme est une petite fille de 11 ans, qui survit dans la capitale afghane en accompagnant son père sur les marchés pendant que sa sœur aînée et sa mère restent cloîtrées à la maison, frappées par l'interdiction de paraître en public édictée à l'encontre des femmes par les talibans. Quand son père est arrêté et emprisonné, Parvana se travestit en garçon pour nourrir sa famille.
Le récit d'une légendeLe scénario entrelace les épisodes de cette quête de travail et d'argent, ainsi que d'informations au sujet du père détenu, et le récit que fait Parvana à son petit frère d'une légende ancestrale. Le premier fil narratif est traité sobrement, dans un style qui avoisine (sans y succomber) le réalisme dans une animation fluide, de grande qualité, le second s'inspire des miniatures persanes et indiennes, mêlant ombres et -papiers découpés.
Le scénario et la matière dramatique du film ne sont pas tout à fait à la hauteur de ce contraste formel évocateur. Nora Twomey se débat entre sa volonté de tenir en haleine son jeune public et la nécessité de rendre compte de faits historiques, comme la débâcle sanglante des talibans après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Les péripéties de la recherche de travail, d'argent, d'informations sur le père emprisonné prennent parfois le tour d'une quête picaresque qui fait surgir des personnages ambigus (entrepreneur avide, marchand compatissant…), incarnations de la réaction du genre masculin aux privilèges supplémentaires conférés par les nouveaux maîtres. Ces rebondissements prennent aussi le tour du récit enfantin avec leurs simplifications extrêmes qui jurent avec la complexité de l'histoire de l'Afghanistan. Par nature, les séquences consacrées au conte échappent à cette difficulté.
Enfin, les voix ont été enregistrées en anglais par des comédiens qui indiquent l'origine des personnages par leur accent (une remarque qui ne s'applique pas à la version française). Ce procédé n'est pas réservé aux films pour enfant (il était récemment risible dans
Red Sparrow, de l'Américain Francis Lawrence, sorti en avril). Là comme ailleurs, il apparaît de plus en plus désuet, masquant les voix, précisément, que voudrait faire entendre
Parvana…
Thomas Sotinel
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