Paris dans l'embarras après le revirement d'Obama
Reuters – il y a 8 heures
Reuters/Reuters - La France est dans une position délicate après le choix de Barack Obama de consulter le Congrès sur une intervention armée en Syrie, une décision surprise qui isole François Hollande et l'expose
par
Sophie Louet
PARIS (Reuters) - La
France est dans une position délicate après le choix de Barack Obama de
consulter le Congrès sur une intervention armée en Syrie, une décision surprise
qui isole François Hollande et l'expose à la pression de
l'opposition pour un vote au Parlement.
Le débat en France sur
la Syrie a pris un tour polémique, le premier secrétaire du Parti socialiste
accusant la droite d'"esprit munichois".
L'exécutif met en
avant "l'esprit et la lettre" de la Constitution pour écarter
l'option d'un vote sur d'éventuelles frappes contre le régime syrien -en toute
hypothèse sans l'aval de l'Onu- pour l'attaque chimique du 21 août à Damas.
On souligne dans
l'entourage de François Hollande que ce dernier "a affirmé un
principe" mais qu'"il ne s'est jamais engagé sur un calendrier ou une
date".
"Maintenant
qu'Obama a décidé de consulter le Congrès, le processus suit son cours, sauf s'il
y avait des nouveautés sur le terrain, de nouvelles violences",
déclare-t-on.
Face à la nouvelle
donne créée par le vote négatif de la Chambre des communes britannique jeudi et
la consultation du Congrès américain dans la semaine du 9 septembre, Jean-Marc
Ayrault a décidé de réunir lundi les présidents de l'Assemblée et du Sénat,
ceux des commissions des Affaires étrangères et de la Défense des deux
chambres, ainsi que les présidents des groupes de la majorité et de
l'opposition des deux chambres.
Le Parlement est
convoqué mercredi pour un débat sans vote.
La réunion de lundi,
prévue à 17h00, sera l'occasion de "préparer" cette session
extraordinaire, a déclaré le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, dans le
cadre du "Grand Rendez-Vous" Europe 1-Le Monde-i>TELE.
"ON NE CHANGE PAS
LA CONSTITUTION"
De François Fillon à Jean-Louis Borloo, les responsables
de l'opposition jugent que la procédure n'est pas à la hauteur des événements
et exigent depuis le revirement américain que le président sollicite l'aval des
parlementaires avant toute frappe. Des voix s'élèvent aussi dans la majorité en
ce sens.
"Les socialistes
n'ont eu de cesse à chaque intervention militaire que de réclamer ce vote.
Cette hypocrisie est insupportable", déclare François Fillon au Journal du
Dimanche.
Dans une lettre
ouverte publiée dans le JDD, le dirigeant centriste François Bayrou met en
garde le président contre "une décision périlleuse" sans
"consultation du Parlement".
"Un tel pouvoir
de décision sans consultation se justifie quand il y a urgence. Il est
impensable quand le Parlement n'est pas consulté", écrit-il, en
différenciant le Mali de la Syrie.
Aux termes de
l'article 35 de la Constitution, maintes fois rappelé durant le week-end par
les membres de l'exécutif français, le gouvernement "informe le Parlement
de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger, au plus tard
trois jours après le début de l'intervention".
"Cette
information peut donner lieu à un débat qui n'est suivi d'aucun vote",
est-il précisé. Lorsque la durée d'une intervention armée excède quatre mois,
sa prolongation est alors soumise à l'approbation du Parlement.
"On ne change pas
la Constitution en fonction des événements", a plaidé Manuel Valls. "La Constitution
britannique, la Constitution américaine, n'ont rien à voir avec notre
Constitution".
Des responsables de
l'opposition rappellent notamment que François Hollande, alors député et
premier secrétaire du PS, avait réclamé le 26 février 2003 à la tribune de
l'Assemblée un débat avec vote sur le conflit irakien. D'autres expliquent que
le gouvernement peut engager sa responsabilité sur une déclaration de politique
générale soumise au vote.
"LA FRANCE NE
PEUT PAS Y ALLER SEULE"
Le premier secrétaire
du PS, Harlem Désir, a dénoncé sur Radio J l'"esprit munichois" de la
droite, qui a aussitôt réclamé que François Hollande désavoue des propos
"ignobles".
"On voit bien le
risque aujourd'hui, c'est que la France devienne la marionnette des
Etats-Unis", a déclaré l'ancien ministre UMP Bruno Le Maire sur BFMTV.
L'exécutif dément tout
isolement et souligne que la résolution de François Hollande à agir reste
intacte, à l'instar de la détermination américaine.
"Nous sommes
amenés forcément, par rapport à la capacité d'intervention, à attendre la
décision des Etats-Unis", a concédé Manuel Valls. "La France ne peut
pas y aller seule".
"Ne partez pas
sur le principe qu'il n'y aura pas d'intervention. Il faut aujourd'hui attendre
la fin de cette nouvelle étape", a-t-il ajouté, citant le vote du Congrès
à majorité républicaine, qui n'est pas acquis pour Barack Obama, ainsi que le
futur rapport des experts de l'Onu.
L'analyse des
échantillons prélevés par les inspecteurs à Damas pourrait prendre jusqu'à
trois semaines.
"Nous avons
désormais un temps, et ce temps, il faut le mettre à profit pour que les choses
bougent, parce que le pire encore une fois serait de ne rien faire", a dit
Manuel Valls.
Selon un document des
services de renseignement français dont Le Journal du Dimanche a eu
connaissance, le régime syrien détiendrait "avec plus de mille tonnes
d'agents chimiques de guerre et de précurseurs" l'un "des stocks
opérationnels les plus importants du monde, sans perspective de destruction
programmée".
Avec Elizabeth Pineau,
édité par Guy Kerivel
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