rfiLES VOIX DU MONDE : La situation est de plus en plus critique dans la bande de Gaza. Les Israéliens sont toujours déterminés, le Hamas également. Est-ce que vous croyez que cette opération terrestre va aboutir à quelque chose, si ce n’est à la mort de centaines de civils ?
Julien Salingue : Ça ne peut pas aboutir à autre chose qu’à la mort de centaines de civils. Ce qu’on est en train de vivre depuis cette nuit, je pense qu’il faut en prendre la mesure. C'est-à-dire qu’on parle de cinquante morts, mais quand on voit les images et quand on entend les témoignages, le chiffre risque de monter.
Ce que fait l’Etat d’Israël ce n’est absolument pas, en réalité, s’en prendre à l’infrastructure militaire du Hamas. C’est s’en prendre aux infrastructures de la bande de Gaza et s’en prendre à la population de la bande de Gaza en général. Il faut bien comprendre ce qu’est la bande de Gaza. C’est un petit territoire minuscule qui fait 360 kilomètres, qui est assiégé depuis sept ans par Israël, et au sud par l’Egypte. Il y a un million 800 000 personnes dedans, une densité de population parfois de 40 000 au kilomètre carré. Les gens ne peuvent pas fuir, ne peuvent pas sortir de Gaza. Et bombarder la bande de Gaza comme c'est fait actuellement, ça ne peut aboutir qu’à des catastrophes. Et là on est en train de vivre la catastrophe. Les organisations humanitaires le disent.
Pourquoi Benyamin Netanyahu, selon vous, s’entête dans cette voie militaire ? Toutes les opérations menées précédemment n’ont finalement pas changé grand-chose.
C’est l’extrême droite qui l’a poussé à faire ce choix de l’offensive terrestre ?
Et suite à la disparition des trois jeunes Israéliens à proximité d’une colline de Cisjordanie, on a vu se multiplier les appels à la haine, à la vengeance, à la violence, et les passages à l’acte en Israël et dans les territoires palestiniens. Ce que fait Benyamin Netanyahu, c’est répondre à ces demandes-là. C’est continuer à gouverner comme il le fait depuis des années.
Et malheureusement, c’est une fois de plus la population de Gaza qui trinque, alors qu’on sait très bien qu’il n’y a aucune solution militaire à la situation dans la bande de Gaza.
Il n’y a qu’une solution politique: la fin du blocus, la reconnaissance des droits nationaux palestiniens et absolument pas des opérations militaires à répétition |
Car on le voit, elles ne changent rien, si ce n’est qu’elles aggravent encore un peu plus la situation des Gazaouïs et le ressentiment de la population.
Prendre le risque de décapiter le Hamas, est-ce que ce n’est pas aussi prendre le risque de renforcer des groupes bien plus radicaux, comme le jihad islamique ?
Donc évidemment en envenimant encore un peu plus la situation, en provoquant le Hamas et en radicalisant la population, l’Etat d’Israël ne fait que radicaliser l’ensemble des Gazaouïs et des Palestiniens. Il ne faudra pas s’étonner après, si jamais effectivement, les discours qu’on entend sont de plus en plus hostiles à l’Etat d’Israël, parce que ce sera la résultante des opérations menées par l’Etat d’Israël. Israël ne cherche absolument pas aujourd’hui, je le répète, à régler quoi que ce soit sur le court ou le moyen terme.
C’est une opération notamment de politique intérieure pour Benyamin Netanyahu : montrer qu’il est aussi radical que les plus radicaux en Israël. Et c’est aussi une opération, un message à destination des Palestiniens qui est de leur dire : tant que vous continuerez à résister, à revendiquer vos droits, régulièrement nous reviendrons, nous vous bombarderons. Et il y aura des centaines de victimes.
Mahmoud Abbas, le président de l’autorité palestinienne, est attendu à Doha pour rencontrer Khaled Mechaal, le chef du Hamas en exil. Que peut-il obtenir, selon vous ?
Donc, ce qu’on peut ressortir de cette rencontre entre le Hamas et Abbas c’est éventuellement une proposition palestinienne commune de cessez-le-feu vis-à-vis de l’Etat d’Israël, parrainée peut-être par le Qatar. Mais bien évidemment, ce serait conditionné parce que ça n’a pas de sens en réalité d’exiger un cessez-le-feu si on explique aux Palestiniens qu’on revient à la situation dans laquelle ils étaient antérieurement.
Julien Salingue, on le voit, la situation diplomatique est, elle aussi, totalement bloquée. Est-ce que la communauté internationale peut faire encore quelque chose ?
Pour l’instant, ça ne fait pas faiblir Moscou...
Et je précise qu’il y a une petite différence par rapport à la Russie, c’est que l’Etat d’Israël est dépendant du soutien économique, politique et diplomatique des pays occidentaux, ce qui n'est pas le cas de la Russie. Donc, des sanctions pourraient être efficaces, s’il y avait un tout petit peu de courage politique de la part des dirigeants des pays occidentaux.
Et je pense notamment au président Hollande, qui a pris une position de soutien à l’offensive israélienne, en expliquant qu’Israël avait le droit de recourir à tous les moyens pour protéger ses populations civiles. Ce qui est, quand on y réfléchit, une position proprement scandaleuse.
Quand on arrive à adopter des positions qui sont reprises par Benyamin Netanyahu comme étant une caution pour poursuivre la politique qu’il mène, eh bien oui, on peut se poser des questions sur les responsabilités qu’on exerce dans la situation actuelle.
Note :
Et si la solution passait aussi par :
-
Dominique de Villepin : « Lever la voix face au massacre perpétré à Gaza »
- Palestine : Shimon Peres défend toujours la solution à deux Etats
Pour en savoir plus :
- Entretien avec le Dr Mustapha Barghouti secrétaire général de l’Initiative nationale palestinienne : « Israël vise l’annexion de la Cisjordanie et la consolidation du système d’apartheid »
- par Charles Anderlin correspondant de France2 à Jérusalem : Mais pourquoi donc, le Hamas arrêterait-il les tirs ?
- Conflit israélo-palestinien : François Hollande hésite et... ne prend aucune décision
- Un article de novembre 2013 qui garde toute sa pertinence : Faillite de l’Union européenne en Palestine
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